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Les Extrêmes

Christopher PRIEST

Titre original : The Extremes, 1998
Première parution : Simon & Schuster UK, août 1998
Traduction de Thomas BAUDURET
Illustration de Alain BRION

DENOËL (Paris, France), coll. Lunes d'Encre
Dépôt légal : mars 2000
Première édition
Roman, 432 pages, catégorie / prix : 145 FF
ISBN : 2-207-24942-5
Genre : Science-Fiction



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     On appelle session ExEx la reconstitution d'un crime en simulateur. Ainsi plonge-t-on dans des situations virtuelles proches de la perfection des agents du FBI qui jouent des rôles sans cesse différents lors de vols à main armée, massacres, prises d'otages, meurtres sériels... Ces reconstitutions dites « extrêmes » servent non seulement à former les nouveaux agents, mais sont aussi commercialisées sous forme de jeu. Pour Teresa Simons, agent du FBI, formée par ce biais, la vie vole en éclats le jour où son mari Andy est assassiné. Mise sur la touche, plus ou moins contre son gré, elle décide de se rendre à Bulverton-on-Sea, dans le sud de l'Angleterre, où le jour de la mort de son mari eut lieu un terrible massacre. C'est là, au sein d'une petite communauté traumatisée, que Teresa va faire son deuil et découvrir ce qu'impliquent réellement les « extrêmes »...
     Chef d'oeuvre de construction, à mi-chemin entre Le silence des agneaux de Thomas Harris et Les racines du mal de Maurice G. Dantec, Les extrêmes mêle jusqu'au vertige réel et virtuel.

     Christopher Priest est connu dans le monde entier pour son roman Le monde inverti. Mais il a écrit plusieurs autres romans remarquables dont Une femme sans histoires, The prestige (World Fantasy Award), Futur intérieur. Il est considéré comme l'un des écrivains les plus fins et les plus intéressants du genre. Plus récemment, il a signé la novélisation du film de David Cronenberg, eXistenZTM.
Critiques
     Invoquer en quatrième de couverture Thomas Harris ou Maurice G. Dantec relève du mercantilisme le plus vil, un mercantilisme qui part toutefois d'un bon sentiment : vendre au lecteur ainsi abusé un fort bon bouquin. Reste que ce n'est pas un thriller ni même un roman d'action. Certes, il y a ce qu'il faut de tueurs de masse, mais les massacres ont eu lieu six mois plus tôt. Malgré l'omniprésence de la réalité virtuelle, plus que des cyberpunks, c'est l'ombre de Philip K. Dick lui-même qui plane sur ce roman. L'ombre, car c'est du Priest, pas du Dick. Impossible de s'y tromper.

     On a l'impression de dériver sur une zone morte du temps ; une fin de XXe siècle décalée par un seul aspect technologique : ici, une interface directe entre le psychisme et la virtualité. Dès 77, Priest nous avait entraîné dans les méandres d'univers virtuels avec Futur intérieur. Déjà, des êtres fragiles y cherchaient refuge alors que des prédateurs voyaient là s'ouvrir de nouveaux territoires de chasse. Déjà, Priest envisageait des univers s'imbriquant comme des poupées russes. Entre temps, le cyberpunk a déferlé et les arborescences d'univers des Extrêmes sont numériques. On retrouve ce sud de l'Angleterre cher à l'auteur, qui vit à Hastings. Après un Wessex fantasmé et le Wiltshire de Une Femme sans histoires (tout juste réédité en « Présence du Futur » n° 625), c'est donc le tour du Sussex. C'est là, à Bulverton on Sea, qu'une américaine, agent du FBI, vient faire le deuil de son mari abattu en mission. Pourquoi là ? Parce qu'à Bulverton a eu lieu un massacre simultané à celui où son mari trouvait la mort au Texas. Gerry Grove a descendu la Grand Rue, tirant sur tout ce qui bouge.

