Après deux excellents numéros, léger recul de qualité sur cette cinquième livraison, la faute au texte d'Olivier Paquet, « L'IA qui écrivait des histoires d'amour », qui peut aisément concourir dans la catégorie du texte le plus mal écrit de l'année et a de bonnes chances de gagner. Une purge interminable qui obscurcit sans mal tout ce qui l'entoure. Dommage, parce que le reste du sommaire ne manque pas d'intérêt. « Le Punisseur », de Jean-Marc Agrati, est un de ces textes coup de poing, sans concession, comme on les aime chez Bifrost. Une nouvelle qui tient avant tout par son écriture impeccable. Un véritable tour de force autour d'un prisonnier enchaîné (un être humain ?) qui viole, sur l'ordre d'une directrice fêlée, des élèves qui ne se tiennent pas à carreau. C'est barré, c'est désagréable et je doute fort que ça puisse s'oublier comme ça, en un claquement de doigts. On précisera que ce texte est issu du recueil à paraître chez Dystopia, L'Apocalypse des homards. Le texte de Lauren Beukes s'avère nettement moins convaincant, l'écriture (la traduction ?) est pataude, le sujet (la torture et l'humiliation de prisonniers extraterrestres) nécessitait probablement un traitement d'une plus grande originalité pour marquer. En l'état, c'est juste un décalque de ce qui s'est passé en Irak à Abhou Graïb. C'est plutôt bien fait, mais cette horreur somme toute banale manque singulièrement de force. Le dernier texte, signé William Gibson, expérimental, ne laissera personne indifférent. Lire une nouvelle de ce genre se résume presque exclusivement à une expérience personnelle, intime. J'ai beaucoup aimé, beaucoup voyagé, des images m'ont percuté, mais en même temps je comprends très bien qu'on puisse rester au bord du trottoir, au pied des cartons SONY, et trouver ces « Treize vue des bas-fonds » tokyoïtes chiantes à mourir.
Reste une question, la sucette parfum « cherchez l'intrus » : pourquoi publier la bouse de Paquet (vous pouvez inverser, si ça vous chante) au milieu de textes aussi ambitieux (même si le Beukes ne m'a pas convaincu, ce n'est en aucun cas un texte anodin...) ?
Thomas DAY Première parution : 1/1/2012 dans Bifrost 65 Mise en ligne le : 3/3/2013