L'une des particularités de ce roman est qu'il se veut réaliste, mêlant la science-fiction avec l'espionnage, le quotidien avec la politique.
Le monde de Bonjour, Chaos, c'est le nôtre, celui des tensions internationales et du pessimisme de la jeunesse. Les noms sont légèrement différents mais qualifient au fond les mêmes personnes. Demain comme hier, les peuples se trouvent à la merci des politiciens, des militaires et des scientifiques. Ces gens-là peuvent tout changer, tout bouleverser. Il suffit qu'un jour l'un d'eux découvre le sérum d'immortalité pour que l'humanité puisse s'écrier : « Bonjour, Chaos ! »
Et ce jour arrive, bien sûr. Aussi s'installe la peur ; un peu plus tard, la panique.
Que doit-on choisir ? Que peut-on choisir ? La guerre nucléaire ? Mais elle signifie la fin d'une planète, son anéantissement quasi certain. La prise du sérum ? Mais il est mortel à cinquante pour cent...
Au bout du compte, les gouvernements et les gens qui savent décident pour les autres, ces millions et milliards d'autres qui se heurtent à un choix illusoire : vivre ou mourir ?
Vivre, c'est surmonter les effets secondaires du sérum, ou tout simplement refuser de l'absorber et attendre patiemment sa mort naturelle.
Vivre ou mourir ? Personne ne peut-il décider à ma place ? Non, plus maintenant, car le véritable choix a été effectué par ceux qui ont pris la décision de divulguer leur secret au grand public et de lui offrir cet élixir d'immortalité. Les petits dilemmes personnels — sérum ou pas sérum ? — ne peuvent se comparer à ce tragique problème de conscience.
Kate Wilhelm a su donner de la crédibilité à son histoire. La découverte du sérum immunologique, c'est de la science-fiction. Le reste en découle mais se situe dans une atmosphère vraie. Les personnages, Lyle Taney et Hugh Lasater en particulier, de par l'intérêt et la richesse qu'ils présentent, mettent en valeur l'implacable logique du roman. Les événements s'enchaînent en douceur, inexorablement. Et le chaos surgit subitement, à cause des russes et des américains qui sont, comme dans le monde d'aujourd'hui, les maîtres d'un jeu qu'ils croient à tort pouvoir maîtriser.
Un grand roman, aussi fort que Le Temps des Genévriers, aussi finement cruel que La Mémoire de l'Ombre, plein de l'espoir angoissé distillé par Hier les Oiseaux.
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/5/1986 dans Fiction 374
Mise en ligne le : 11/11/2003