BÉLIAL'
(Saint-Mammès, France), coll. Une Heure-Lumière n° 4 Date de parution : 11 février 2016 Dépôt légal : février 2016, Achevé d'imprimer : janvier 2016 Première édition Novella, 96 pages, catégorie / prix : 7,90 € ISBN : 978-2-84344-142-4 Format : 12,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Ils sont amis depuis toujours, ils ont seize ans ou presque. Damian vit et travaille avec son père, éleveur de crevettes et cogneur d’enfants. Lucas s’occupe de sa mère, ancienne passionaria d’un mouvement écologiste radical clouée au lit par la maladie dans la caravane familiale. Le monde est en proie à un bouleversement écologique majeur — une montée des eaux dramatique et une élévation de la température moyenne considérable. Au cœur du Norfolk noyé sous les flots et écrasé de chaleur, la rumeur se répand : un Dragon est tombé du ciel non loin des côtes. Damian et Lucas, sur leur petit voilier, entreprennent le périlleux voyage en quête du mystérieux artefact extraterrestre, avec en tête un espoir secret : décrocher la clé des étoiles...
« McAuley produit une SF aussi hardcore qu’intelligente. »
The Guardian
Le Choix est lauréat du prix Theodore Sturgeon 2012
Critiques
Dans un futur proche, la montée des eaux a noyé les côtes européennes ainsi que les terres du Nord et de l'Est de l’Angleterre. Deux adolescents tentent de survivre dans le Norfolk. Lucas vit dans une caravane située sur un îlot artificiel, aux côtés de sa mère, une ancienne universitaire et écologiste désormais alitée. Il subsiste en travaillant pour le père de Damien, pécheur de crevettes, ou des maraîchers. Damien rêve de s’affranchir du joug paternel et de partir dans les étoiles.
Or les étoiles sont venues à l’humanité. Des extraterrestres ont établi un contact avec notre espèce, et en échange de la possibilité d’exploiter les ressources du système solaire, lui fournissent des outils pour se débarrasser de la pollution causée par l’activité industrielle. Tout le monde, dont Julia la mère de Lucas, ne voit pas d’un bon œil cette intrusion dans les affaires humaines. Au début de l’histoire un des dragons nettoyeurs vient s’échouer sur un banc de sable, ce qui suscite la curiosité de la population locale et des deux jeunes hommes.
On retrouve dans cette novella le McAuley dénonciateur des catastrophes écologiques, de Féerie ou des Diables blancs. La forme courte lui permet d’épurer son propos. Comme le Ballard du Monde englouti et du Géant noyé, il dépeint la beauté tranquille d’une Terre agonisante, alors qu’en arrière plan l’Humanité se prépare peut être à échanger un désastre contre un autre. Un choix qu’effectueront les adolescents et les sépareront définitivement.
Texte beau et sensible, vrai-faux space-opera construit à partir d'un angle de vue terrestre à la manière de Simak, Le choix est peut être la meilleure novella publiée à ce jour dans la collection Une heure Lumière du Bélial’.
Lucas et Damian grandissent près d'un Norfolk à moitié englouti. L'un s'occupe de sa mère, l'autre subit son père. Un événement extraordinaire s'est produit près de là, et tous deux partent à la découverte de l'inconnu sur le frêle voilier de Lucas... En peu de pages (nous sommes dans la collection Une Heure Lumière), Paul J. McAuley nous plonge sans peine dans un décor post-apocalyptique côtier sur lequel planent les rumeurs d'activistes écologiques et de groupes dangereux, ainsi que les lointains échos d'un monde qui s'est détruit lui-même au moment où il rencontrait enfin d'autres espèces intelligentes aux intentions assez floues.
Il y a dans la science-fiction ce que l'on nomme le « sense of wonder » : le grandiose, les vertiges dûs aux dimensions ou aux temporalités infinies, les batailles immenses ou les complots qui décident du devenir d'une galaxie... Mais ce sens n'est rien s'il ne prend appui sur l'ordinaire, celui des gens qui sont pris dans le maelström des événements, qui le traversent, ou qui se trouvent confrontés à lui à un moment de leur existence. C'est l'histoire de Rhysling dans « Les vertes collines de la Terre » de Heinlein, simple bourlingueur de l'espace qui devient une légende, ou de l'équipage du Nostromo qui ne sont que des travailleurs fatigués avant d'être confrontés à l'indicible. C'est l'histoire d'un Luke Skywalker qui vit au milieu de nulle part quand il rencontre deux droïdes. Autant de récits où l'individu est magnifié, transformé ou bien écrasé par une réalité qui dépasse le monde qui l'entoure. De la même manière, l'innocente excursion des deux adolescents va marquer une rupture dans leur existence, et la faire fléchir selon une trajectoire propre. Et si ni Lucas ni Damian ne sera un nouveau Rhysling, une Ripley ou un Skywalker, chacun d'eux sera révélé par l'expérience qu'il aura traversé.
