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Darwinia

Robert Charles WILSON

Titre original : Darwinia, 1998
Première parution : New York, USA : Tor, juin 1998
Traduction de Michelle CHARRIER
Illustration de MANCHU

DENOËL (Paris, France), coll. Lunes d'Encre
Dépôt légal : février 2000, Achevé d'imprimer : février 2000
Première édition
Roman, 384 pages, catégorie / prix : 139 FF
ISBN : 2-207-24938-7
Format : 14,0 x 20,5 cm
Genre : Science-Fiction



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
Mars 1912, l'Europe et une partie de l'Angleterre disparaissent subitement, remplacés par un continent à la faune et à la flore non terrestres que l'on ne tarde pas à nommer la Darwinie. Pour l'enfant Guildford Law, cette tragédie n'est ni un miracle ni une punition divine, mais plutôt une énigme que la science pourra un jour résoudre. C'est fort de cette certitude qu'il sacrifie tout pour faire partie de la première grande expédition d'exploration destinée à s'enfoncer au coeur du continent inconnu. Là, de mort violente en mort violente, tous les dangers et tous les secrets de la Darwinie lui seront révélés.
Nominé au prestigieux prix Hugo en 1999, Darwinia est une oeuvre d'une rare ambition, d'ores et déjà appelée à devenir un classique, qui nous ramène à l'époque où les savants étaient explorateurs et aventuriers.
 
Robert Charles Wilson, d'origine américaine mais vivant depuis longtemps au Canada, est né en 1953. Son livre Mysterium, récompensé par le Philip K. Dick Award, a eu un succès considérable en France. Parmi ses autres livres on citera Le Vaisseau des voyageurs et Les Fils du vent.
Critiques
     Une aventure qui tourne mal...
     1912 : subitement, l'Europe disparaît. Pour être remplacée par un nouveau continent à la flore et la faune étranges qui sera dénommé « Darwinia ». Passionné, le jeune Guilford Law fera partie de la première expédition lancée sur ces Terra Incognita. Débutant, comme on a pu le voir, comme un simple roman d'aventures fantastique, le nouvel ouvrage de Robert C. Wilson se diversifiera rapidement. En effet, il abordera bientôt deux nouveaux niveaux de lecture. Parallèlement à l'exploration de Darwinia, nous suivrons l'itinéraire plutôt bizarre d'Elias Vale, un mage « habité » par un dieu extraterrestre, puis celui de Caroline, l'épouse de Law, restée seule dans un nouveau Londres bouleversé par la guerre. Bien entendu, ces trois niveaux ne tarderont pas à s'interpénétrer, tout en étant régulièrement interrompus par des « interludes galactiques » assez métaphysiques, le tout ne formant pas la somme grandiose que l'on aurait pu attendre mais plutôt un ensemble disparate et hétéroclite finalement inabouti. La conclusion, en particulier, s'avère fumeuse et sans explication convaincante. Dommage, car l'idée de départ était excellente.

Bruno PEETERS
Première parution : 1/9/2000 dans Phenix 55
Mise en ligne le : 1/2/2004


     Darwinia est un de ces romans qui défient toute tentative de classification. Un de ces romans, aussi, qui laissent au lecteur l'étrange impression qu'il y a là davantage à comprendre que ce qu'il aura pu saisir en un seul parcours. Non pas (surtout pas !) parce qu'il serait mal écrit, ou insuffisamment pensé, mais pour des raisons qui tiennent à ses choix littéraires. D'une part, parce qu'il multiplie les références et les clins d'oeil ironiques — et je suis à peu près certaine d'en avoir raté au moins la moitié. D'autre part, parce qu'il se montre d'une telle ambition qu'il se doit parfois de rester allusif, de suggérer, d'inciter à poursuivre au-delà de ses 375 pages la réflexion ébauchée. Enfin, parce qu'il saute allègrement toutes les barrières de genres, ne laissant jamais le lecteur se reposer très longtemps dans le confort d'une lecture familière.

