Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
Cartographie des nuages

David MITCHELL

Titre original : Cloud Atlas, 2004
Traduction de Manuel BERRI
Illustration de Cédric SCANDELLA

OLIVIER (Éditions de l') (Paris, France)
Dépôt légal : mai 2007
Première édition
Roman, 672 pages, catégorie / prix : 23 €
ISBN : 978-2-87929-485-8
Format : 14,5 x 22 cm
Genre : Imaginaire

Jaquette.


Autres éditions
   POINTS, 2012
        sous le titre Cloud Atlas (Cartographie des nuages), 2013

Quatrième de couverture
     Adam Ewing est un homme de loi américain, embarqué à bord d'une goélette partie de Nouvelle-Zélande et faisant route vers San Francisco, sa ville natale. Il n'a rien à voir avec Robert Frobisher, lequel, un siècle plus tard, se met au service d'un compositeur génial pour échapper à ses créanciers. Ni l'un ni l'autre ne peuvent connaître Luisa Rey, une journaliste d'investigation sur la piste d'un complot nucléaire, dans la Californie des années 70. Ou Sonmi~451, un clone condamné à mort par un État situé dans le futur. Pourtant, si l'espace et le temps les séparent, tous ces êtres participent d'un destin commun, dont la signification se révèle peu à peu.
     Chaque vie est l'écho d'une autre et revient sans cesse, telle une phrase musicale qui se répéterait au fil d'innombrables variations. Comme Écrits fantômes (2004), Cartographie des nuages invite le lecteur à plonger dans un des univers romanesques les plus singuliers du XXIe siècle.
 
     Né en 1969 en Grande-Bretagne, David Mitchell a enseigné pendant huit ans au Japon avant de revenir s'installer en Angleterre. Lauréat de nombreux prix littéraires, il a été trois fois finaliste du Booker Prize. Salué dès ses débuts par A.S. Byatt, il est considéré comme l'un des principaux romanciers anglais contemporains.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition POINTS, (2012)

     Quel lien unit ces six histoires ? Le journal de la traversée du Pacifique d'Adam Ewing raconte l'éprouvante traversée d'un jeune et naïf homme de loi, mais aussi assuré de sa supériorité de Blanc, sur un voilier dont un des esclaves est le dernier des Morioris, pacifique peuple des îles Chatham décimé par l'entremise des Anglais qui débarquèrent sciemment sur leur île les féroces Maori. Adam est rongé par un parasite attaquant le cerveau et le journal s'interrompt brutalement. Les Lettres de Zedelgheim sont celles qu'écrit dans les années trente Robert Frobisher, jeune musicien vaniteux qui entre au service d'un célèbre compositeur invalide, dont il couche sur le papier la musique que ce dernier a en tête, apprenant à son contact tout en écrivant sa propre œuvre, exigeante, intitulée Cartographie des nuages. C'est là qu'il lit le récit incomplet exposé en ouverture. L'amant destinataire de ces lettres est un savant au centre de l'histoire suivante, Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey, autour d'un rapport défavorable sur une centrale nucléaire en construction, qui voit disparaître tous ceux qui tentent de mettre la main dessus . Ce récit d'espionnage qui joue à fond les codes devient le début d'un manuscrit adressé à un éditeur que son frère intrigant fait interner dans une maison de retraite, où, drogué, il tente en vain de s'échapper . L'épouvantable calvaire de Timothy Cavendish est suivi de L'Oraison de Sonmi-451, qui se déroule dans une Corée du futur régie par des corporations consuméristes qui désignent les objets par sony, ford, disney, nike... « Fractaire » dans une chaîne de restauration, Sonmi-451 est un clone à la nourriture chimiquement contrôlée, abolissant la mémoire et empêchant la compréhension du système. Elle deviendra une Âme le jour de sa douzième étoile et vivra alors parmi les sang-purs. Mais soumise, comme d'autres, à une expérience d'élévation, ses capacités intellectuelles font d'elle un prodige lui permettant d'échapper à son destin et de réaliser l'esclavage dans laquelle elle était tenue. Mais comme elle répond aux questions d'un Archiviste avant de se rendre au Phare, où on l'exécutera, on peut s'interroger sur le succès de révolte dans une société aussi verrouillée, digne de Huxley et Orwell, ici cités comme auteurs « optimistes ». L'histoire centrale, La Croisée d'Sloosha pis tout c'qu'a suivi est un autre récit de pure SF, situé à Hawaï, dans un futur post-cataclysmique où, régulièrement assaillies par des hordes barbares, des tribus ayant perdu la Savance, dirigées par des Abbesses enseignant les préceptes de la déesse Sonmi, reçoivent une ethnologue issue du dernier bastion de civilisation. Elle est venue étudier les coutumes locales et peut-être récupérer dans les observatoires au sommet du Mauna Kea des bribes de savoir, forcément démoniaques pour le jeune narrateur, qui a pris en grippe la paisible Presciente, peut-être justement parce qu'elle lit dans son esprit. Ce récit, le seul délivré d'une traite, est rapporté dans un langage abâtardi qui n'est pas sans rappeler Les Fables de l'Humpur de Bordage ou Le Livre de Dave de Will Self ; le futur après la Chute est bien sombre mais il subsiste une lueur d'espoir. Magistralement écrit avec, comme les autres, un style approprié, il n'a rien à envier à ce qui se publie ailleurs en science-fiction. On y trouve de belles trouvailles, comme si Mitchell n'avait toujours écrit que ça, évitant les naïvetés et pesantes explications qu'on trouve d'ordinaire chez les dilettantes.