De prime abord, la novella de Paul J. McAuley avance le plus souvent d'un rythme presque contemplatif, et la courte épopée de Lucas évoque les débuts d'un capitaine de marine Hornblower échoué dans un monde déliquescent. Mais si ce développement est le plus souvent passif, l'étrange et l'inquiétude naissent continuellement d'une allusion ou d'un élément du décor ; de ce paysage de ruines que l'on sait n'être qu'une infime partie d'un univers qui vient de s'ouvrir. Et malgré la description toute en moiteur d'un littoral dévasté, quelque part entre une Venise dépeuplée et le bayou, on ressent le trouble du « sense of wonder » dans la moindre évocation d'extra-terrestres, de dragons, de portails spatiaux qui existent quelque part derrière la toile de fond du récit. Lorsque l'incompréhensible et toute cette altérité invisible crèvent cette toile pour traverser en un éclair le récit, c'est avec une force inattendue qui en décuple ses effets.
Cela faisait bien longtemps que le nom de Paul J. McAuley n’était apparu sur le titre d’un livre publié par chez nous (la dernière fois, c’était pour La Guerre tranquille, premier tome d’une série que Bragelonne avait arrêtée, faute de ventes suffisantes). C’est donc avec plaisir qu’on retrouve l’auteur britannique, même s’il ne s’agit ici « que » d’une novella, sise dans la toute nouvelle collection « Une heure-lumière » du Bélial’, texte au passage couronné par le prix Sturgeon 2012.
La Terre est la proie d’une importante montée des eaux ayant totalement remodelé le paysage, doublée d’une élévation des températures. Lucas, qui vit seul avec sa mère, ancienne écologiste radicale désormais gravement malade, subsiste de petits boulots lui rapportant à peine de quoi éviter que sa microcellule familiale ne sombre totalement. Damien, son meilleur ami, a pour sa part hérité d’un père plus fortuné (il est éleveur de crevettes), mais violent. Les deux adolescents habitent un Norfolk plus ou moins sous les eaux, et guettent toute nouveauté à même d’apporter un peu d’aventure dans leur quotidien. Aussi, quand ils apprennent qu’un dragon – un artefact extraterrestre – s’est échoué à proximité, ils décident de se rendre sur place…
McAuley n’a besoin que de quelques pages en ouverture de son récit pour nous présenter de manière crédible ce futur, où la Terre a été bouleversée tour à tour par la catastrophe écologique et l’arrivée des extraterrestres. Les deux événements ont une grande importance, mais force est de constater qu’au quotidien, les préoccupations de Lucas sont davantage tournées vers ses problèmes de subsistance dans un monde devenu pour partie hostile que vers les rapports que la Terre entretient avec les aliens. Néanmoins, l’irruption de ce dragon va lui rappeler qu’au-delà des contingences matérielles, l’inconnu exercera toujours son pouvoir de fascination, d’autant plus que la présence alien a généré la propagation d’un certain nombre de légendes urbaines. Outre cet émerveillement, qui sait si le dragon n’est pas aussi le présage, dans l’existence des deux amis, d’un changement souhaité de tous les instants ? Lucas et Damian incarnent ainsi un Tom Sawyer et un Huckleberry Finn des temps modernes, heureux de partir à l’aventure pour oublier leur routine morose. Mais leur rencontre avec l’artefact ne se déroulera pas comme prévu, ramenant les adolescents à des considérations moins insouciantes, et fera office de déclencheur du passage à l’âge adulte. Dit passage déterminé à travers un certain nombre de choix, sans savoir si ces derniers nous emmèneront sur le bon chemin ou, au contraire, sur une voie sans issue. McAuley, dont on connaît l’attachement à la nature humaine, brosse ainsi avec une grande finesse, et sans jamais verser dans le pathos, le portrait d’hommes et de femmes piégés entre leur quotidien affligeant et des rêves de changement inaccessibles. Œuvre intelligente et subtile, Le Choix réussit l’exploit de proposer en quatre-vingt pages une très belle et complexe histoire humaine, tout en abordant quelques thématiques de SF classique, comme la catastrophe écologique (après tout, Paul J. McAuley est britannique) et le premier contact extraterrestre. Un très beau texte.