24 septembre 2010, un Boeing 777 avec 199 passagers et 11 membres d'équipage se pose sur le tarmac de JFK. Tout à coup, il s'immobilise sur la piste et ne répond plus.
Lorsque les secours arrivent, tous les occupants sont morts, exsangues, à l'exception de quatre victimes bien mal en point.
Pas de menace terroriste, pas de gaz ni d'agent bactériologique suspect... On découvre seulement dans la soute un grand coffre noir évoquant un cercueil et contenant de la terre...
A ce stade, les enquêteurs n'ont AUCUNE hypothèse valable. Pas un d'entre eux n'aura l'idée d'évoquer les similitudes avec une quelconque histoire de vampires. Même pas pour plaisanter.
Et quand les autopsies mettront en évidence de petites plaies à la gorge ou au moins situées en regard d'une artère de gros calibre, nos enquêteurs-médecins particulièrement perspicaces continueront à sécher...
Enfin, page 245 (245 !), le « héros » le plus éveillé aura un éclair de génie grâce au concours d'un vieux professeur : « Donc, c'est à un virus qu'on a affaire ? ». Ouah ! Quelle clairvoyance.
Heureusement, page 246, le professeur mettra les points sur les i :
« Je voudrais aussi vous orienter vers un autre mot commençant par 'v' ».
– Lequel ?
– Vampire. »
Ouuuuuf ! Ca y est, c'est dit. Le temps que ça lui monte au cerveau, le héros aura tout de même le temps de réprimer un frisson en s'exclamant : « Mais enfin, c'est de la science-fiction ! » (p.248)
L'extraordinaire originalité de cette intrigue par rapport à celle de Dracula réside dans le remplacement du bateau par un avion... Chapeau bas, messieurs, il fallait y penser ! Notez que cela pose tout de même quelques questions pratiques : le comte Dracula disposait de plusieurs semaines pour déguster l'équipage du navire qui l'emmène vers l'Angleterre, alors que notre monstre aérien – dont j'ai oublié le nom – doit vider 210 individus en quelques minutes après l'atterrissage. Un record ! Admettons qu'il n'ait ponctionné « que » trois litres de sang par personne, cela nous fait quand même quelque 600 litres ! Après un tel festin, notre vampire doit avoir l'estomac légèrement « dilaté » et éprouver quelques difficultés à sortir de l'avion. Mais bon, peu importe, après tout « c'est de la science-fiction » donc du n'importe quoi...
Par ailleurs, alors que Dracula est aussi un personnage romantique, les auteurs ont ici joué la carte de la créature très-très méchante et vilainement répugnante. En y ajoutant notamment des vers qui seront sûrement dégoûtants à voir au cinéma. Brrr... Cependant, le coup du parasite ou du virus à l'origine du vampirisme n'est lui-même pas inédit, voir — entre autres — Les Fils des ténèbres de Dan Simmons ou je ne sais plus quel épisode des X-Files.
Côté écriture, La Lignée pourrait servir de modèle à « comment écrire un thriller en dix recettes quand on n'a pas de talent ». De courts chapitres se voulant nerveux, une multiplicité de lieux et de points de vue pour augmenter la tension dramatique, quelques chapitres sur les camps de concentration pour montrer qu'on peut aussi parler de choses sérieuses, quelques passages pseudo-culturels... Et malgré tous ces éléments, le récit se traîne, les personnages demeurent vides...
Pardonnez ce navet littéraire à Guillermo del Toro en pensant qu'il s'est probablement contenté d'apposer son nom sur la couverture et qu'il a laissé un obscur tâcheron, Chuck Hogan, seul aux commandes. Acceptez même l'idée que le film sera sans doute « regardable » grâce aux quelques trouvailles visuelles dont del Toro a émaillé ses précédentes réalisations.
Mais par pitié, lisez autre chose. La littérature vampirique est riche (beaucoup trop en ce moment) et recèle quelques oeuvres réellement originales. Par exemple, pourquoi ne pas vous laisser tenter par l'excellent Bloodsilver de Wayne Barrow, Grand Prix de l'Imaginaire 2008 ?
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 12/10/2009 nooSFere