FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions
(Paris, France), coll. SF n° 50 Dépôt légal : septembre 1998, Achevé d'imprimer : août 1998 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 39 FF ISBN : 2-265-06507-2 Format : 11,0 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
Jean-Michel Calvez, né en 1961, est ingénieur en construction navale et passionné par la SF de Dan Simmons ou de Arthur C. Clarke. Après l'exploration du monde géant de « Planète des vents » (SPACE n° 16), l'auteur revient avec la troublante aventure d'un homme seul dans l'espace. Seul... ou presque.
— Peux-tu me dire à quoi je sers dans ce vaisseau, cet IVG ?
— Le but même de notre mission est contenu dans l'appellation du module, camarade Delta. IVG comme Instrument d'Intervention de Veille Galactique. Nous sommes un vaisseau de reconnaissance lointaine, un module de découverte, un poste spatial mobile avancé, un concentré des technologies de la Terre en ces espaces insondés.
— Tu mens, Why !
Cinq ans seul avec lui-même face à Why, ce computer bavard qui avait toujours sa bonne réponse à tout mais qui ne répondait jamais à la question. Mille huit cent vingt et un jours passés dans le vide à s'interroger et aucun souvenir de sa vie d'avant. Qu'on le laisse partir ou qu'on lui dise enfin la vérité, sinon plutôt crever !
Critiques
Delta n'est pas un pilote de vaisseau spatial : s'il doit tirer cinq ans d'espace dans un Instrument de Veille Galactique, c'est au titre d'auxiliaire humain de l'ordinateur de bord, WHY (ce sigle possède aussi un décodage, mais à la lecture on se dit qu'ici les acronymes ont plus de sens en eux-mêmes que développés). Mais Delta finit par craquer, et par entraîner WHY dans sa révolte contre le Centre. Et contre d'autres unités qui possèdent avec la sienne un degré insoupçonné de similitude — même si le titre du roman en évente largement la nature.
Avant toutefois de faire de WHY un computeur renégat, solidaire (à la différence de HAL) de son compagnon humain, Delta le promeut écrivain, producteur d'une histoire de poète amoureux transi qui éveille, en dépit de son caractère stéréotypé, d'étranges résonances chez son unique lecteur.
Huis Clones séduit au départ par une situation décalée (même si pas entièrement originale), la violence de l'expression et la crudité des détails, et une écriture personnelle (quoiqu'un tantinet verbeuse). Hélas, plus le roman progresse, plus l'écriture se relâche, plus les invraisemblances scientifiques sont flagrantes. Un échantillon de phrase confuse : comment Delta peut-il être « retenu prisonnier par un poids qui changeait de direction à chaque volte du module en folie » ? (p. 189). Et surtout, on comprend de moins en moins où le roman veut nous mener. Que Calvez ne cultive pas un clone de La Stratégie Ender ou d'Odyssée sous Contrôle, c'est tout à son honneur, mais j'aurais aimé que son livre ne se terminât pas sur une pirouette. Peut mieux faire !
Un homme, seul depuis cinq ans dans l'étroite cabine d'un vaisseau, face à un ordinateur, et suicidaire : c'est « Huis clos », première partie qui aboutit à la rédaction par la machine d'un feuilleton mainstream dans lequel le héros se projette fort bien. Un affrontement avec des vaisseaux semblables au sien, pilotés par des individus non moins semblables à lui, c'est « Six clones », la deuxième partie. La destruction-reconstitution de la Terre par des extra-terrestres, et un remake d'Adam et Eve, c'est « Cyclones », la troisième partie. Ceci parce que Calvez, dit-on, n'aime pas les résumés tronqués.
Que dire d'autre ? Que de fausses pistes donnent quelque densité au début du texte. Que la science-fiction à un seul personnage, même en ajoutant une machine, est un exercice difficile, à moitié réussi autrefois, dans un autre décor mais déjà au Fleuve, par J.P. Andrevon (Soupçons sur Hydra, n°1304). Qu'ici, la vraisemblance physiologique ou spatio-stratégique n'est pas au rendez-vous. Que cela importe peu, car il est surtout question de solitude, de quête d'identité, de trahison par le monde extérieur, ce qui pourrait « interpeller » moults adolescents. Que l'auteur le sait. Que si ce n'est pas parfait, en partie par excès d'ambition, c'est meilleur que ce qu'il a commis jusque-là, et que s'il progresse encore, on relira ce roman, plus tard, pour disserter sur l'homme, l'œuvre, la SF et l'écriture.