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Cérès et Vesta

Greg EGAN

Titre original : The Four Thousand, the Eight Hundred, 2015
Première parution : Asimov's Science Fiction, Décembre 2015, en volume Subterranean 2016
Traduction de Erwann PERCHOC
Illustration de Aurélien POLICE

BÉLIAL' (Saint-Mammès, France), coll. Une Heure-Lumière n° 7
Dépôt légal : février 2017
Première édition
Novella, 120 pages, catégorie / prix : 8,90 €
ISBN : 978-2-84344-914-7
Format : 12,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Cérès d'un côté, Vesta de l'autre. Deux astéroïdes colonisés par l'homme, deux mondes clos interdépendants qui échangent ce dont l'autre est dépourvu — glace contre roche. Jusqu'à ce que sur Vesta, l'idée d'un apartheid ciblé se répande, relayée par la classe politique. La résistance s'organise afin de défendre les Sivadier, cible d'un ostracisme croissant, mais la situation n'est bientôt plus tenable : les Sivadier fuient Vesta comme ils peuvent et se réfugient sur Cérès. Or les dirigeants de Vesta voient d'un très mauvais œil cet accueil réservé par l'astéroïde voisin à ceux qu'ils considèrent, au mieux, comme des traîtres... Et Vesta de placer alors Cérès face à un choix impossible, une horreur cornélienne qu'il faudra pourtant bien assumer...
 
« Greg Egan est l'auteur de science-fiction le plus important du XXIe siècle. »
Stephen Baxter
 
     Cérès et Vesta a été finaliste des prix Sturgeon et Hugo 2015.
Critiques

« Cérès d'un côté, Vesta de l'autre. Deux astéroïdes colonisés par l'homme, deux mondes clos interdépendants qui échangent ce dont l'autre est dépourvu — glace contre roche. Jusqu'à ce que sur Vesta, l'idée d'un apartheid ciblé se répande, relayée par la classe politique. La résistance s'organise afin de défendre les Sivadier, cible d'un ostracisme croissant, mais la situation n'est bientôt plus tenable : les Sivadier fuient Vesta comme ils peuvent et se réfugient sur Cérès. Or les dirigeants de Vesta voient d'un très mauvais œil cet accueil réservé par l'astéroïde voisin à ceux qu'ils considèrent, au mieux, comme des traîtres... Et Vesta de placer alors Cérès face à un choix impossible, une horreur cornélienne qu'il faudra pourtant bien assumer... »

 

La littérature de science-fiction a traité de multiples façons le thème de l’ostracisme. La figure du mutant reste la plus populaire du domaine classique, et c’est Théodore Sturgeon qui a introduit l’idée, selon l’heureuse formulation de Gérard Klein, que Les Plus qu’humains pouvaient être des moins qu’humains. Mais d’autres auteurs ont abordé le sujet plus directement, Ursula Le Guin en réactualisant le mythe du bouc émissaire dans Ceux qui partent d’Omélas, ou Cordwainer Smith avec les sous êtres de La Planète Shayol transformés en banque d’organes.

Cérès et Vesta de Greg Egan raconte une tragédie, le récit d’une révolte et d’un crime contre l’Humanité. La mise à l’écart des Sivadier sur l’astéroïde Vesta au cours d’ un vote « démocratique » précédé d’ une campagne de haine, évoque sans fard la montée de l’antisémitisme en France et en Allemagne et l’avènement d’un  pouvoir fasciste (Jusqu’au J’accuse de Zola relatif à l’affaire Dreyfus et reproduit par Camille) dans les années 30. Le pitch est d’autant plus sensible que l’écrivain a œuvré pour les réfugiés dans le secteur de l’humanitaire. La question de l’éthique de la science draine d‘ailleurs toute son œuvre.

Quel démon pousse le dénommé Denison à entreprendre une campagne de dénigrement contre une partie de la population de Vesta et à remettre en cause le pacte des Fondateurs ? L’argument mercantiliste ne tient évidement pas la route. Camille, héroïne du récit, issue de la lignée Sivadier, dévoile involontairement la vérité. Son désintérêt croissant pour les nouvelles de la Terre symbolise la disparition des valeurs morales de la planète mère chez les habitants des astéroïdes. Cérès et Vesta véhicule ainsi un second  thème classique de science-fiction, celui des arches stellaires dans lesquelles les pactes sociaux et les croyances se redéfinissent perpétuellement.

Egan a bâti son intrigue autour d’un double entrelacement spatial et temporel. La novella démarre par la fuite de Camille, et se poursuit par la narration rétrospective de sa révolte sur Vesta. Son histoire alterne avec celle de Anne, son pendant éthique de Cérès, chargée de l’accueil des migrants. Camille ouvre et clôt le récit. A l’inverse de l’héroïne de Corneille (in Horace) elle ne sacrifie pas son devoir à l’amour. Elle concilie les deux, tout en mesurant les risques encourus. En revanche Anne affronte une situation beaucoup plus difficile. Dans un univers où la science et les machines régissent le quotidien, peut t-on quantifier un choix moral ?

