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Bonne nuit Sophia

Lino ALDANI

Titre original : Quarta dimensione, 1964
Traduction de Jean-Claude MANGEMATIN

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur n° 88
Dépôt légal : 4ème trimestre 1965
Première édition
Recueil de nouvelles, 224 pages, catégorie / prix : 6,15 FF
ISBN : néant
Format : 12,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     • Hommes de demain ! Si vous ne voulez pas devenir le toutou de votre femme, ne la laissez plus seule avec votre chien.
     • Vous pourrez vivre dans la plus stricte et la plus enivrante intimité avec les B. B., les Claudia, les Sophia du futur... grâce au cinéma à trois dimensions.
 
     Par le plus grand romancier italien de Science-Fiction : douze nouvelles aux thèmes suggestifs et inquiétants mais (peut-être) vraisemblables demain.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Canis Sapiens (Canis sapiens, 1961), pages 9 à 29, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
2 - Technocratie intégrale (Tecnocrazia integrale, 1961), pages 31 à 47, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
3 - Le Kraken (Il "kraken", 1961), pages 49 à 73, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
4 - Les Ordres ne se discutent pas (Gli ordini non si discutono, 1960), pages 75 à 88, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
5 - Une rousse authentique (Una rossa autentica, 1962), pages 89 à 113, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
6 - Les Curieux (I curiosi, 1960), pages 115 à 128, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
7 - L'Ultime vérité (L'ultima verità, 1962), pages 129 à 149, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
8 - La Lune des vingt bras (La luna dalle venti braccia, 1960), pages 151 à 175, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
9 - Korok (Il cacciatore elettronico / Korok, 1960), pages 177 à 183, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
10 - Bonne nuit Sophia (Buonanotte, Sofia, 1963), pages 185 à 220, nouvelle, trad. Jean-Claude MANGEMATIN
Critiques

     Par le plus grand romancier Italien de science-fiction : douze nouvelles aux thèmes suggestifs et inquiétants, etc. Voilà ce qu'on lit sur la quatrième page de couverture du présent volume. Il y a là une légère exagération, qu'il eût été facile d'éviter – en consultant simplement la table des matières. Ce livre ne comprend en effet que dix des douze récits de l'édition originale. 

     Lino Aldani n'est peut-être pas le plus grand romancier italien de science-fiction ; mais il appartient assurément, avec Sandro Sandrelli, à l'élite de ceux qui cultivent le genre dans son pays. C'est un remarquable auteur de science-fiction, comparable aux meilleurs spécialistes continentaux, et à bien des anglo-saxons réputés. Son apparition dans la collection Présence du Futur (qui élargit encore ainsi son éventail international) ne sera pas une révélation pour les lecteurs de Fiction : en effet, un de ces récits (celui, précisément, qui donne son titre au recueil) avait été inclus dans le numéro spécial 132 bis, consacré à la science-fiction italienne.

     Il convient à ce point de remarquer que la traduction faite par Roland Stragliati pour Fiction est bien supérieure à celle effectuée par Jean-Claude Mangematin pour Denoël. D'une manière générale, le travail de celui-ci paraît avoir été fait avec bonne volonté et application, mais avec une connaissance de l'italien qui doit plus à la consultation du dictionnaire qu'à la pratique effective de la langue. Trop souvent. Jean-Claude Mangematin s'en tient au sens littéral, au mot-à-mot, ignorant les nuances et les précisions. Il parle par exemple (Canis sapiens, page 20) de l'ampoule de la raison, alors qu'il s'agit clairement de la lampe de la raison. Il traduit (Le kraken, page 73) dita inesperte par doigt expérimenté, ce qui signifie juste le contraire. Le mot italien groviglio (Bonne nuit Sophia, page 186) l'amène à parler d'un grouillement de lasciveté insatisfaite ; pour Fiction, Roland Stragliati avait écrit, beaucoup plus justement, tournoiement. Et, dans la même nouvelle, il avait rendu le mot tuta par combinaison (il s'agit du vêtement simplifié que l'on rencontre souvent en science-fiction), plutôt que de s'en tenir, ainsi que le fait Jean-Claude Mangematin, à la salopette du dictionnaire.

