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Permanence

Karl SCHROEDER

Titre original : Permanence, 2002
Traduction de Jean-Pierre PUGI
Illustration de MANCHU

DENOËL (Paris, France), coll. Lunes d'Encre
Dépôt légal : janvier 2005
Première édition
Roman, 576 pages, catégorie / prix : 28 €
ISBN : 2-207-25568-9
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     La jeune Rue Cassels est et a toujours vécu dans le Halo, cette région riche en naines brunes située à mi-chemin entre le Système solaire et les Mondes illuminés. Fuyant la tyrannie de son frère Jentry et l'ambiance interlope de la station d'exploitation cométaire Allemagne, elle s'empare d'une navette pour rejoindre Erythrion. Chemin faisant, elle fait valoir ses droits sur un objet stellaire non répertorié, ignorant que sa découverte, un vaisseau conçu par une civilisation extraterrestre disparue depuis des millions d'années, est peut-être un destructeur de mondes...

     Avec ses combats spatiaux, ses énigmes extraterrestres plus anciennes que l'humanité et ses planètes étrangères décrites avec minutie, Permanence marque le grand retour de la science-fiction anglo-saxonne ou space opera épique. Une aventure spatiale qui évoque tout autant la trilogie originelle de La Guerre des étoiles que Rendez-vous avec Rama d'Arthur C. Clarke.
Critiques
     Rue Cassels est une pauvre fille paumée sur une station permanente de l'espace, à vocation minière. Elle est coincée par son affreux frère qui la tyrannise à la suite de la mort de sa mère. Il envisage même de la vendre... Elle s'enfuit en dérobant la navette spatiale dont elle a hérité à moitié... Les vieilles lois terrestres ont la vie dure. Chemin cheminant, elle tombe sur un « cycleur » dont elle revendique aussitôt la propriété auprès des autorités disséminées de l'espace.
     Arrivée sur la planète Erythrion, elle monte une expédition avec un cousin providentiellement rencontré, et, providentiellement milliardaire. Vroum, ils arrivent sur le cycleur pour s'apercevoir que ce fichu vaisseau n'a rien d'humain. Il a été fabriqué par les Chixculubs (ouf !) qui sont les mêmes qui ont buté les dinosaures sur Terre. Ces drôles de bestioles ont fabriqué des vaisseaux autoreproducteurs qui zigouillent tous les concurrents éventuels à leur propre existence intelligente. Les Chixbidules ont disparu mais leurs armes existent toujours (elles sont autoreproductrices on a dit !).
     On est à la page 300 environ... Jusqu'à présent on a eu l'air de se moquer... Loin de nous cette pensée ; simplement c'est terriblement lent comme bouquin. Si vous aimez les mondes alambiqués, avec des descriptions à n'en plus finir de machines et de planètes sur un rythme intimiste c'est pour vous. Attention les personnages ne sont pas d'une densité équivalente. Ils sont vite brossés et leur ressort apparaît simple voire simpliste.
     Ce livre essaye pourtant de dégager la Science-Fiction d'un anthropomorphisme trop souvent désagréable et dérisoire. Il y parvient, on a de vraies surprises et des interrogations ou observations qui appellent à la réflexion : « il faut que différents facteurs se combinent pour qu'apparaissent des êtres à la fois aptes à survivre et inadaptés à leur milieu d'origine au point de devoir s'en remettre au plus fragile des organes, le cerveau, pour rester en vie. » Ou encore : « ... A long terme, les raisonneurs qui disposent d'une multitude de machines ne sont les plus aptes à vivre dans un milieu donné... Le jour où il (l'être vivant) n'a plus besoin de ses outils, il perd sa capacité à les créer... Et à très long terme, des millions d'années, ce sont toujours les espèces vivant dans leur milieu naturel qui l'emportent. Autrement dit, celles qui y survivent sans n'avoir besoin de rien. » Voyez, ce n'est pas creux, il y a quelques bonnes idées sur ce qui fait précisément le titre : la permanence.
     Cet ouvrage a peut-être un problème de temps : trop ambitieux pour le nombre de pages attribué (qui pousse à bâcler les Humains), il appelle une suite pour être crédible ce qui n'est pas impossible quand on connaît la fin. Comme souvent la quatrième page de couverture se fait racoleuse (c'est irritant) en scandant les références du domaine. On y proclame le retour de la Guerre des étoiles par exemple, ce qui n'est pas un cadeau à faire à cet ouvrage (il est moins bête). Il n'en a pas la nervosité non plus car il évoque plus souvent le huis clos que les grands espaces.
     En gros, un roman qui balance entre l'exigence et le côté clinquant façon best-seller. C'est gros, c'est long, ça cause intello, mais ça manque quand même de profondeur.

Sam LERMITE
Première parution : 12/7/2005 nooSFere


     De La Curée des Astres, du cycle des « Fulgurs » et de celui de « La Légion de l'espace » à la trilogie d'Alastair Reynolds et à ce nouveau roman de Karl Schroeder, le space opera a prouvé qu'il avait la peau dure. De Heinlein à Banks en passant par Niven, Harness ou Delany, il a connu bien des métamorphoses. Il a su s'adapter, évoluer. Il est à ce point emblématique de la S-F que pour certains béotiens, elle se réduit tout entière à lui seul. Et c'est souvent aux clichés du space opera que l'on se réfère pour définir la S-F.

