ActuSF
, coll. Les Trois Souhaits Dépôt légal : février 2009 Première édition Recueil de nouvelles, 126 pages, catégorie / prix : 8 € ISBN : 978-2-917689-09-7 Format : 13,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Mais c'est la sienne. L'Amérique de Thomas Day, où frayent dans un carambolage d'influences, le carton pâte fané d'une puissance passée, le road sign rouillé — moitié ensablé — qui indique le chemin de la Zone 51, le cool déjanté d'un Tarantino sous crack et l'ombre, découpée dans la lumière du couchant sur John Ford's Point, de ce héros américain — la mâchoire carrée et le zygomatique en berne — qui regarde loin, vers l'horizon et la Frontière.
This is not America c'est trois nouvelles, lettres d'une Amérique qui n'est tellement plus elle-même qu'on a déjà l'impression de la connaître.
Auteur d'une quinzaine de romans, d'une cinquantaine de nouvelles, anthologiste et critique, fin connaisseur de l'Amérique, Thomas Day est ici au meilleur de son art : caustique, acerbe et vif.
1 - Cette année-là, l'hiver commença le 22 novembre, pages 9 à 49, nouvelle 2 - American Drug Trip, pages 51 à 86, nouvelle 3 - Éloges du sacrifice, pages 87 à 122, nouvelle
Actualité chargée, en ce début 2009, pour notre éminent collaborateur Thomas Day. Deux ouvrages ont en effet tout récemment enrichi sa bibliographie : le court recueil de nouvelles This is not America, publié par ActuSF dans sa décidément sympathique collection des « Trois Souhaits », et le roman La Maison aux fenêtres de papier, publié directement en poche en Folio « SF » — une fois n'est pas coutume, mais la coutume est régulièrement violée chez cet éditeur et c'est tant mieux. Deux ouvrages très différents, donc, et présentant diverses facettes d'un auteur qui, on le sait, a plus d'un tour dans son sac ; mais deux publications finalement très proches, revendiquant toutes deux l'influence de Quentin Tarantino (pas forcément pour ce qu'il a fait de mieux, d'ailleurs), au milieu d'autres références plus ou moins cryptiques, et marquées par un goût prononcé pour le voyage et l'exotisme.
Ce qui est petit étant joli, commençons donc par évoquer This is not America. Derrière ce titre musical et connoté (une habitude ?) se cachent trois nouvelles dépeignant une Amérique « qui n'est tellement plus elle-même qu'on a déjà l'impression de la connaître », pour citer la belle formule de la quatrième de couverture. Nul anti-américanisme de bas étage à craindre pour autant : ce qui intéresse ici Thomas Day, c'est le rêve américain, avec ses idoles et ses tares, trituré jusqu'à la moelle par un auteur qui connaît son sujet.
Le recueil s'ouvre sur « Cette année-là, l'hiver commença le 22 novembre », nouvelle façon road movie qui nous explique à demi mots ce qui s'est vraiment passé le 22 novembre 1963 à Dallas, en jouant plus ou moins sérieusement de l'inévitable histoire secrète, avec des vrais morceaux de l'inévitable théorie du complot. Un texte rondement mené, palpitant de bout en bout et d'une efficacité certaine. Dommage, toutefois — mais cela faisait évidemment partie du jeu — qu'on ait plus ou moins déjà lu ça cent fois...
On préférera sans doute « American Drug Trip », nouvelle burlesque et déjantée reposant sur une variation dickienne à base d'univers parallèles, avec plein de choses réjouissantes et improbables dedans. Une autre vision de l'Amérique, effectivement, bourrée de références et pour le moins jubilatoire. Probablement le meilleur texte de ce bref recueil — que les lecteurs de Bifrost auront toutefois déjà lu dans notre vingt-sixième livraison...
La dernière nouvelle, « Eloge du sacrifice », est plus grave en apparence — s'y pose un terrible dilemme — , mais les références, et plus largement les bonnes idées, abondent à nouveau — on notera au passage quelques très belles scènes de bataille... tout en regrettant, peut-être, que ce texte se montre un peu artificiel et n'aille pas forcément jusqu'au bout de ses idées, le tout pouvant laisser un brin perplexe.
This is not America se révèle être au final un agréable petit recueil, savoureux et efficace. Rien de transcendant, certes, mais le fait est que cela se lit tout seul et qu'on en redemande volontiers.
En somme, Thomas Day nous a gâtés avec ces deux ouvrages, certes pas parfaits, mais témoignant assurément tant du talent de l'auteur que de la cohérence dans la variété de son œuvre.
Notes :
1. La partie consacrée à La Maison de fenêtre de papier dans cette recension n'a pas été reproduite ici. [note de nooSFere]
Au gré de ses textes, Thomas Day nous a emmenés jusqu’à présent d’un bout à l’autre de la planète. L’Asie a bien évidemment sa préférence, il y a situé bon nombre de ses textes, mais les États-Unis constituent également pour lui une source d’inspiration assez vive, comme le confirme ce recueil de trois nouvelles. Les deux premières sont des rééditions de textes assez anciens, puisque datant de 1999 et 2002 ; la troisième est quant à elle inédite.
« Cette année-là, l’hiver commença le 22 novembre » est un road movie – symbole ultime de l’Amérique s’il en est – d’un genre un peu particulier, puisqu’il s’attache aux basques d’un groupe de barjots qui viennent de tuer un certain président, à Dallas. Mais que viennent faire les extraterrestres là-dedans ? Une nouvelle rythmée par les tirs échangés avec la police, marquée par de vraies trognes, une lecture très agréable à laquelle manque toutefois un brin d’originalité...
« American Drug Trip » est l’une des rares incursions de l’auteur dans l’humour frontal. Thomas Day parsème ses œuvres de scènes drolatiques, d’images ou de réflexions parfois hilarantes, mais il n’en fait jamais le centre de son histoire. C’est en revanche le cas ici, et le moins que l’on puisse dire est qu’il s’en sort bien. Ce texte est sans aucun doute le meilleur du recueil, où l’on nous explique comment le narrateur en est arrivé à sa situation présente, à savoir une discussion, en plein milieu des États-Unis, le long d’une faille gigantesque, avec un ours, à deux pas de sa voiture Rocco Siffredi’s Motors... L’explication sera à aller chercher du côté des univers parallèles, enfilés avec maestria et jubilation par Day, qui nourrit une nouvelle fois son intrigue de nombreuses références à la mythologie étasunienne.
« Éloge du sacrifice », la dernière nouvelle et donc la seule inédite, est en revanche une déception. Pourtant, Day part d’une idée géniale : comment réagirait le président du pays le plus influent du monde si des extraterrestres venaient lui proposer un marché : sauver la Terre de sa destruction à petit feu par l’Homme en éradiquant une grande partie de l’humanité ? Cruel dilemme, que l’auteur illustre par des figures du passé (le roi Léonidas lors de la bataille des Thermopyles, un Zélote lors du siège de Massada...) soumises au même questionnement, mais qui pêche par une fin à mon avis plus que bancale, comme si Day n’avait pas su comment finir son texte.
Au final, This Is Not America nous révèle – mais ça n’est pas une surprise – Thomas Day en fin connaisseur de l’Amérique et de ses mythes, qu’il tord avec un plaisir communicatif. Il n’en reste pas moins que ce recueil est assez inégal, et que de manière inattendue l’auteur se montre plus convaincant dans le registre comique.