     Mais nous n'en sommes qu'à la moitié du livre. La lecture se poursuit par l'interrogatoire de Sonmi, la fin du calvaire de Cavendish et, à rebours, par chacune des histoires enchâssées comme une succession d'encarts dans un magazine. Chacune s'articule avec les suivantes en même temps que des images, des réflexions, pour dérouler la même ritournelle à travers les époques, celle de la violence. L'homme esclave de sa violence prend diverses figures selon les situations : de l'esclavage traditionnel on passe à la situation de maître-esclave du musicien au service d'une célébrité, puis à celle de la journaliste sommée d'obéir à un patron obtus, à la dépendance, jusqu'au clone conçu dans ce sens, puis au retour de la barbarie. Point de dichotomie entre le Bien et le Mal ici : même les personnages positifs sont bourrés de défauts, égoïstes, lâches, condescendants ou pétris de préjugés. Chaque histoire contient aussi une trahison destinée à s'emparer d'un bien d'autrui, mais d'une mauvaise action résulte un bien.

     Cette violence qui fait résurgence au centre du roman est une méditation autour de l'éternel retour nietzschéen dont Mitchell, de son propre aveu, a été obsédé. Le point commun à chaque protagoniste, une tache de naissance en forme de comète, symbole de présage, suggère l'origine génétique, récurrente, de cette violence, même après que l'Homme ait décidé de manipuler les gènes à la place de la nature. « Sonmi était née d'un dieu d'Savance nommé Darwin, c'est c'qu'on pensait. » est la réflexion glissée dans le récit central. Darwin avait été pareillement choqué par cette violence lors de son périple dans le Pacifique. Chaque récit évoque une forme d'esclavage, raconte une traîtrise, présente des individus positifs bourrés de défauts, égoïstes et pétris de préjugés. Miroirs et enchâssements répètent des motifs à l'infini. Ce n'est pas un hasard si Melville, peintre de l'ambiguïté et précurseur de la littérature de l'absurde, est évoqué dans chaque récit, jusqu'à placer un Melvil dans le futur post-cataclysmique, on vogue le Navire de la Sapience explorant, comme au début, les îles du mal-nommé Pacifique.

     Le fait que des drogues ou parasites rongeant le cerveau sont récurrents soulignent combien l'idée de recommencement suscite l'indignation de l'auteur. Si éternel retour il y a, peut-on alors avoir la prémonition des futurs susceptibles d'influencer les présages de la comète ? En miroir de cette question obsédante revient le regret de l'éditeur âgé qui n'a pas pensé à repéré les moments de bonheur pour les retrouver ensuite, lui qui rêve « d'avoir la carte définitive d'un immuable ineffable », de « posséder si pareille chose existait, une cartographie des nuages ». Du souffle, de la virtuosité, de la générosité, dans une écriture sans cesse réinventée, Cartographie des nuages est un chef d'œuvre.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 18/6/2012
nooSFere

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Cloud Atlas , 2012, Tom Tykwer & Lana Wachowski

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 79751 livres, 92803 photos de couvertures, 75777 quatrièmes.
9093 critiques, 43299 intervenant·e·s, 1660 photographies, 3783 adaptations.
 
Vie privée et cookies/RGPD
A propos de l'association. Nous contacter.
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes.
Trouver une librairie !
© nooSFere, 1999-2023. Tous droits réservés.