Quand H.G. Wells et Sherlock Holmes se rencontrent dans un Londres ensanglanté par Jack l'Eventreur, de quoi peuvent-ils bien parler ? Mais, des habitudes singulières des guêpes, évidemment...
Dans le village, tout le monde a été violé par les extraterrestres... Ca vous fait rire ? On voit bien que vous ne faites pas partie des victimes.
Et si des marchands extraterrestres arrivaient le jour de la finale de la coupe du monde de football et repartaient le soir-même, passant là juste pour nous proposer un truc qui, visiblement, ne sert à rien. À votre avis, qui s'en apercevrait ?
Les rangers du Texas, ce sont de vrais durs : ils se parfument à la téquila, mangent du plomb chaud. Alors autant vous prévenir, vos quelques martiens verdâtres à la con vont passer un mauvais quart d'heure.
Dix-sept récits débordants d'humour et de paranoïa, peuplés de créatures extraterrestres tantôt belliqueuses, tantôt sympathiques, de men in black et autres défenseurs du Grand Secret.
1 - John KESSEL, Envahisseurs (Invaders, 1990), pages 9 à 28, nouvelle, trad. Thomas BAUDURET 2 - Geoffrey A. LANDIS, Les Habitudes singulières des guêpes (The Singular Habits of Wasps, 1994), pages 29 à 50, nouvelle, trad. Thomas BAUDURET 3 - Walter Jon WILLIAMS, Les Diables étrangers (Foreign Devils, 1996), pages 51 à 70, nouvelle, trad. Thomas BAUDURET 4 - Howard WALDROP, La Nuit des tortues (Night of the Cooters, 1987), pages 71 à 88, nouvelle, trad. Brigitte MARIOT 5 - Thomas DAY, Cette année-là, l'hiver commença le 22 novembre, pages 89 à 111, nouvelle 6 - Francis MIZIO, L'Événement des événements, pages 113 à 124, nouvelle 7 - Marc SÉASSAU, Nouveau monde, pages 125 à 125, nouvelle 8 - Andrew WEINER, Streak (Streak, 1992), pages 129 à 142, nouvelle 9 - Paul J. McAULEY & Kim NEWMAN, Résidus (Residuals, 1997), pages 143 à 162, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 10 - Pat CADIGAN, J'ai été l'objet sexuel des dieux (Love Toys of the Gods, 1993), pages 163 à 175, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 11 - André-François RUAUD, Imago, pages 177 à 181, nouvelle 12 - Marc SÉASSAU, L'Arche de Néo, pages 183 à 183, nouvelle 13 - Johan HELIOT, Tu n'oublieras point, pages 187 à 195, nouvelle 14 - Marie-Pierre NAJMAN, Les Sondes, pages 197 à 210, nouvelle 15 - Marc SÉASSAU, Mars brothers, pages 211 à 211, nouvelle 16 - Philippe CURVAL, Journal contaminé, pages 215 à 238, nouvelle 17 - Patrick RAVEAU, Le Syndrome du caméléon, pages 239 à 249, nouvelle 18 - Claude ECKEN, Fantômes d'univers défunts, pages 251 à 275, nouvelle 19 - Dominic GREEN, Les Mystères de la Sainte-Propulsion (Moving Mysteriously, 1996), pages 277 à 302, nouvelle, trad. Michelle CHARRIER
Critiques
Voici l'anthologie la plus récente concoctée par Gilles Dumay — à moins qu'il n'en ait déjà publié une autre, cet homme qui anthologise plus vite que son ombre, avatar contemporain du Roger Elwood des années 70, qui faillit étouffer le marché des anthos US sous sa production... Autant le dire de suite, comme dans la plupart des recueils de circonstance coincés par une thématique aux brides serrées, le meilleur côtoie le pire.
Disons-le de suite, les « intermèdes » dus à Marc Séassau font partie du pire, saynètes supposées humoristiques mais navrantes de désintérêt et de platitude. Ceci dit, l'anthologie est organisée en quatre parties, Hier, Aujourd'hui, Demain et Autres. Curieusement, les nouvelles participant du passé sont parmi les meilleures. Il est exact que John Kessel est injustement oublié en France, et son texte d'ouverture mettant en scène (entre autres) Pizarre et Atahualpa mérite sa place d'honneur. (Le cuistre remarquera simplement que Pizarre n'aurait jamais parlé de Charles-Quint, mais de Carlos Primero, seul nom sous lequel le barbu fut connu des Espagnols.)