     Plus que tout autre sous-genre, le space opera repose sur la fameuse « suspension de l'incrédulité ». Le temps du roman, on va croire qu'il est possible de... La tendance du space opera moderne est de réduire cette demande de « suspension de l'incrédulité » qui n'en va pas moins rester forte, mais l'auteur va avoir désormais un souci de plausibilité et de vraisemblance. La première œuvre majeure à s'être inscrite dans cette tendance est le cycle du « Centre Galactique » de Gregory Benford. Dans celui-ci comme dans d'autres, on assistera à la fusion du space opera et de la hard science. Ainsi, on ne s'autorisera pas le dépassement de la vitesse de la lumière. Ce n'est pas le choix de Karl Schroeder, qui ne s'en inscrit pas moins dans ce courant et, thématiquement, Permanence est très proche de la trilogie d'Alastair Reynolds.

     Comme le thème de la « vision » et du médium déferle sur les séries télé américaine, celui de l' « héritage » envahit le space opera. Outre Permanence et la trilogie de Reynolds, il sous-tend aussi La Lune des mutins de David Weber, le cycle des « Heechees » de Frederik Pohl ou La Vallée de la création d'Edmond Hamilton, L'Anneau-monde de Larry Niven ou encore l'univers de Laurent Genefort.

     Permanence confronte deux civilisations humaines. Celle des Mondes Illuminés et de l'Economie des Droits, militariste, capitaliste, expansionniste, disposant de la propulsion supraluminique et vivant autour des vraies étoiles qui lui sont indispensables. Et celle du Halo, qui périclite à proximité des naines brunes dont l'économie durable dépend des cycleurs, des vaisseaux infraluminiques de plus en plus rares.

     Issue de la civilisation du Halo, l'héroïne, Rue Cassels, découvre un cycleur inconnu, de facture non-humaine qui tend à prouver que les diverses espèces galactiques sont capables de coexister. Elle devient du coup riche et puissante, mais se voit impliquée dans la guerre qui oppose l'Economie des Droits à une rébellion. Représentant l'ED, l'amiral Crisler veut s'emparer du cycleur de Cassels qui le conduira à l'arme absolue qui donna l'hégémonie aux Chixulubs, la seule espèce à avoir dominé seule toute la galaxie après en avoir éradiqué toutes les autres formes de vie.

     Permanence plaira à ceux qui aiment la trilogie de Reynolds. C'est du très bon space opera moderne, de l'aventure spatiale de qualité. On prend un plaisir certain à la lecture de ce roman. Mais au-delà ? La différence de qualité entre ce roman et des livres tels que Etat de guerre de Alexis Aubenque ou Casiora I & II de Juliette Ninet est patente, certes, mais toutes ces œuvres n'en jouent pas moins dans la même cour. A savoir, celle des romans dont la lecture n'apporte rien.

     La question n'est pas de savoir si la S-F (le polar, le western, l'érotisme, le sentimental, l'historique, etc.) sont des genres mineurs ou majeurs. Il n'y a pas de mauvais genres, ni de bons. La césure est ailleurs. Elle sépare des œuvres d'art ou littéraires de produits commerciaux à caractère artistiques ou littéraires. L'œuvre permet à son récipiendaire d'élargir sa vision du monde en accédant plus ou moins à celle de l'auteur. A l'inverse, le produit recherche le plus petit dénominateur commun à ses consommateurs dans le dessein de réduire, de focaliser, de conformer la préhension du monde de tout un chacun en une unique vision stéréotypée. Elle donne à voir le monde par le petit bout de la lorgnette. Un roman tel que Permanence semble écartelé entre les deux tendances. La fadeur des personnages tend à l'incliner vers le produit alors que l'élaboration du contexte tire dans l'autre sens. La problématique reste trop diaphane et convenue pour que Permanence soit davantage qu'un très bon divertissement qui souffre d'un manque d'ambition spéculative pour prétendre à un autre statut. Dommage.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/4/2005 dans Bifrost 38
Mise en ligne le : 3/8/2006


     Coloniser une planète éclairée par une étoile lumineuse n'aurait pas été possible si l'humanité n'avait commencé par s'installer dans une région intermédiaire, le Halo, autour de naines rouges. Mais à présent que l'Économie des Droits a développé le voyage supraluminique, les habitants de ces mondes sans lumière sont des laissés-pour-compte qui ne disposent plus de suffisamment d'engins pour établir un lien entre les différentes colonies. Rue Cassels, fuyant la tyrannie de son frère Jentry à bord du vaisseau dont tous deux ont hérité, découvre un objet stellaire censé lui assurer la fortune, un vaisseau abandonné par une civilisation extraterrestre disparue depuis des millions d'années. Il excite la convoitise de bien des gens car il est la preuve que différentes espèces peuvent coopérer pour assurer leur pérennité.

     En effet, on ne connaît à ce jour que des espèces spatiopérégrines incapables de communiquer avec autrui, car trop indifférentes ou étrangères à l'homme ; toutes les autres espèces ont disparu après leur apogée, même les Chixculub qui ont précipité des destructeurs de planètes autoreproducteurs sur les mondes où émergeait la vie, pour éradiquer toute concurrence.

     C'est autour de la question de la permanence d'une civilisation évoluée que Schroeder développe son roman. Ce vaisseau extraterrestre pourrait bien apporter la réponse à la survie de l'humanité. Mais les secrets technologiques qu'il recèle intéressent des politiques et des aventuriers avides de pouvoir ; mal utilisés ils pourraient également précipiter la perte de l'humanité.

     Ce space opera combinant agréablement aventure et réflexion n'est pas exempt de défauts : l'intrigue y est parfois confuse et quelques idées intéressantes, ainsi que certains aspects de la société insuffisamment mis en lumière, auraient mérité qu'on s'y attarde davantage. L'ambition du propos et les dimensions du cadre ont probablement empêché l'auteur de soigner les détails. C'est dommage, même si ce roman, qui a reçu le prix Aurora 2003, reste très prenant et d'un bon niveau.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/3/2005 dans Galaxies 36
Mise en ligne le : 16/1/2009

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