LA DÉCOUVERTE
, coll. Fictions Dépôt légal : septembre 1987 Première édition Recueil de nouvelles, 204 pages, catégorie / prix : 89 F ISBN : 2-7071-1701-3 Genre : Science-Fiction
Johnny Mnemonic a des puces dans la tête... qui parfois le démangent.
Proust avait ses madeleines. Pour Parker, ce sont les Fragments d'une rose en hologramme.
Dans les bars, Coretti rencontre de bien étranges habitués, des piliers de comptoir, le genre intégré, parfaitement intégré même...
On est toujours le sauvage de quelqu'un... Paumés dans leurs Hinterlands, à l'écart des civilisations supérieures, les hommes vont le découvrir à leurs dépens.
Dure est la retraite pour le colonel Korolev, premier homme sur Mars et dernier occupant d'un soyouz délabré. Étoile rouge, blanche orbite, le rêve spatial n'est plus ce qu'il était.
Coincé dans une case à l'Hôtel New Rose, on a tout le temps de ruminer qu'on peut se piquer à vouloir jouer avec l'industrie de pointe.
Pour un as du mixage neural, Le marché d'hiver, c'est le tube de l'été garanti et pour sa vedette de la simstim, l'immortalité... médiatique.
Si Deke avait eu plus de cœur, peut-être aurait-il renoncé à défier un mutilé de guerre en Duel aérien...
Une fois qu'ils l'auront gravé sur chrome, leur programme viral, Bobby et Jack, les sorciers du clavier, n'auront plus à s'inquiéter pour leurs vieux jours. Mais encore faut-il savoir briser la glace...
Neuf nouvelles — dont certaines écrites à deux mains avec quelques complices du mouvement « cyberpunk » — pour une étonnante galerie de « perdants, de putains, de paumés, de largués et de cinglés. Le futur, vous le voyez par en dessous, tel qu 'il est vécu, et non plus comme une sèche spéculation ». C'est ainsi que dans sa préface, Bruce Sterling présente cette intégrale des nouvelles de William Gibson, tant attendue après le succès de ses deux romans Neuromancien et Comte Zéro. On y retrouve l'univers des conurbations et des zaïbatsus, des réseaux câblés et des pirates informatiques, sur fond de rock et d'images de synthèse.
1 - Bruce STERLING, Préface, pages 9 à 14, préface, trad. Jean BONNEFOY 2 - Johnny Mnemonic (Johnny Mnemonic, 1981), pages 15 à 37, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 3 - Fragments de rose en hologramme (Fragments of a hologram rose, 1977), pages 38 à 45, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 4 - William GIBSON & John SHIRLEY, Le Genre intégré (The Belonging Kind, 1981), pages 46 à 61, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 5 - Hinterlands (Hinterland, 1981), pages 62 à 84, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 6 - William GIBSON & Bruce STERLING, Étoile rouge, blanche orbite (Red Star, Winter Orbit, 1983), pages 85 à 107, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 7 - Hôtel New Rose (New Rose Hotel, 1984), pages 108 à 122, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 8 - Le Marché d'hiver (The Winter Market, 1985), pages 123 à 148, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 9 - William GIBSON & Michael SWANWICK, Duel aérien (Dogfight, 1985), pages 149 à 175, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY 10 - Gravé sur Chrome (Burning Chrome, 1982), pages 176 à 201, nouvelle, trad. Jean BONNEFOY
Critiques
Voici sans doute le chant du cygne de cette collection remarquable, qu'ont animée Douay, Andrevon et Duvic — et qui nous a depuis quelques années présenté des auteurs et des styles de SF neufs. Ceux qu'on a nommés les « cyberpunks » ou — selon le mot de N. Spinrad dans l'article époustouflant qu'il a écrit dans Univers 87 — des « neuromantiques ». J'en rappelle quelques titres, parce qu'ils valent vraiment la dépense : chaque lecture en étant une véritable perte/retrouvaille de soi dans un univers à la fois proche des nerfs et des sources de nos fantasmes : Comte Zéro et Neuromancien de Gibson, Armaggedon Rag de G.R.R. Martin. Dans un style autre mais tout aussi prenant Holdstock et sa Forêt des mythimages.
Pour ce qui regarde ces 9 nouvelles, et la préface subtile de Bruce Sterling, six sont de Gibson seul, 3 en collaboration avec J. Shirley, Bruce Sterling, Michel Swanwick : rien que du beau monde, pour le même prix vous avez toutes les nouvelles écrites par Gibson (moins une à paraître dans une anthologie compilée par Sterling en Denoël, où Sterling a publié deux romans). Mais c'est l'univers de Gibson qui persiste, malgré les apports étrangers. Ces nouvelles sont des fragments de l'univers qu'il a déployé dans les romans cités plus haut : l'univers melting pot de la culture des jungles modernes américaines, avec son argot et son ultrarapidité, l'obsolescence du langage impose qu'on soit toujours branché sur le dernier mot lancé — le code change vite. Avec, aussi, la pénétration dans le quotidien, du jargon de l'information en termes de hard et de software : on sent que le trésor ce n'est plus le coffre plein d'or ou la Princesse, c'est la puce. Voir Demain les puces in Denoël, mais chez Gibson c'est déjà aujourd'hui, avec ses hommes réservoirs d'info qu'ils ne peuvent atteindre, qui doivent se donner à décoder etc. : un univers à la Brussolo dans un langage totalement différent. Car ce mélange doit passer par une langue à la fois travaillée et familière : une brisure active, il en reste encore un goût de lourd métal sur la langue, des accompagnements de sons étranges, venus des groupes les plus fous. Non, je ne raconterai pas ces nouvelles. Elles sont toutes à lire, nous renvoyant à un monde social curieux pour la SF, proche de ce qu'on trouvait dans le polar, avec ses zones, ses paumés, ses disproportions entre le fric des uns et le néant des autres, sans dimension d'avenir : un éternel présent qui se répète dans des décors qui changent. Des scènes à la Chester Himes dans les dépotoirs d'astroports pourris tels que Ballard aurait pu les rêver. Mais nous sommes dans un présent fou plus que dans un avenir extrapolé. Mais ici comme ailleurs, c'est l'image d'une situation de folie ordinaire que nous renvoie le miroir du futur. La nouvelle qui donne son titre au recueil figure en dernier. Lisez-la en dernier. C'est un point d'orgue.