Désolé, Geoffrey Landis, mais il y en a un peu marre de ces variations auxquelles les auteurs de SF peu ou prou tentés par le « steampunk » se croient obligés de soumettre le pauvre Sherlock, qui n'en demande pas tant. À côté d'approches originales et bien insérées dans le « canon », combien de tentatives maladroites ? N'est pas René Reouven qui veut. De plus, revoici Jack, ce pauvre anatomiste reconverti charcutier... Bon, le texte est agréable. Moi, j'aime bien le Londres victorien, faiblesse avouée est à demi pardonnée. Non ? La nouvelle de Walter Jon Williams, Les Diables étrangers, vaut surtout par sa peinture de l'intérieur des coutumes de l'empire chinois finissant, quasi plus exotique que n'importe quel envahisseur d'Aldébaran. Par contre, les Texans confrontés aux Martiens de Wells chez Howard Waldrop ont dû faire se retourner plusieurs fois dans sa tombe l'infortuné Herbert George ! Heureusement que Stephen Baxter s'était occupé auparavant d'offrir au voyageur du temps une destinée remarquablement stapledonienne... J'aime bien Waldrop, mais guère les histoires de bouseux bornés.
Thomas Day s'attaque à une institution : Dallas, novembre 1963 — en y ajoutant une bonne dose de paranoïa estampillée X-Files... Le pauvre Jack (l'autre) portait un parasite... La nouvelle est proprement excellente. Mais qui va oser dire à Dumay que, passé la satisfaction immédiate de son alter ego écrivain, l'auto-publication n'est qu'un mauvais service à se rendre ? Malgré la qualité d'une bonne part de ses textes, le lecteur non dupe ne peut qu'être de plus en plus agacé, sans compter les notules cryptées consacrées à l'auteur, qui ne doivent faire rire que l'anthologiste... On se prend à frémir : à quand les œuvres complètes de Thomas Day en « Présence du Futur » ?...
Accélérons. Francis Mizio est assez drôle, mais les affres des pros en communication, voilà qui glisse sur mon indifférence, même s'ils doivent « vendre » quelques ET... Andrew Weiner est pratiquement génial, et quelle idée superbe que cet intérêt des Autres pour les statistiques appliquées au base-ball (j'ai l'air d'ironiser ?). Soit. Après la pub de Mizio, le cinoche chez McAuley et Newman. Bonne peinture du milieu de la production, assortie d'un divertissant univers parallèle où Cybill Shepherd et Harrison Ford n'ont pas eu vraiment les mêmes rôles que dans le nôtre. Et à nouveau, un peu de X-Files, genre création d'hybrides. Pourtant, voilà sans doute l'un des meilleurs textes du recueil. Cadigan est comique : un alien qui recherche les humains pour baiser, on n'avait plus essayé depuis un moment... Le très court texte d'André-François Ruaud est plus poétique que narratif, il est fait de phrases et d'images envoûtantes, mais je crois bien préférer ce que Ruaud écrit aujourd'hui.
Johan Heliot semble légèrement négligeable, si l'on compare sa tentative de récupération du mal absolu incarné dans la Shoah à ce qu'en avait fait naguère Dan Simmons dans L'Échiquier du mal. Dommage. Les Sondes de Marie-Pierre Najman sont heureusement une autre très bonne surprise, avec juste ce qu'il faut de background scientifique pour donner à lire de la science-fiction fidèle au contrat implicite avec son lecteur. Très beau contact, très belles envolées. J'ai peur de n'avoir pas complètement assimilé l'enjeu de la nouvelle de Philippe Curval, qui me paraît parfois se diluer un peu dans ses ruptures de narration, mais tel quel voilà un texte dont l'écriture est (évidemment ?) supérieure. Patrick Raveau me paraît se situer dans la même catégorie que le texte de Ruaud. Beaucoup d'imagerie poétique, beaucoup de symbolique, peut-être pas suffisamment de narration.
