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Au bout... la mort

Éric VERTEUIL

Première parution : Paris, France : Fleuve Noir, Angoisse, 4ème trimestre 1973

Illustration de Michel GOURDON

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Angoisse n° 247
Dépôt légal : 4ème trimestre 1973
Première édition
Roman, 240 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 11,0 x 17,5 cm
Genre : Fantastique



Quatrième de couverture
     Dans une auberge isolée, près de gorges à pic, une jeune femme, Madeleine, croit devenir folle. Au téléphone, son mari lui répond qu'il n'a jamais été marié et les seuls papiers d'identité qu'elle possède prouvent qu'elle est célibataire  !
     Peu à peu, elle n'est plus sûre de ses souvenirs, de ce qu'elle voit, de ce qu'elle pense. Est-elle malade, mythomane ou victime d'une étrange vieille dame aux yeux gris-acier qui semble posséder un pouvoir hypnotique ? L'angoisse croît d'heure en heure dans cet endroit mystérieux d'où il semble impossible de s'échapper.
     Et tout près, au fond des gorges, gronde un torrent fascinant qui balaye tout sur son passage.
Critiques
 
     [Critique de :
     AU BOUT... LA MORT par Eric Verteuil
     LES CISEAUX D'ATROPOS par Marc Agapit
     LA DALLE AUX MAUDITS par G. J. Arnaud]

