EONS
, coll. Lunatique n° 88 Dépôt légal : juin 2007 Première édition Revue, 250 pages, catégorie / prix : 14,80 € ISBN : 978-2-7544-0357-3 Genre : Imaginaire
Quatrième de couverture
Avant le court automne qui annonçait le féérique hiver, les nuages en stries mauves se rassemblaient, se groupaient en boursouflures menaçantes. Le vent qui soufflait à l'heure du soir les emportait vers les plus hauts cols des monts Juliens ; la plupart crevaient et ruisselaient en orages formidables sur les sentiers d'animaux, les pistes et les terrasses naturelles. Les autres épandaient sur les vallées vertes des averses fraîches qui faisaient s'épanouir des fleurs Zigzag en corolles multiples qui mouraient et renaissaient au fil des minutes et des gouttes...
(Mnémonique)
*
Fleur-d'Ocre était un monde nain, couleur de boue et de pluie, qui tournait très loin de son soleil, un géant rouge et délétère qui palpitait comme un organe vivant. Les étoiles les plus proches étaient à plus de cent années-lumière, ici, en Périphérie, au seuil du gouffre intergalactique.
La guilde des Transferts elle-même, au temps de sa gloire, ne s'était pas préoccupée de Fleur-d'Ocre.
(...)
Pourtant, ce fut sur Fleur-d'Ocre que débarqua Yragaël, par un jour qui était ni plus ni moins pluvieux que les autres...
(Yragaël ou la fin des temps — vers 3200)
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Elle avait douze ans lorsque les soleils de la galaxier primaire, la vieille Voie Lactée, avaient commencé à s'éteindre.
Les hommes étaient devenus rares et fragiles, désespérés, raisonnables mais ingénieux. Ils l'avaient appelée Kilème à cause de tous leurs sentiments et leurs regrets.
(Dans le ressac électromagnétique)
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11 nouvelles, 4 articles, 2 entretiens, pour découvrir ou redécouvrir Michel Demuth, l'un des plus talentueux écrivains de la science-fiction française.
1 - Richard COMBALLOT, Introduction, pages 7 à 8, introduction 2 - Jean-Pierre FONTANA, Un ami nommé Michel Demuth, pages 9 à 11, article 3 - Marginal II, pages 12 à 23, nouvelle 4 - Niralia, pages 24 à 39, nouvelle 5 - Richard COMBALLOT, Portrait d'un homme orchestre, pages 40 à 62, entretien avec Michel DEMUTH 6 - Jean-Pierre FONTANA, A propos de la jeune SF française, pages 63 à 64, entretien avec Michel DEMUTH 7 - Alain SPRAUEL, Bibliographie des oeuvres de Michel Demuth, pages 65 à 73, bibliographie 8 - Translateur, pages 74 à 88, nouvelle 9 - Mnémonique, pages 89 à 105, nouvelle 10 - Les Climats, pages 106 à 127, nouvelle 11 - La Ballade de Cordwainer Smith, pages 128 à 133, article 12 - L'Homo sheckleyens, son habitat, ses moeurs, sa nourriture principale, ses prédateurs, pages 133 à 139, article 13 - Le Monde terne de Sébastien Suche, pages 140 à 143, nouvelle 14 - Jérôme et la nymphette, pages 144 à 156, nouvelle 15 - Et surtout gardez vos chaussures mademoiselle, pages 157 à 162, article 16 - Raymond Bertrand, ivre de la jungle, pages 163 à 167, article 17 - The Fullerton incident, pages 168 à 177, nouvelle 18 - Intervention sur Halme, pages 178 à 210, nouvelle 19 - Yragaël ou la fin des temps (vers 3200), pages 211 à 226, nouvelle 20 - Dans le ressac électromagnétique, pages 227 à 243, nouvelle
Critiques
Décédé en septembre 2006, Michel Demuth fut une grande figure de la science-fiction française, par son œuvre comme ses activités éditoriales. L'hommage qui lui est ici rendu par Richard Comballot et Jean-Pierre Fontana, ami de longue date, comprend deux interviews réalisées par les susnommés (dont celle parue dans Bifrost n°25) et une bibliographie d'Alain Sprauel (tout autant parue dans Bifrost n°25). La couverture est bien sûr signée Philippe Druillet (peu inspiré), avec qui il réalisa Yragaël. Le reste de ce copieux hors série laisse la parole à l'auteur qui avait séduit plusieurs générations avec « Les Galaxiales », un cycle de nouvelles contant une ambitieuse histoire de futur (publié en deux volumes chez J'ai Lu, le troisième et ultime volet de la saga n'ayant jamais été achevé par l'auteur). Les nouvelles du début et de la fin de sa carrière alternent avec les articles critiques consacrés à Cordwainer Smith et Robert Sheckley, et, dans un registre plus léger, aux illustrations érotiques de Raymond Bertrand et à l'aventure de la revue coquine Paris Hollywood.
Parmi les textes des années 58-59, on remarque les influences (revendiquées) de Sheckley et Vance dans « Marginal II » (deux astronautes commercent avec des extraterrestres) et « Niralia » (l'amoureux d'une extraterrestre aperçue lors de ses explorations d'univers parallèles tente de trouver celui où ils seraient heureux ensemble). Deux nouvelles se rattachant au même cycle, « Translateur » et « Mnémonique », mettent en scène des humains se déplaçant instantanément à travers l'espace grâce aux propriétés des Bleutés, des cristaux permettant la téléportation. A la dimension aventureuse du premier récit fait suite un texte plus poétique où perce déjà le styliste de la maturité. Vance est encore décelable dans « Les Climats », où, sur une planète de villégiature qui reproduit les climats et paysages à la demande du client rôde un ennemi extraterrestre pris en chasse par les vacanciers.
La sélection suivante permet de découvrir un Demuth plus intimiste, qui rend, avec « Le Monde terne de Sébastien Suche » un très bel hommage à sa littérature de prédilection, la science-fiction, et se révèle très autobiographique dans « The Fullerton Incident » : l'auteur apparaît sous la forme d'un fantôme revenu dialoguer avec son épouse. On le voit également s'essayer à la littérature policière avec sa seule mais brillante incursion dans le domaine : « Jérôme et la nymphette », qui fait d'un pédophile un héros. Raconté du point de vue du pervers sexuel, ce texte de 1964 fait preuve d'une belle modernité.
En revanche, « Intervention sur Halme », daté de 1967, reste dans l'esprit et le registre de l'époque, avec une complexe histoire d'espionnage politique sur des mondes éloignés du pouvoir central. « Yragaël ou la fin des temps vers 3200 » est une Galaxiale fort éloignée de la version BD et, enfin, « Dans Le Ressac électromagnétique », paru en 2002, est un magnifique récit où le style de Demuth, débarrassé de toute fioriture et concentré sur l'essentiel, nous fait regretter qu'il ait si rarement repris la plume, et ne soit pas donné la peine d'achever son grand œuvre.