Enfin Claude Ecken vint... Fantômes d'univers défunts peut sans conteste apparaître comme l'un des meilleurs textes de l'anthologie, sinon comme LE meilleur. Ecken réussit avec une grande maestria l'intégration de la science et du récit, comme Najman, mais donne en plus une peinture tout en demi-teintes d'un groupe d'individus disparates réunis par l'amitié et quelques intérêts partagés, dont l'escalade et l'astrophysique. « Ils » sont parmi nous : motif bateau, peut-être, mais traité ici comme de biais. Avec originalité. Les platipèdes de Dominic Green pâtissent un peu de clôturer le volume après Ecken. Et supportent difficilement la comparaison avec d'autres aventures de théologie-fiction érigées au rang de classiques. Il s'en tire plutôt bien, néanmoins.
Dans l'ensemble, le recueil tient plutôt bien la route. Mais la meilleure surprise est sans conteste l'excellente tenue (hormis Séassau) des auteurs francophones face aux grosses pointures anglo-saxonnes, dont certains déçoivent pas mal. On en redemande, du Day, du Najman, du Ecken. Vite.
Rares sont les éditeurs à faire la part belle à la nouvelle de science-fiction, bien que la forme courte soit l'un des modes d'expression privilégiés de cette littérature. Orion est de ceux-là. On leur doit déjà Cœur de fer de Joël Champetier, Envahisseurs ! de Andrew Weiner, ainsi que l'indispensable recueil de Jean-Jacques Nguyen, Les visages de Mars. Côté anthologies, Étoiles Vives en est déjà à son cinquième numéro, et le catalogue commence à s'enrichir d'anthologies thématiques : après Fées et gestes, après l'inénarrable Histoires de cochons et de science-fiction, voici donc Invasions 99. Et la première de toutes les invasions sera celle de votre bibliothèque. Le volume pèse en effet ses dix-neuf nouvelles et ses quelques trois cent pages grand format, chose plutôt rare chez cet éditeur.
On pourrait objecter que le thème de l'invasion est vieux comme la SF, et qu'à moins de jouer sur ses clichés par le biais de l'humour, il n'y a plus rien à en tirer. De fait, l'humour est la voie adoptée par un tiers des textes. Un humour qui ne fait pas toujours mouche, d'ailleurs. Ainsi, les pitreries du shérif texan de Howard Waldrop en proie aux martiens de Wells dans La nuit des tortues ne sont pas parvenues à me dérider. En revanche, Francis Mizio nous livre une nouvelle très prometteuse, dans laquelle un publicitaire doit organiser la campagne de communication d'extra-terrestres de passage sur Terre... le jour de la finale de la coupe du monde de football ! Fredric Brown et Andrew Weiner ne sont pas loin, et à part quelques passages maladroits, les répliques font mouche, les situations sont cocasses et la chute excellente. Pat Cadigan, quant à elle, revisite à sa manière le mythe moderne de l'épidémie d'enlèvements extraterrestres dont sont soit disant victimes tant d'américains, et nous révèle les véritables intentions des aliens : prendre leur pied avec leurs victimes, qui en redemandent !
Mais la palme d'or du rire revient sans conteste à Dominique Green et son petit bijou, Les mystères de la Sainte-Propulsion. On y trouvera un monde dominé par l'Eglise où les voyages intersidéraux s'effectuent grâce aux propriétés du Saint-Esprit, une planète colonisée dont les habitants ont été réduits en esclavage par un cardinal s'intéressant à la génétique pour des raisons pas très catholiques, un inquisiteur enquêtant sur les agissements du cardinal en question, sans oublier de l'action, de l'humour et beaucoup d'inventivité et de folie ! Signalons enfin, pour en terminer avec l'humour, trois short short stories de Marc Séasseau ; et si les deux premières sont très loin de m'avoir convaincu, le troisième texte en revanche use parfaitement de clichés science-fictifs pour se conclure par une chute aussi brève qu'efficace.
L'uchronie et le steampunk sont une autre manière d'aborder les sujets rebattus. On trouve dans Les habitudes singulières de guêpes, mélangés au thème des « body snatchers », les ingrédients classiques du récit steampunk : Sherlock Holmes, Wells et ses martiens, Jack l'éventreur, Londres et son brouillard... Tellement classiques que ce texte m'a laissé une forte impression de déjà lu. Si l'on ajoute à cela un détective qui n'a de Holmes que le nom, et une intrigue peu crédible (Holmes reconnaît les envahisseurs à forme humaine avec une facilité déconcertante qui ne sera jamais justifiée au lecteur), on comprendra que ce texte m'a déçu.
