Le Chathrand. Un cinq-mâts titanesque qui, depuis plus de six cents ans, sillonne les mers avec son millier d'hommes d'équipage. Un navire de légende qui a tout connu : tempêtes, pirates, sortilèges... Mais voilà que le Chathrand a disparu. Volatilisé en mer.
Qu'est-il arrivé au plus fabuleux des vaisseaux ? Qu'est devenu Pazel, le jeune mousse capable de comprendre et parier toutes les langues du monde ; Nilus Rose, le plus fou des capitaines ; Thasha, la fille de l'ambassadeur en route vers un mariage forcé ? Et où ont disparu les clandestins très particuliers du navire dont le simple nom terrifie les hommes ?
Robert V.S. Redick est né en Virginie. Diplômé de littérature et de langues, il a travaillé en Amérique latine comme chargé de mission pour l'environnement et les droits de l'homme. Il a également été éditeur pour les sites français et espagnol de l'association humanitaire Oxfam. Il vit aujourd'hui avec sa compagne dans le Massachusetts.
Critiques
Robert von Stein Redick, auteur américain, débuta sa carrière en 2002 avec Conquistadores, un livre sur la dictature argentine dans les années 70. Mais c'est en 2008 qu'il fit ses premières armes dans les genres qui nous intéressent, avec La Conspiration du Loup Rouge, premier tome de la saga de fantasy maritime Le Voyage du Chathrand.
Le monde de cette série se partage entre deux grands régions antagonistes, l'Arqual et le Mzithrin. Au large, un certain nombre d'îles servent de zone tampon. Le Chathrand a du reste pour mission d'emmener l'ambassadeur Isiq sur l'une de ces îles, afin de servir de conciliateur entre les deux parties. Ça, c'est la raison officielle. L'autre, l'officieuse, est la suivante : l'Arqual sait que le Mzithrin est divisé, et qu'il suffirait d'appuyer un peu là où ça fait mal pour déstabiliser son ennemi de toujours, le rendant beaucoup plus simple à conquérir. Le capitaine Nilus Rose fait partie des conspirateurs, avec certains de ses passagers ; il s'inquiète néanmoins de la présence à bord de plusieurs individus capables de faire capoter le projet : l'ambassadeur, bien sûr, mais aussi son assistant ; un prêtre noir ; et Pavel, un jeune mousse apte à comprendre et parler toutes les langues (qui sera le personnage principal de ce livre). Sans oublier tous les autres protagonistes du bateau : Thasha, la fille d'Isiq ; les Ixchels, miniatures d'humains d'une dizaine de centimètres de haut, baptisés vulgairement trottins par les navigateurs ; et certains animaux éveillés capables de réfléchir et parler. Tout ce beau monde va devoir cohabiter tant bien que mal sur ce bateau, où traîtrises, actes d'héroïsme, rencontres vont se succéder à un rythme effréné.
Ce qui frappe tout d'abord dans ce roman, c'est la faculté de Redick à créer une foultitude de personnages très crédibles. Pas un qui ne soit qu'une esquisse, tous ont une épaisseur, gentils comme méchants, humains ou Ixchels ou même animaux. Sans doute que son travail, pendant quatre ans, de critique de théâtre, lui aura servi à ce titre-là. Et, dès lors que les personnages sont bien construits, le lecteur va naturellement s'attacher à eux, et vivre avec eux les très nombreuses aventures narrées. Car c'est là l'autre force de ce livre : le souffle romanesque, celui qui gonfle tout à la fois le cœur du lecteur et les voiles du Chathrand. On est ici en pleine fantasy de dépaysement, d'évasion, et le contrat est rempli haut la main : on ne s'ennuie pas un seul instant, et une fois la dernière page refermée, on en redemande (enfin, pas tout de suite, parce que le fort taux de péripéties fait qu'on frôle parfois l'overdose). Ce qui est bien le moins que l'on attende de ce type d'ouvrage. Notons au passage que les aventures maritimes ont le vent en poupe en ce moment (on se souvient notamment du Déchronologue de Stéphane Beauverger ou de Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski), et ont de tout temps été très appréciées des lecteurs. On peut donc prédire sans trop se tromper que les amateurs français, à l'instar de leurs collègues américains chez qui le livre a très bien marché, sauront réserver un très bon accueil à ce roman haut en couleurs.
