Harlan ELLISON Titre original : Slippage: Precariously Poised, Previously Uncollected Stories, 1997 Première parution : Willimantic, USA : Mark V. Ziesing, 31 mars 1997 Traduction de Hélène COLLON
FLAMMARION
(Paris, France), coll. Imagine n° (27) Dépôt légal : septembre 2001 Première édition Recueil de nouvelles, 372 pages, catégorie / prix : 20 € ISBN : 2-08-068048-X Genre : Science-Fiction
Télépathe, vous vous voyez confier par une de vos amies, procureur de son état, la mission de pénétrer dans l'esprit d'un abominable criminel dont, convaincue de son innocence, elle est tombée amoureuse. Commence alors pour vous un voyage mental au bout duquel vous attend le plus effroyable des dérapages.
En votre qualité de dragon doué de pouvoirs magiques, vous avez été envoyé à San Francisco pour réparer une faille spatio-temporelle qui expose la ville aux plus abominables des entités. Mais pour l'amour de la belle mortelle qui vous prend pour un jouet — car vous êtes un tout petit dragon — vous voilà parti dans un dérapage aux conséquences cosmiques.
En vingt et un récits, Ellison illustre l'idée développée dans sa préface : faute de vigilance, le dérapage guette. Une réflexion que l'auteur tire des deux grandes épreuves qui ont marqué son existence ces dernières années : un tremblement de terre et un accident cardiaque. Mais dans ses fictions, le point de rupture et le contexte dans lequel il se produit n'ont rien d'aussi prosaïque. Que ce soit par la forme narrative adoptée, le style, la réanimation des mythes ou l'invention de nouveaux mythes, c'est toujours de l'autre côté du miroir qu'il entraîne, ou plutôt qu'il fait déraper son lecteur.
Harlan Ellison, né en 1934, s'est affirmé depuis le milieu des années 60 comme une figure clé de la littérature américaine sans distinction de genre. Sa fameuse anthologie Dangereuses visions (1967), ses talents d'animateur (c'est lui qui a découvert Dan Simmons), voire de polémiste, son oeuvre variée, presque entièrement constituée de nouvelles qui lui ont valu un nombre impressionnant de distinctions, font de lui plus qu'un écrivain : une véritable centrale d'énergie.
1 - Remerciements, pages 9 à 10, notes 2 - Le Temps des dérapages (The Fault in My Lines, 1997), pages 15 à 28, introduction, trad. Hélène COLLON 3 - Le Marin qui déposa Christophe Colomb à terre (The Man Who Rowed Christopher Columbus Ashore, 1991), pages 31 à 46, nouvelle, trad. Hélène COLLON 4 - Tout sauf ça, tout sauf toi (Anywhere But Here, With Anybody But You, 1996), pages 51 à 57, nouvelle, trad. Hélène COLLON 5 - Une sacrée case en moins (Crazy as a Soup Sandwich, 1989), pages 58 à 99, nouvelle, trad. Hélène COLLON 6 - Ténèbres voilant la face du gouffre (Darkness Upon the Face of the Deep, 1991), pages 100 à 118, nouvelle, trad. Hélène COLLON 7 - La Lune, pâle pièce d'argent, paie son passage et rend la monnaie (The Pale Silver Dollar of the Moon, 1994), pages 119 à 127, nouvelle, trad. Hélène COLLON 8 - L'Arôme persistant du bois brûlé (The Lingering Scent of Woodsmoke, 1997), pages 129 à 131, nouvelle, trad. Hélène COLLON 9 - Avenue du Cyclope (The Museum on Cyclops Avenue, 1995), pages 133 à 145, nouvelle, trad. Hélène COLLON 10 - Aller vers la lumière (Go Toward the Light, 1996), pages 147 à 157, nouvelle, trad. Hélène COLLON 11 - Un méphisto en onyx (Mefisto in Onyx, 1993), pages 159 à 210, nouvelle, trad. Hélène COLLON 12 - Ma résidence dans l'au-delà (Where I Shall Dwell in the Next World, 1992), pages 212 à 224, nouvelle, trad. Hélène COLLON 13 - Tête-à-tête avec Anubis (Chatting with Anubis, 1995), pages 225 à 232, nouvelle, trad. Hélène COLLON 14 - Engagez-vous, rengagez-vous (The Few, the Proud, 1987), pages 233 à 242, nouvelle, trad. Hélène