Walter Jon Williams et sa contribution, Les diables étrangers, une autre invasion des martiens de Wells, n'a pas été plus heureux. Le contexte — la Chine impériale — était pourtant original, mais il s'agit avant tout d'une histoire d'intrigues de palais que j'ai trouvée peu attrayante, et l'invasion proprement dite est un prétexte à peine évoqué. La troisième invasion wellsienne de l'anthologie est La nuit des tortues, dont j'ai parlé plus haut. Dans le même genre, j'avais mille fois préféré Paris conquiert l'univers de Brin et Benford in feu Cyberdreams.
Thomas Day est l'autre auteur de l'anthologie à revisiter l'histoire. Il s'agit cette fois de l'assassinat de Kennedy. S'il n'apporte rien de neuf sur le sujet, son texte — Cette année-là l'hiver commença le 22 novembre — présente toutefois l'intérêt d'adopter le point de vue des conspirateurs, et de camper des personnages, ni héros irréprochables ni méchants sans scrupules, parmi les plus intéressants de l'anthologie.
Ni humoristiques, ni uchroniques, les autres récits abordent le thème de l'invasion avec plus ou moins de bonheur. Je ne porterai pas de jugement sur Imago de André-François Ruaud, une sorte de poésie en prose plus qu'une nouvelle à proprement parler, car même si elle est réussie dans son genre, c'est un genre dont je ne raffole pas. Oublions Journal contaminé, une trop longue nouvelle de Philippe Curval qui n'a rien à voir avec le thème de l'anthologie, et cache la vacuité de son intrigue par un style prétentieux. Passons également sur Le syndrome du caméléon de Patrick Raveau : si l'idée — une invasion de tatouages — était intéressante, il s'agit encore d'un texte lassant, tournant en rond autour des émois des personnages.
On s'intéressera plutôt à Envahisseurs, un texte original où John Kessel met en parallèle l'invasion européenne de l'Amérique de Sud et la venue sur Terre d'aliens qui déstabilisent l'équilibre économique de la planète. Streak est une nouvelle amusante d'Andrew Weiner où les visiteurs s'intéressent à l'incroyable chance d'un batteur de base ball. Marie-Pierre Najman, de son côté, confronte ses personnages à des « sondes » aliens, sortes de nanomachines qui investissent le cerveau humain, aussi prometteuses qu'effrayantes.
Mais dans le registre du texte « sérieux », ce sont Résidus de Paul McAuley et Kim Newman, et Fantômes d'univers défunts de Claude Ecken, qui se distinguent par leur subtilité. Résidus nous raconte par petites touches successives comment une invasion a été repoussée, et les conséquences sur les protagonistes malgré eux de l'affaire. Quant aux envahisseurs de Claude Ecken, ils nous ressemblent beaucoup puisqu'ils viennent d'un univers parallèle mourant. Comme dans Résidus, les personnages sont fouillés, et une petite touche de hard science, qui n'est pas sans rappeler Greg Egan (sans toutefois l'égaler), ravira les amateurs du genre sans faire fuir ses détracteurs.
Invasions 99 présente donc une palette fort variée de textes brodant sur un thème commun, alternant nouvelles humoristiques, sérieuses et uchroniques. Comme dans toute anthologie d'une taille conséquentes, le niveau est inégal, allant de l'illisible au petit chef d'œuvre. Et si je conseillerais plutôt au lecteur hésitant les titres cités au début de cette chronique, Invasions 99 mérite tout de même le détour 1.
Notes :
1. Cette chronique est également parue dans le no 18 (sept. 2000) de Dragon & Microchips.
Philippe HEURTEL (site web) Première parution : 1/5/1999 Slash Papivore 2 Mise en ligne le : 21/10/2003
Il fut un temps où, en France, fleurissaient les anthologies originales de S-F. Sans parler du « Rayon Fantastique » ou des numéros spéciaux de Fiction dès les années 50, rappelons qu'en 1966 chez Casterman sortait Histoires fantastiques de demain, d'Alain Dorémieux, inaugurant une remarquable série et ouvrant la voie à Denoël, Marabout, Seghers, 10/18 ou Londreys. Il y eut aussi des florilèges francophones chez Opta, Denoël, Kesselring... Et puis, le vide. Univers s'est éclipsé en 1990, et on n'a plus vu par ici d'anthologie originale — et professionnelle, et thématique — de S-F jusqu'à la sortie de Century XXI (Encrage).