En bref : pour une première incursion dans nos domaines, Redick impressionne. Mais c’était sans doute prévisible de la part d’un auteur qui confie sur son blog posséder – entre autres – une tortue de Floride baptisée Jacques-Yves...
Le Chathrand, colossal et fabuleux navire, ultime rescapé d'une flotte mythique, est de retour, et ce pour une mission si exceptionnelle qu'elle pourrait bien remettre en cause l'équilibre du monde... Oui mais voilà : on apprend dès les premières pages du livre, par l'entremise d'un article de presse, que l'exceptionnel vaisseau a coulé corps et âmes. Est-ce la faute de son capitaine, le féroce Nilus Rose, embarqué malgré lui dans cette périlleuse traversée ? Ou celle de Pazel, le jeune garçon dont on suit les aventures ? A moins que Tasha, la fille de l'ambassadeur, sensible aux charmes du jeune matelot, n'y soit pour quelque chose...
Robert Redick destinait cet ouvrage (pourtant fort imposant, et premier volet d'une tétralogie) à un public adolescent. Et cela se devine aisément à travers le choix des personnages, parfois caricaturaux et stéréotypés. Le héros, Pazel, est un jeune garçon très tôt séparé de ses parents du fait de la guerre. Il est ballotté d'une aventure à l'autre, sans faire preuve de beaucoup de volonté. Mais c'est bien sûr lui seul qui doit, en fin de compte, prendre une décision susceptible de sauver ou condamner le monde. Il est aidé dans son apprentissage par des alliés précieux : une fille un peu garçon manqué qui tombe rapidement amoureuse de lui ; un maître d'armes rusé ; un magicien venu d'un autre monde et à l'apparence d'un vison ; des êtres minuscules qui cherchent à rentrer chez eux... Et les dangers sont légion, comme il se doit : une belle-mère perfide ; un vieil espion machiavélique ; un sorcier revenu d'entre les morts à l'ambition et à la cruauté propres à tout bon méchant de série B... On a l'impression d'avoir croisé chacun de ces personnages au moins une fois : ici dans un roman, là dans un film. Enfin, autre artifice qui peut sembler facile : le don capricieux de Pazel, bien pratique dans l'usage qu'en fait l'auteur comme moteur narratif.
Toutefois, et ça pourrait presque en être étonnant malgré ces réserves justifiées, La Conspiration du Loup rouge s'avère une lecture pour le moins agréable, un roman qui, si l'on considère la relative inexpérience de son auteur (Reddick a d'abord écrit Conquistadors, ouvrage inédit en français se déroulant à la fin des années 70 pendant la dictature en Argentine ; le récit qui nous occupe étant donc sont deuxième livre), fait montre d'une rouerie narrative consommée. Les personnages sont suffisamment nombreux pour apporter, par leurs rencontres, leurs aspirations et leurs luttes, de multiples rebondissements. Et si ces derniers sont parfois, on l'a dit, assez caricaturaux, ils n'en font pas moins montre d'épaisseur et contribuent pour beaucoup à maintenir le lecteur en haleine durant les 500 pages serrées de ce premier volet. Ainsi, après un départ un tantinet laborieux — la mise en place des personnages principaux ne prend pas loin d'une centaine de pages tout de même — , les actions s'enchaînent sans déplaisir, et on en vient tout naturellement à considérer cette Conspiration du Loup rouge, au sein de l'actuelle noria de titres de fantasy, comme une vraie bonne surprise. Reddik, un auteur à surveiller ? Assurément.
Enfin, et ce n'est pas là le moindre des bonheurs, on soulignera la qualité de la traduction de l'excellent Michel Pagel, dont on ne doute pas qu'il soit devenu, s'il ne l'était déjà, un spécialiste des termes techniques de la marine à voiles !