Dossier Jacques Boireau ?

     Ah...

     C'est toujours triste quand un type adorable nous quitte (Jacques Boireau était adorable), mais on peut difficilement considérer qu'il ait été une figure centrale de la science-fiction française ; d'ailleurs, ses livres ne sont plus disponibles depuis de nombreuses années et la plupart des lecteurs de SF ignorent complètement leur existence (ce qui n'est pas une immense injustice éditoriale, alors qu'il y en a tant). Par conséquent, ce dossier de quinze pages — deux nouvelles au mieux sympathiques, une vieille interview, un article de Michel Lamart — tente de faire passer une Mini Cooper (tout le monde adore les Mini Cooper, surtout ceux qui n'en ont jamais conduit une) pour une Ferrari. Bien essayé, mais personne ne tombera dans le panneau.

     Heureusement, il y a nettement plus pertinent au sommaire. Tout d'abord, « Les Autres livres » de Ramiro Sanchez qui met en scène une librairie au carrefour, à l'aleph de tous les mondes parallèles. Un vrai plaisir de lecture saupoudré de dizaines de mini-uchronies, un bel hommage à Borges qui ressemble à un barbecue entre amis un jour ensoleillé : on connaît les noms, les motifs, les opinions et on se sent bien, jusqu'au bout, et ce n'est qu'à regret qu'on rentre chez soi, en écoutant un album des Beatles.

     « La fiancée de Frankenstein » de Mike Resnick est une nouvelle idiote (dans le bon sens de l'adjectif) qui met en scène une baronne aigrie qui s'ennuie à mourir pendant que son mari assemble des morceaux de cadavres et fait ensuite revivre le tout. Baronne qui s'ennuie nettement moins quand le monstre s'entiche de littérature à l'eau de rose. Si le ton, trop moderne, et le style franchement relâché de ces carnets agacent, on se surprend à sourire, plusieurs fois (oups, I did it again). C'est con comme un footballeur professionnel, aucun doute là-dessus, mais c'est plutôt bon.

     « Représailles » de Patrice Lussian est un texte à la fois fascinant et horripilant, tant il est bavard et statique, mais il y a quelque chose d'original, une véritable ambition dans le choix du sujet, son traitement très psychologique. Un texte intriguant mais raté (ou l'inverse ?). En tout cas, un auteur à suivre.

     Le dernier texte, « Voyage dans l'outre-temps » de Moussa Ould Ebnou, poético-newageo-gonflant, relève de la torture pure et simple ; les masochistes seront aux anges.

     Hors les rubriques habituelles, un assemblage d'interviews d'anthologistes complète ce numéro qu'on empruntera pour lire le beau texte de Ramiro Sanchez.