COLLON 15 - La Cité du bon sens (Sensible City, 1994), pages 245 à 253, nouvelle, trad. Hélène COLLON 16 - Harlan ELLISON & Robert SILVERBERG, Le Dragon sur l'étagère (The Dragon on the Bookshelf, 1995), pages 255 à 267, nouvelle, trad. Hélène COLLON 17 - La Dernière Touche (Keyboard, 1995), pages 269 à 276, nouvelle, trad. Hélène COLLON 18 - La Cent-douzième victime (Jane Doe #112, 1990), pages 277 à 288, nouvelle, trad. Hélène COLLON 19 - Les Cauchemars rêvent aussi (The Dreams A Nightmare Dreams, 1997), pages 291 à 294, nouvelle, trad. Hélène COLLON 20 - Perpétuité plus un jour (Pulling Hard Time, 1995), pages 295 à 300, nouvelle, trad. Hélène COLLON 21 - Mont Scartaris, 28 juin (Scartaris, June 28th, 1990), pages 301 à 325, nouvelle, trad. Hélène COLLON 22 - Trop jeune pour quitter sa mère (She's a Young Thing And Cannot Leave Her Mother, 1988), pages 327 à 343, nouvelle, trad. Hélène COLLON 23 - Minuit dans la cathédrale engloutie (Midnight in the Sunken Cathedral, 1995), pages 345 à 357, nouvelle, trad. Hélène COLLON 24 - ANONYME, Éléments bibliographiques, pages 361 à 361, bibliographie
Critiques
Pour le lecteur français, connaître un tant soit peu l'œuvre d'Ellison exige d'être « vieux » ou chineur. Après divers ouvrages — les récits de jeunesse chez Marabout, les textes de la maturité aux Humanoïdes Associés — sortis au cours des années 70, le silence s'est fait.
Or, l'enfant terrible de la SF US continuait d'écrire, de remporter des prix, de cracher sa colère à la face du système. Mais les nouvellistes ont, paraît-il, du mal à s'imposer dans notre pays, et Ellison n'a guère publié de romans, hormis de médiocres « Ace Books » au début de sa carrière, quelques incursions hors genre et une collaboration. Maigres perspectives, par ces temps de séries à rallonge pour culturistes en mal d'haltères.
Saluons donc l'initiative de Jacques Chambon, déjà responsable des parutions aux Humanos, qui propose coup sur coup deux recueils de l'auteur dont son ami Isaac Asimov se délectait à souligner la petite taille... et le grand talent.
Dérapages, par contre, est la traduction d'un ouvrage américain, le dernier en date d'Ellison (1997) et couvre essentiellement la décennie précédente. Institutionnalisé (« Le marin qui déposa Christophe Colomb à terre », un tour de force d'une intensité juvénile et un texte fantastique sans ambiguïté, a eu le rare honneur d'une reprise dans un prestigieux recueil des meilleurs récits de... littérature générale pour l'année de sa parution), diminué par de graves problèmes de santé, enfin heureux en mariage, l'écrivain aurait pu s'assagir. Il n'en est rien.
Difficile d'effectuer un choix parmi la bonne vingtaine de nouvelles ici rassemblées, marquées par une belle liberté et une grande diversité de ton, mais on signalera tout de même la superbe fantaisie écrite en collaboration avec le complice de toujours, Robert Silverberg (« Le dragon sur l'étagère »), un conte arabisant, noir, presque lovecraftien (« Ténèbres voilant la face du gouffre »), une vignette glaçante sur une alternative à la peine de mort (« Perpétuité plus un jour »), mais aussi « Le marin... » déjà cité, ou encore l'étrange « Minuit dans la cathédrale engloutie », et enfin le plat de résistance, le court roman « Un Méphisto en onyx », un mélange de fantastique et de polar dont les retournements de situation laissent pantois.
En tout, dans ces deux volumes, trente-trois voyages au court cours, dont on ne revient pas intact. C'est voulu, c'est superbe, c'est Ellison, tel qu'en lui-même il demeure.
Notes :
1. Voir La Machine aux yeux bleus pour la partie de la chronique portant sur ce recueil, partie que nous n'avons pas reproduite ici (Note de nooSFere).