     Teresa Simons est familière des ExEx (expériences extrêmes), pour les avoir utilisées durant sa formation au FBI. C'est une femme pas tranquille du tout, très priestienne — qui n'est pas sans évoquer la Julia de Futur intérieur — , pareille à une vitre fêlée par un impact que le moindre souffle pourrait faire voler en éclat. Ainsi arrive-t-elle à Bulverton...
     On distinguera deux parties en lisant Les Extrêmes. Dans la première, une femme, une étrangère étrangère à elle-même, vient traîner ses gros sabots dans une petite ville meurtrie, traumatisée par un drame collectif. Dans un second mouvement, l'usage des équipements ExEx commerciaux conduit à un grand dérapage dickien dans les multiples scénarii virtuels possibles. La vitre — la vie de Teresa Simons — explose en une foultitude d'éclats, comme les fragments d'une rose en hologramme — l'image de Gibson convient bien. Elle explose comme Megan, la sœur jumelle devenue amie et double imaginaire, a explosé quand elle a tiré dans le miroir de la chambre parentale avec le pistolet de son père.

     Je m'étais demandé quelle mouche avait bien pu piquer Christopher Priest pour le pousser à rédiger la novélisation du dernier film de David Cronenberg, eXistenZ. Après avoir lu Les Extrêmes — qui est paru en anglais en 97, avant eXistenZ donc — , force est de constater que Priest était, hormis feu Dick, de loin l'auteur le mieux indiqué pour cette tache. À se demander si la lecture des Extrêmes n'a pas été l'influence prépondérante de Cronenberg qui a signé le scénario d'eXistenZ...

     Si le thème est on ne peut plus dickien, l'interprétation a toutes les qualités qui font de Priest un auteur majeur. On retrouve cette justesse psychologique si caractéristique, cet art de peindre une fragilité dansant sur le fil du rasoir, au risque de la schizophrénie. Si ce n'est pas son plus grand livre, ça n'en est pas moins du haut de gamme.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/5/2000 dans Bifrost 18
Mise en ligne le : 5/10/2003


     Sur le thème de la réalité virtuelle, est-il possible que ce soit le même Christopher Priest qui ait écrit, à un an d'intervalle, deux romans aussi différents ? Après la plate novélisation de eXistenZTM, qui ne méritait guère qu'on s'y arrête, Lunes d'encre publie cette fois un roman considérablement plus ambitieux, qui a d'ailleurs reçu le prix de la British Science Fiction Association en 1998.

     Le début paraît banal. Priest prend le temps de nous présenter des personnages assez ordinaires, profondément humains, dont le seul point commun est d'avoir vu leurs vies basculer après un drame récent : l'assassinat de proches par l'un de ces individus tranquilles qui explosent un jour et massacrent au hasard ceux qui croisent leurs routes à cet instant.
     Peu à peu, l'atmosphère s'appesantit. Teresa n'est finalement pas si ordinaire. Agent du FBI, elle a subi une formation en réalité virtuelle, participant à des crimes réels recréés de toutes pièces. Elle se souvient de ces mêmes scènes cent fois répétées, où elle changeait parfois de rôle et essayait d'agir pour faire tourner la situation à son avantage. Ces séquences répétitives, lancinantes, se révèlent hypnotisantes par la violence absurde qu'elles dégagent. Priest parvient à doser ces redites de façon à ne pas entraîner de lassitude et à conserver au récit une chaleur qui lui évite de sombrer dans l'exercice de style.

     A ce moment, l'enthousiasme gagne le lecteur.
     D'abord parce que Les extrêmes traite de la réalité virtuelle de façon simple, exempte de tout fantasme cyberpunk. Pas de mégalopole japonisante, ni de hackers drogués perdus dans la « matrice » : nous sommes ici dans une petite ville anglaise ordinaire où une bonne partie de la population ignore encore le virtuel. Les personnages sont des gens comme tout le monde, avec leurs doutes et leurs soucis. Et quand on participe à une session virtuelle, on sait parfaitement faire la différence.
     Ensuite, parce qu'une fois le décor planté, Priest accumule les petits faits intrigants. Pourquoi Teresa éprouve t-elle le besoin de venir à Bulverton, où s'est produit un massacre le jour même de l'assassinat de son mari en Amérique ? Y a-t-il une raison à ces débordements de violence gratuite qui affectent parfois des individus sans antécédents notables ? Comment se fait-il qu'il y ait un trou dans l'emploi du temps du meurtrier ? Et deux armes de trop ? Pourquoi les « extrêmes » sont-ils basés sur des faits réels et non inventés de toute pièce ? Que cherche au juste la GunHo Corporation qui vient de débarquer à Bulverton pour acheter les témoignages des survivants ? Quel est le lien entre ces divers meurtres qui ont lieu de par le monde ?