     Évidemment. Où allons-nous, si on demande aux traducteurs non seulement la connaissance des deux langues nécessaires à leur travail, mais encore une certaine habitude de la science-fiction…

     Dans le cas présent, le traducteur a terni la clarté du style de Lino Aldani, ce qui affaiblit dans une certaine mesure l'unité de ces récits. Aldani possède en effet un style d'une grande netteté, grâce auquel il s'efforce de présenter à son lecteur les moindres détails des scènes que vivent ses héros – ou des pensées qui leur viennent. On peut lui reprocher, dans les moins favorables des cas, une certaine pesanteur, et aussi de dévoiler involontairement un peu à l'avance l'effet de chute par lequel il espéra conclure. Cela est particulièrement net dans Les ordres ne se discutent pasvariante transparente mais amusante tout de même du Dernier Martien de Fredric Brown.

     Contrairement à Sandro Sandrelli, Lino Aldani ne recherche guère l'allusion dans ces récits. Cela pourrait entraîner une certaine monotonie, mais l'auteur évite adroitement cet obstacle grâce à l'extrême variété des sujets qu'il aborde, et également parce qu'il sait modifier en conséquence le point de vue selon lequel il entreprend sa narration.

     Le volume s'ouvre sur Canis sapiensnouvelle dans laquelle l'infortuné narrateur et son chien effectuent un échange de corps. Le thème n'est peut-être pas original (Horace Gold en avait tiré un parti brillant en 1936 avec A matter of form, qui devint une sorte de classique) mais Aldani lui donne une résonance supplémentaire : ce transfert psychique, qui vaut au narrateur sa mésaventure, est une arme que les chiens se réservent d'employer tous ensemble pour prendre définitivement la place des hommes. On comprend les frissons de l'infortuné humain qui en a un avant-goût. Ce qu'on comprend moins bien, en revanche, c'est les raisons qui poussent le chien à dévoiler si prématurément une arme secrète redoutable. On veut bien admettre qu'il était amoureux de sa patronne, mais cela suffit-il pour faire courir un risque à tous ses congénères ? Peut-être que les mentalités humaines et canines sont, en fin de compte, moins éloignées que les personnages le pensent. 

     Technocratie intégrale est une très bonne charge contre l'éducation à outrance. Les affres du candidat aux examens, et les énoncés des problèmes qui lui sont soumis, sont présentés avec une égale vraisemblance, il est recommandé à ceux qui auraient entre les mains le « prière d'insérer » du livre d'éviter de le lire avant d'aborder cette nouvelle, la jolie chute de celle-ci s'y trouvant maladroitement dévoilée. Une rousse authentique représente une variation sentimentale – sans excès – sur le thème Ils-sont-parmi-nous. Les Curieux et Korok mettent scène des humains en contact avec les Autres, et c'est également là le sujet du Kraken. Mais cette dernière nouvelle possède en outre l'intérêt d'un développement psychologique : le kraken, c'est le croquemitaine qu'un cosmonaute traîne depuis son enfance dans son inconscient ; que se passe-t-il, lorsqu'il rencontre véritablement un tel monstre ? 

     L'ultime vérité ménage une surprise qui n'est pas trop difficile à devancer par le lecteur attentif, mais les connaissances scientifiques de Lino Aldani lui ont permis de planter son décor avec minutie et précision. La nouvelle curieusement intitulée La lune des vingt bras (n'eût-il pas mieux valu écrire en français La lune aux vingt bras ?) commence pianissimo, pour s'achever en une scène où l'héroïque et l'atroce se mêlent : le titre est à prendre littéralement. Le mérite d'Aldani consiste ici à avoir évité un ton grand-guignolesque dans un sujet qui s'y prêtait. Bonne nuit Sophia, enfin, est la plus longue nouvelle du recueil. Ceux qui ont lu le numéro spécial de Fiction mentionné plus haut ne sont pas près d'oublier cette satire mordante – et parfaitement vraisemblable, hélas ! – de l'esclavage dans lequel l'industrie du spectacle peut entraîner le « consommateur » moyen. Avec elle, le volume s'achève en beauté. 

     Peut-on dire, après avoir lu ces pages, que Lino Aldani considère la science-fiction surtout comme une « littérature de dénonciation » ? Non, sans doute. Il y a bien un avertissement dans Technocratie intégrale et dans Bonne nuit Sophiamais Aldani possède un registre suffisamment étendu pour ne pas se spécialiser dans un seul ton. L'aisance qu'il manifeste tout au long de ces récits fait souhaiter que Denoël lui consacre prochainement un nouveau volume. Il parle sans le moindre accent la langue universelle de la science-fiction.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/4/1966 dans Fiction 149
Mise en ligne le : 22/3/2023

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