C'est dire combien la parution chez Bélial/Orion — après Histoires de cochons et de science-fiction — d'Invasions 99, premier livre en grand format publié par la petite maison d'édition, constitue un événement. Sous une belle couverture de Jeam Tag sont réunis dix-sept récits (et trois interludes) qui traitent de l'invasion extraterrestre remise en vogue depuis peu par X-Files et Independence Day. (Ceci étant, le ton de nouvelles, volontiers irrévérencieux, se rapproche plutôt — pour rester dans le domaine du cinéma — de The Arrival ou de Men in Black.)
John Kessel ouvre le recueil par un texte fort, « Envahisseurs », qui met en parallèle la venue sur Terre (en 2001 !) d'E.T. excentriques et le génocide des Incas au XVIe siècle. « Les Habitudes singulières des guêpes », de Geoffrey A. Landis, superbe pastiche, permet à Sherlock Holmes d'expliquer les meurtres de Jack l'Éventreur. On poursuit avec « Les Diables étrangers », de Walter Jon Williams, sorte de suite allumée de La Guerre des mondes sise dans la Chine impériale agonisante ; c'est dans la même optique que l'iconoclaste Howard Waldrop a écrit le délirant « La Nuit des tortues », où les Texas Rangers atomisent de l'E.T. conquérant. « Cette année-là l'hiver commença le 22 novembre », de Thomas Day, premier texte français du recueil, et hommage à Waldrop, revisite l'assassinat de Kennedy ; Day fait preuve de maîtrise plus que d'originalité, mais il s'agit là d'un de ses meilleurs textes. Francis Mizio lui succède au sommaire avec une pochade habile à la Sheckley, « L'événement des événements », où des E.T. débarquent à Paris lors de la finale de la Coupe du monde pour vendre un produit d'un intérêt... limité. Ainsi finit la première partie de l'anthologie : “Hier”.
Le premier interlude de Marc Séassau, comme les deux autres d'ailleurs, m'a laissé sur ma faim, mais le conte bref, exercice difficile, n'est pas ma tasse de thé.
La seconde partie, “Aujourd'hui”, débute par « Streak », d'Andrew Weiner, un texte mineur d'un auteur doué (j'avoue m'intéresser modérément au base-ball). Paul J. McAuley et Kim Newman ont, par contre, écrit un véritable chef d'œuvre, « Résidus », qui allie un examen au scalpel du rôle des médias dans notre société à un portrait émouvant d'un héros déchu. Pat Cadigan, dans « J'ai été le jouet sexuel des dieux » (palme du meilleur titre), nous entraîne à nouveau dans le délire pur — un bijou noir. « Imago », vignette absconse d'A.-F. Ruaud, m'a plus séduit par son style que par son intrigue, ténue, ou sa pertinence thématique.
Nous en venons à “Demain”, curieusement la partie la moins fournie du recueil. « Tu n'oublieras point », de Johan Heliot, est un texte percutant, émouvant, même si l'on devine la fin assez vite — le suspense n'étant pas son propos. Je n'ai guère trouvé d'intérêt à « Les Sondes », de Marie-Pierre Najman, convenu et trop lourd en pathos, mais bien tourné.
Le dernier éventail de textes, regroupé sous le titre “Ailleurs”, est plus convaincant que le précédent. Si « Journal contaminé », de Philippe Curval, déconcerte au premier abord et me semble n'entretenir qu'un rapport des plus vagues avec le thème de l'anthologie, il n'en reste pas moins une performance sur le plan de l'écriture et de la structure, et un summum d'émotion contenue. « Le Syndrome du caméléon », de Patrick Raveau, est plus intéressant dans ses prémices que dans sa réalisation, un peu guindée — on reste pourtant au-dessus de la moyenne. Claude Ecken, qui a décidément plus d'une corde à son arc, relève encore la barre avec une nouvelle originale et érudite, « Fantômes d'univers défunts ». Le recueil se clôt par un feu d'artifice, « Les Mystères de la Sainte Propulsion », de Dominic Green, comparable aux textes les plus flingués de Barrington J. Bayley ; il s'agit également d'une virulente attaque contre la religion, le colonialisme et les liens qu'ils ont entretenu et, parfois, entretiennent encore.
Au total, une anthologie remarquable, où les textes moins aboutis se détachant d'autant plus que le niveau d'ensemble est élevé. C'est sans réserve que je conseille ce fort volume à tous les lecteurs — humains et extraterrestres.