     Au premier abord, Darwinia est une uchronie. Ou plutôt une double uchronie, qui joue sur les deux registres de l'histoire naturelle et de l'Histoire des hommes. En 1912, toute la vieille Europe est remplacée, du jour au lendemain, par un nouveau continent, vierge de toute occupation humaine, peuplé d'espèces végétales et animales qui violent ouvertement les lois de l'évolution. Un tel événement ne peut manquer de bouleverser le devenir de l'humanité. Sur le plan spirituel, d'abord : la religion semble mieux outillée que la science pour expliquer un événement qui s'apparente aussi visiblement à un miracle, ou du moins à un mystère. Sur le plan géopolitique, ensuite : le vieux continent étant devenu une sorte de « nouveau Nouveau Monde », il va devenir la proie des appétits colonialistes de ses anciennes colonies. Sur le plan stratégique et militaire, enfin : les états européens ayant disparu corps et biens, la première guerre mondiale ne peut éclater, mais de nouveaux conflits menacent bien vite entre les nouvelles puissances coloniales. Lorsque le jeune photographe Guilford Law se joint à une expédition dont les membres sont, en parts à peu près égales, partisans de l'explication scientifique et de l'intervention divine, on se dit que l'on est parti pour un récit d'exploration à la Jules Verne, entrecoupé de débats hautement métaphysiques sur l'évolutionnisme et le créationnisme.

     L'illusion ne dure guère que quelques pages. Très vite, en effet, le cours normal de l'Histoire commence à transpirer dans les rêves des explorateurs et dans l'apparition d'étranges pouvoirs chez certains êtres humains peu reluisants. On se croit alors embarqué dans une histoire de mondes parallèles... mais là encore, on s'aperçoit rapidement qu'il s'agit d'autre chose encore. Car les deux mondes, outre le fait qu'ils ne cessent de s'entrecroiser (ce qui est somme toute assez incompatible avec le parallélisme), n'ont ni la même temporalité, ni la même densité d'être. Et c'est finalement la réalité même de ce nouvel univers, sa stabilité ontologique, que Wilson nous amène à remettre en question. Aller plus loin serait risquer de déflorer l'intrigue — et ce serait d'autant plus dommage que l'un des plus grands mérites de ce roman est que rien n'y permet de prévoir le tour que vont prendre les choses avant que l'auteur ne condescende à nous en donner les clefs. Disons simplement qu'à la différence d'une utopie classique, Darwinia s'efforce d'élucider le pourquoi de la divergence historique, un pourquoi qui impliquera des noosphères (eh oui !) et des êtres tellement inconcevables que le roman, pourtant résolument SF, en viendra parfois à flirter avec la fantasy et le fantastique.

     Pourtant, comme la plupart des romans ambitieux, Darwinia n'est pas dépourvu de faiblesses. Parce qu'il ne veut visiblement pas se laisser enfermer dans un genre bien défini, il en vient à endiguer certains développements qui n'auraient pas manqué d'intérêt. Ainsi, les spéculations sur l'origine de Darwinia (naturelle ou divine), qui s'avéraient passionnantes, sont trop vite oubliées. Sans doute Wilson a-t-il voulu s'épargner la facilité apparente du classique « science versus religion », mais il n'empêche que cet aspect aurait gagné à être souligné. De même, l'uchronie aurait pu être plus détaillée. Certes, le renversement du rapport Europe / États unis est tout à fait intéressant, mais on ne peut s'empêcher de se demander ce qui se passe ailleurs. L'Europe disparue, qu'advient-il des anciennes colonies ? Que devient l'Afrique ? L'Asie ? L'allusion à l'Australie, pays du Commonwealth, aurait donné une superbe occasion de développer un peu. De manière générale, d'ailleurs, le roman perd de sa force à mesure que l'histoire s'oriente vers l'explication de la divergence historique. Trop vite. Trop abruptement. Et pas toujours de manière franchement convaincante — peut-être parce que l'on est déçu, finalement, que le mystère n'ait pas perduré.

     Malgré ces quelques défauts, qui peuvent contrarier les lecteurs les plus exigeants, Darwinia est un roman qui mérite d'être lu. Il mène à bien le projet ambitieux d'écrire une uchronie qui révèle ses causes, une aventure où la frontière entre fiction et réalité fluctue d'une page à l'autre. Il n'atteint sans doute pas l'excellence que le début laissait présager, mais il n'en reste pas moins intéressant, stimulant et relativement différent de ce qui se fait habituellement en SF.