     Trois romans bien différents, parus à trois mois d'écart dans la collection « Angoisse », ce qui prouve l'hétérogénéité de cette série qui continue à cloche-pied son petit bonhomme de chemin... A cloche-pied, parce qu'on ne peut valablement parler ici que d'un ouvrage sur deux en moyenne, bien sûr ! Mais cette coloration hétérogène permet au moins d'espérer de temps à autre une surprise. Ce n'est certes pas ce qui nous attend avec Au bout... la mort, signé Eric Verteuil — un pseudonyme qui cache deux littérateurs nouveaux venus au Fleuve Noir. Ce roman fonctionne en effet comme un policier classique, ce qui semble bien être le cas de deux ouvrages sur trois dans une série où le vrai surnaturel se fait rare, pour ne rien dire de l'effroi qui reste pourtant son but dûment étiqueté. On nous y conte en effet les mésaventures subies par Madeleine, une jeune femme relevant de dépression nerveuse et qui vient chercher le repos dans une pension de famille isolée dans un coin perdu des Vosges...
     On voit très bien le cadre (collines brumeuses et petits sentiers où l'on s'égare), ainsi que l'archétype : la « maison étrange ». Et en effet, la pauvre Madeleine est la proie d'incidents bizarres (sa chambre subit des transformations inexplicables, son mari fait mine de ne pas la reconnaître), de tracasseries continuelles (un policier l'accuse de complot, une vieille fille la surveille et la menace...). Aussi bien pour l'héroïne que pour le lecteur, trois pistes sont proposées : ou bien Madeleine est l'objet d'une machination de la part de gens voulant s'approprier sa fortune ; ou bien elle devient folle ; ou bien des forces occultes sont au travail autour d'elle. C'est là un vieux schéma dont Robert Bloch et Boileau et Narcejac ont abondamment usé : on passe constamment de l'hypothèse rationnelle à l'hypothèse irrationnelle, et c'est ce jeu de balance qui fait l'intérêt du roman.
     Ici, le suspense est très bien alimenté par toute une série de petits mystères, et l'auteur a su nous mener dans son bateau jusqu'à la fin, qui n'éclaire d'ailleurs pas la solution choisie. L'envers du décor est que Au bout... la mort est très platement écrit, ou plutôt pas écrit du tout. Dommage, car ce roman type hall de gare est malgré tout un des rares « Angoisse » de ces dernières années à vous donner tout de même un petit frisson. Chez Marc Agapit, point de frisson sans doute, mais le petit ricanement qui se communique maintenant systématiquement de l'écrivain à ses lecteurs. Machination aussi, d'ailleurs, que celle qui s'ourdit dans Les ciseaux d'Atropos, puisqu'on y voit un « oncle », paralysé à la suite d'un accident de la route, tomber à la merci de ses trois neveux qui, lui semble-t-il, en veulent à sa peau — toujours pour une histoire de fric.
     Un double jeu se déroule sur ce schéma. On ne sait pas, et l'oncle Paul non plus, si les neveux désirent réellement occire l'invalide, ou si la menace n'existe que dans son imagination morbide. A partir de là, le second jeu, encore plus subtile, peut prendre racine : Paul, cloué sur son lit d'infirme, désire ardemment la mort que les neveux peuvent lui apporter mais, dès lors qu'elle semble s'approcher d'un peu trop près (à la faveur d'incidents bizarres de même type que ceux employés dans Au bout... la mort), il la repousse au contraire avec force gémissements ! On se rend compte de tout le parti qu'a pu tirer l'étonnant Agapit de ce scénario typique de son art, et qui mélange à la perfection la machination baroque et les fantasmes intérieurs non dénués de sadomasochisme. Si la conclusion apportée par l'auteur est inutile et fait déraper le récit (il semblerait bien qu'Agapit n'a fait qu'ajouter trente pages au hasard à un roman qu'il jugeait trop court), Les ciseaux d'Atropos reste bien dans le ton narquois et inimitable de ce délicieux conteur...
     G. J. Arnaud semble bien avoir abandonné l'« Anticipation » pour l'« Angoisse ». Dommage, car Les croisés de Mara laissait percevoir un talent qui valait bien celui de Suragne... Et heureusement, car si la série Anticipation ne manque pas de bons auteurs, la série Angoisse souffre d'une cruelle pénurie. La dalle aux maudits n'est pas du type policier comme l'étaient Le dossier Atrée et Ils sont revenus, mais plonge dans le véritable fantastique, comme La mort noire. Il y a donc sans doute deux facettes angoissantes chez ce prolifique auteur, et je ne peux que souhaiter qu'il prenne de préférence la seconde direction. Pour le présent ouvrage, la référence à Lovecraft est évidente : autour d'un petit village du pays basque (le roman se déroule à notre époque), des forces maléfiques remontant à la nuit des temps se déchaînent, venant du centre de la terre et bloquées jusque-là par une mystérieuse dalle noire. Contre ces grands anciens se dressent un petit groupe de « gardiens » préparés de génération en génération pour ce combat, aidés par les bons génies de la nature, les naïades, les faunes, les satyres, « tous ces êtres que l'obscurantisme a partiellement détruits comme nous le faisons actuellement pour la flore et la faune ».
     Il y a donc un curieux et très réussi assemblage de données fantastiques et mythiques et d'actions très quotidiennes, les « gardiens » étant des gens très communs, des paysans, des bourgeois, un gangster, une vierge et deux improbables putains qui permettent à l'auteur de s'en donner à cœur joie avec ses touches érotiques habituelles, concernant ici la description de seins tressautant, de croupes aguichantes, sans compter la « mousse exubérante » d'un bas-ventre offert. Mais Arnaud sait aussi rester en prise sur les problèmes quotidiens (il se paya voici un an une vigoureuse attaque contre l'énergie nucléaire dans O combien de marins, pour la collection « Espionnage »), et sait mettre en parallèle les forces amies assimilées aux naïades et autres satyres qui trouvent « des bois dévastés, des rivières polluées », et les obscures forces ennemies « qui s'adaptent parfaitement au rythme infernal de la vie. Eux qui aiment l'ordure, la démence, l'air vicié, se trouvent très à l'aise dans le monde moderne ».
     On peut donc très bien considérer aussi « La dalle aux maudits » comme une fable où les valeurs solaires et charnelles du monde dionysiaque des anciens entreraient en conflit avec les monstres infernaux qui répandent le froid et la puanteur par l'entremise du progrès. Cet ouvrage rend donc un son assez neuf, et est passionnant de bout en bout, même si on peut regretter qu'il ait été écrit un peu vite et que la fin en ait été nettement bâclée. Mais on n'écrit pas impunément un roman par mois, Monsieur Arnaud !
 

Denis PHILIPPE
Première parution : 1/9/1974 dans Fiction 249
Mise en ligne le : 14/5/2015

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