1 - Pierre GÉVART, Éditorial, pages 2 à 2, éditorial 2 - Claudio CHILLEMI, Par les Yeux de l'Ennemi (Con gli occhi del nemico, 2015), pages 4 à 16, nouvelle, trad. Bruno POCHESCI 3 - Nina ALLAN, Le Vicaire aux sept pignons (The Vicar with Seven Rigs, 2007), pages 17 à 30, nouvelle, trad. Bernard SIGAUD 4 - Jean-Luc MARCASTEL, Bestialité, pages 31 à 56, nouvelle 5 - Brice TARVEL, L'Échelle de Dieu, pages 57 à 66, nouvelle 6 - Martine HERMANT, Voie d'amour, pages 67 à 70, nouvelle 7 - Paul HANOST, La Panthère noire, pages 71 à 74, nouvelle 8 - Pierre Alexandre SICART, Orson Scott Card : Un auteur fidèle à sa différence, pages 78 à 88, article 9 - Pierre Alexandre SICART, Orson Scott Card : Biographie, pages 89 à 96, biographie 10 - Pierre Alexandre SICART, Entretien avec Orson Scott Card, pages 97 à 108, entretien avec Orson Scott CARD 11 - Pierre Alexandre SICART, Bibliographie d'Orson Scott Card en français, pages 109 à 111, bibliographie 12 - Orson Scott CARD, À propos de « Vieux Enfants », pages 112 à 113, article 13 - Orson Scott CARD, Vieux Enfants (Geriatric Ward, 2008), pages 114 à 129, nouvelle, trad. Pierre Alexandre SICART 14 - Franck JAMMES, On l'appelle Savage, pages 132 à 136, critique(s) 15 - Jean-Pierre FONTANA, L'Écran du Souvenir #9, pages 137 à 143, chronique 16 - Jean-Pierre ANDREVON, Six mois de cinéma F et SF, pages 144 à 188, critique(s)
À un rythme toujours aussi effréné, les productions « Hugo Van Gaert de Bellaing » hussardent ma boîte aux lettres pourtant innocente (du moins autant que puisse l'être un parallélépipède creux peint en vert). Pour mémoire, on rappellera que s'y additionnent Galaxies NS (Nouvelle Série), Galaxies/Mercury et Géante rouge.
Or donc, les vrais plaisirs n’arrivant jamais seuls, nous voilà avec un Galaxies/Mercury, un Galaxies NS et un Géante rouge dans l’hivernale musette. Ô joie !
Le premier est consacré à l’auteur américain mormon homophobe Orson Scott Card, ce qui est intéressant tant Card est à la fois complexe, talentueux et odieux (voire indéfendable). Sans trop de surprise, le dossier est servile, assez peu critique – et plombé par une nouvelle de Card atroce, tant sur le fond que sur la forme. Si la traduction française n’est pas fameuse, c'est surtout le matériel d’origine qui est fautif. Mal écrit, mal construit, « Vieux enfants » ressemble à une suite de notes sur des post-it ou à un synopsis très développé (destiné à devenir un roman plus ambitieux ?). Poubelle. On rappellera toutefois à qui veut qu’au début de sa carrière, Card a pourtant produit un nombre considérable de très bonnes nouvelles, compilées dans le recueil Maps in a mirror (1990) que l’Atalante a restitué (en quatre volumes) sous le titre de Portulans de l’imaginaire.
Des autres textes de la revue, on retiendra à la rigueur « Par les yeux de l’ennemi » de Claudio Chillemi, une idée assez géniale de rédemption via le voyage temporel gâchée par une écriture un brin geignarde de notaire de province transalpine. Nina Allan, elle, avait un titre, « Le Vicaire aux sept pignons » ; elle a imaginé le texte ensuite… pour la prochaine fois, on ne peut que lui conseiller de suivre le processus créatif inverse : écrire une bonne nouvelle et lui trouver un titre dans un second temps (une autre solution consiste à faire des listes de titres et les utiliser a posteriori et à bon escient – méthode éprouvée d’un collaborateur historique de Bifrost que je ne dénoncerai pas ici).
Ce numéro 44 contient quelques caries littéraires (vous savez : c’est douloureux et votre dentiste ne peut vous prendre que la semaine suivante), signées Martine Hermant, Jean-Luc Marcastel et Paul Hanost.
Si le Galaxies NS45 ne brille pas par son dossier nanotechnologies (articles légers, nouvelle japonaise traduite à la serpe et au maillet, nouvelle rigolote mais un tantinet fastidieuse de Bruno Pochesci qui, toutefois, a un talent certain pour décrire les bombes sexuelles d’origine africaine), les autres textes de cette livraison sont tous, au minimum, intéressants. Aliette de Bodard nous plonge dans un empire galactique vietnamien fascinant (c’est plus du Chopin que du David Bowie, plus du Resnais que du Spielberg – du Aliette de Bodard typique, en somme). Eric Lysoe se prend pour Robert Silverberg (y a pire, comme référence). Jean-Louis Trudel nous plonge dans un feu d’artifice d’idées SF, avec malheureusement une narration laborieuse. Célia Chalfoun marche plutôt sur les terres de Theodore Sturgeon (ou de Joëlle Wintrebert), avec au final une très belle nouvelle d’ethno-SF musicale, probablement la meilleure de ce numéro. Le texte de Grégoire Kenner est plus anecdotique, mais se lit sans déplaisir (si possible « À l'arrière des taxis » – les fans de Noir Désir comprendront).
Critiquer le no 24 de Géante Rouge, c’est un peu comme critiquer le dessin, format A4, de Rogue One fait par votre fils de neuf ans : des vaisseaux-phalliques hydrocéphales (entre autres maux) agressent un bouclier-préservatif magnétique qui n’a pas décidé de rompre, et on reconnaît dans le coin en bas à droite un X-Wing salement déformé par la gravité locale, valeureux vaisseau qui, il faut bien l’avouer, ressemble plutôt à deux frites croisées tels des tibias, et éclaboussées de ketchup (ce sont les flammes, Papa !). Vous avez détesté Rogue One, chaque minute de ce putain de film de merde, mais vous aimez d’un amour infrangible votre fils de neuf ans, en vous disant que sans doute, à cet âge-là, Leonard de Vinci dessinait des zizis géants érigés vers Dieu… qu’il imaginait être des cathédrales romanes. Donc voilà Géante Rouge n° 24, mû par la noble ambition de donner une chance à une nouvelle génération d'auteurs, rien à redire là-dessus… Sauf qu’une fois qu’on l’a lu, la question demeure : comment recoller sa santé mentale mise à mal et synthétiser sa pensée ? Tout est à peu près épouvantable. On sauvera l’interview de Martin « je suis vivant et le Cafard Cosmique est mort » Lessard, sa nouvelle (sympa, sans plus), et celle de Frédérick Guichen, « Heureux Lucaniens », qui aurait pu être bien si l’auteur l’avait imaginée dans une optique un brin moins « tongue in cheek » et un peu plus « pure SF exotique ».
Même si le numéro 45 relève franchement le niveau, une synthèse semestrielle des trois publications « Hugo Van Gaert de Bellaing » devrait être sincèrement envisagée car, comme le dit si bien la sagesse populaire des Hauts-de-France : « Trop de Galaxies tue Galaxies. »
(Et sinon, une dernière remarque « technique », la police de caractère utilisée pour les nouvelles est trop petite et aucunement adaptée à la lecture de fictions. Fatigue visuelle garantie.)
Thomas DAY Première parution : 1/4/2017 dans Bifrost 86 Mise en ligne le : 13/12/2022