Nathalie LABROUSSE (lui écrire)
Première parution : 1/7/2000 nooSFere


     Telle que l'annoncent illustration et quatrième de couverture, le propos est déjà intéressant. Le remplacement de toute vie en Europe, un jour de 1912, l'année du Titanic, par une faune et une flore extraterrestres, et la lente exploration de ce monde. Avec ses baraques installées là où s'étendait Londres ou ses fragiles implantations continentales rappelant les factoreries curwoodiennes, Wilson renverse les histoires de notre pré-adolescence, situées dans l'Ouest sauvage ou le Grand Nord. Il fait aussi référence, de façon appuyée, aux romans martiens de Burroughs, et, implicitement, à Lovecraft, entre dieux chitineux et cité perdue non-humaine. Ce ne serait déjà pas mal, et ferait tout à fait bonne figure dans l'actuelle floraison de livres ancrés dans un avant-1914 (cf. dans ce même numéro, la critique des Chemins de l'espace, de Colin Greenland — où on retrouve Mars). Il ne s'agit pas de steampunk à proprement parler, mais on savoure le dépoussiérage des romans d'antan, entre exercice de style et hommage aux grands anciens. Les petites madeleines sont garanties à tous les étages, l'aventure aussi.
     On devrait s'arrêter là. Ne pas parler de la suite. Laisser le lecteur s'étonner quand il découvrira que cela ne s'arrête pas là, alors même que ce serait déjà plus qu'intéressant. Que si la référence à 1914 s'impose, c'est que le personnage principal, dans la réalité, dans notre réalité, est bel et bien mort durant la Première Guerre mondiale. Que derrière l'apparition soudaine de ce monde sauvage, il y a une explication aux dimensions plus que cosmogoniques, à côté desquelles Star Wars relève du minimalisme d'un film d'Éric Rohmer. Ou d'Ingmar Bergman. Que l'on y manie les années par paquets de dix mille millions, les noosphères galactiques, et une mort de l'univers replaçant John W. Campbell et Olaf Stapledon dans le carré des faits divers, le tout rendu accessible et évident par une analogie avec un incident toujours possible sur votre ordinateur, surtout équipé par Bill Gates. Et que si ce décollage ébouriffant relativise tout et nourrit une nostalgie explicite, voire une angoisse existentielle, il ne met pourtant pas fin à l'aventure — on s'offre même un siège avec tirs nourris, façon western, et un affrontement de fantômes incarnés, façon La Nuit des morts-vivants. Autant dire que du destin ultime de l'univers au sort individuel de son héros, le second nécessairement lié au premier, l'auteur joue sur bien des registres et des échelles différentes. Qu'on ne s'en plaindra pas. Qu'on en prend plein les yeux et plein les neurones. Que c'est grandiose. Et que vous feriez mieux de vous précipiter dessus. Sans délai.

Éric VIAL (lui écrire)
Première parution : 1/6/2000 dans Galaxies 17
Mise en ligne le : 26/10/2001

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition GALLIMARD, Folio SF (2003)

     En 1912, l'Europe et tous ses habitants disparaissent brusquement pour laisser place à un nouveau continent, rapidement baptisé la Darwinie en raison de sa faune et de sa flore, étranges et sauvages. On y trouve par exemple des « serpents à fourrure » ou des « faucons-mites ». Ce continent dangereux, difficilement explorable, semble constamment changer d'aspect. Une expédition scientifique se met en place pour tenter d'en percer les mystères. Parmi eux se trouve le photographe américain Guilford Law, qui tient un journal à l'intention de sa femme et de sa fille restées à la Nouvelle Londres, une petite colonie sale et violente, qui lutte contre la nature envahissante. Au sein de l'expédition, les opinions divergent : l'irruption de la Darwinie est-elle un phénomène scientifique rationnel ou un miracle, preuve incontestable de l'existence de Dieu ? Comment expliquer autrement l'apparition en une nuit d'arbres déjà adultes, et surtout la présence de fossiles ?

     Partant de ce postulat original, Robert Charles Wilson livre ici un roman qui se joue des genres, glissant de l'aventure au fantastique. Au récit de l'expédition qui tourne au cauchemar, et qui apporte beaucoup plus de questions que de réponses, se mêle une intrigue plus sombre, où des temps parallèles semblent coexister. Guilford est en effet hanté par une autre image de lui-même, celle d'un soldat mort dans une gigantesque guerre mondiale en Europe, qui n'a pourtant pas eu lieu...

     Cet univers complexe et très personnel est peuplé de personnages denses et variés, grâce auxquels on se laisse porter avec passion dans ce livre atypique où Wilson déploie un talent de conteur certain. La nouvelle géopolitique engendrée par le surgissement de la Darwinie joue également dans l'originalité du roman. Darwinia est l'occasion de découvrir une autre facette de l'auteur de BIOS ou des Chronolithes.

Marie-Laure VAUGE
Première parution : 1/12/2003
dans Galaxies 31
Mise en ligne le : 9/12/2008

Prix obtenus
Aurora (anciennement Casper), Roman anglais, 1999


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Uchronie

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