     C'est donc avec une certaine fascination que l'on s'enfonce dans cette intrigue envoûtante, où nos certitudes s'effritent progressivement. Mais tout bascule dans un finale pseudo-dickien où aucune réponse aux questions précédentes n'est apportée : Teresa se perd dans la virtualité, Priest se perd dans son récit et le lecteur se perd dans ses interrogations.
     L'auteur avait su jusque là faire monter une tension insidieuse particulièrement prenante, aussi ce dénouement paraît-il facile, artificiel et sans intérêt. La postface de Priest n'éclaire d'ailleurs pas davantage le lecteur sur le sens de cette histoire, puisqu'il y insiste sur une idée — que peut-il se passer dans le monde quand un fait divers terrible occulte toute autre information ?  — qu'il ne semble justement pas avoir abordée dans le roman...
     Bien sûr, chacun aura le loisir de réinterpréter à sa manière cette conclusion, mais il est difficile d'échapper à une légitime frustration devant ce qui ressemble fort à une pirouette.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 15/4/2000 nooSFere


     Teresa Simons est un agent du FBI, endeuillée par la perte de son mari, agent lui aussi, abattu au Texas lors d'un affrontement avec un tueur de masse. Toujours sous le choc quelques mois après, elle prend congé de son poste au Bureau et s'envole pour l'Angleterre pour s'installer à Bulverton, sur la côte sud. Car, par une étrange coïncidence, le même jour où son époux Andy est mort, un autre forcené armé jusqu'aux dents a fauché les vies de 23 habitants de cette petite ville paisible. Elle a l'idée qu'en reconstituant les événements de ce jour à Bulverton, elle comprendra finalement ce qui lui est arrivé. Mais elle est vite frustrée par la réticence des témoins à s'exprimer, car les survivants du massacre sont eux aussi toujours traumatisés. Néanmoins, elle commence non seulement à apercevoir d'autres petites coïncidences bizarres entre les tueries de Bulverton et du Texas, mais aussi des contradictions et des lacunes inexplicables dans les témoignages et les rapports officiels.
     Troublée, Teresa se tourne vers l'Expérience Extrême (ou ExEx), une technologie révolutionnaire de réalité virtuelle par implant cérébral qui reconstruit des scénarios d'événements réels à partir des souvenirs conscients et inconscients des témoins. Teresa a déjà eu affaire avec ExEx pendant sa formation au FBI, qui s'en sert pour préparer ses agents aux situations ultra-violentes. Mais les créateurs d'ExEx développent des moyens de plus en plus sophistiqués et interactifs, et qui sont maintenant destinés au grand public. Et, évidemment, c'est la violence et le sexe qui se vendent le plus. Teresa, mi-séduite, mi-écœurée, expérimente les limites de cette technologie. Mais plus elle s'y aventure, plus les frontières entre réalité objective et réalité virtuelle s'effacent.
     Christopher Priest joue très fort dans ce roman. Le spectacle de la violence et le rôle des médias qui le répandent est montré de la façon la plus crue possible. La psychologie des personnages, tous traumatisés ou détraqués, est pourtant très fine, surtout dans le cas de Teresa. Car elle n'est pas seulement perturbée par la disparition de son mari, mais aussi par ses souvenirs d'enfance, dominés par un père obsédé par les armes à feu. Et puis, il y a les problèmes posés par l'avènement de la réalité virtuelle. Un peu à la manière de Philip K. Dick (dans Ubik et d'autres romans), l'auteur nous pose une question fondamentale  : entre perception, mémoire et logique, où est la « vraie  » réalité  ?

Tom CLEGG (lui écrire)
Première parution : 1/3/2000 dans Galaxies 16
Mise en ligne le : 1/8/2001

Prix obtenus


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