Voilà un aperçu de ce très beau texte au final en coup de poing, dominé par deux figures féminines, vestales en quelque sorte de la conscience humaine.

 

SOLEIL VERT (site web)
Critique déjà parue sur La sortie est au fond du Web
Parution sur nooSFere : 14/7/2022 nooSFere


     Cérès et Vesta, deux astéroïdes orbitant entre Mars et Jupiter, abritent des colonies humaines et s’échangent leurs surplus d’exploitation : la roche de l’un contre la glace de l’autre. Le voyage des marchandises, totalement automatisé en longs convois, représente la seule chance de quitter Vesta pour une partie de sa population opprimée. En réparation d’une prétendue spoliation passée, les Vestiens ont en effet levé un impôt spécifique qui touche les Sivadier. Lors de la colonisation de Vesta, ces derniers ont apporté leur expertise technique pendant que les autres corporations assuraient l’installation des premiers habitants. Un mouvement populiste à l’influence croissante estime que cette expertise a permis une appropriation indue des richesses du planétoïde. Ostracisés, les descendants des Sivadier hésitent entre révolte et résignation. Certains s’exilent donc sur Cérès au prix d’un périlleux voyage sur les blocs de matière première. Ces « surfeurs » bénéficient d’un accueil bienveillant, même si l’astéroïde d’accueil s’abstient de toute ingérence politique. Lorsque Vesta somme à Cérès d’interdire l’amarrage d’un vaisseau abritant des dissidents qu’il pourchasse, les autorités portuaires cérésiennes rencontrent un dilemme moralement impossible à résoudre : sauver les centaines de passagers de l’astronef ou les milliers de « surfeurs » en route vers Cérès.

     La narration s’articule autour de deux personnages féminins, Camille, médecin et descendante de Sivadier, et Anna, nouvelle directrice du port de Cérès, et joue avec les flashbacks dans les vies de celles-ci sans jamais perdre le lecteur. Greg Egan est surtout connu pour écrire de la hard SF. Pour qui n’est pas familier de son œuvre ou se sent impressionné par cette dernière, Cérès et Vesta constitue une bonne porte d’entrée. La novella, axée sur les sciences sociales (sociologie, politique et éthique), se révèle très abordable. Elle met en lumière la rapide mutation d’une société qui stigmatise une partie de ses individus. Dense par le nombre de thématiques qu’elle aborde, elle ne fournit pas de réponses prêtes à l’emploi et enjoint le lecteur à réfléchir par lui-même. La taxe Sivadier constitue-t-elle la juste réparation d’un préjudice antérieur ou le résultat d’une relecture historique malsaine ? Une nation engagée dans l’accueil des réfugiés politiques peut-elle espérer rester neutre ? Quelle voie choisir quand la seule alternative implique la mort d’êtres humains ? Et jugera-t-on la valeur morale d’une action à l’aune de son intention ou en fonction de ses conséquences ?

Karine GOBLED
Première parution : 1/10/2017 dans Bifrost 88
Mise en ligne le : 13/3/2023


    Cérès et Vesta, les deux plus gros astéroïdes de la Ceinture, entre Mars et Jupiter. Vesta est un gros rocher, Cérès une boule de glace. Chacun est riche de ce dont l’autre manque ; chacun doit donc échanger pour pouvoir exister. Différentes géologiquement, les deux entités le sont aussi sur le plan politique. Alors que Cérès abrite une société libérale et tolérante, Vesta, qui l’a aussi longtemps été, a cédé depuis à un populisme revanchard et anti-intellectuel qui martèle comme une évidence l’existence d’une dette fondatrice qu’aurait une partie de la population envers les autres parties. Le trouble agite Vesta, entre tensions « racistes », « terrorisme » à bas bruit, contestation de la discrimination, ou soumission à celle-ci dans l’espoir d’un solde de tout compte. Rien d’étonnant alors si des milliers de réfugiés fuient Vesta pour Cérès, un voyage de plusieurs années, long et dangereux, qui emprunte les mêmes voies de communication que le commerce interastéroïde. Sur Cérès, on accueille bien volontiers ces réfugiés, même si on les connaît peu. Le temps et la bonne volonté permettent de donner nom et visage à ceux qui n’avaient qu’un statut. Mais voilà qu’un jour, Vesta, pour récupérer des ennemis politiques embarqués sur un vaisseau à destination de Cérès, menace de provoquer la mort de tous les réfugiés en transit, bien plus nombreux. Bluff ou pas ? Et si c’est vrai, que faire ? Comment choisir entre les 4000 et les 800 ?

    Avec ce texte, finaliste aux prix Sturgeon et Hugo 2015, Egan ne peut pas être davantage dans l’actualité. La ressemblance entre la situation décrite au-dessus et celle de notre monde est criante. C’est donc un texte politique que livre Egan, auteur originaire d’un pays qui gère par l’éloignement son problème de réfugiés. Il pourra peut-être ainsi toucher des lecteurs qui ne liraient pas de textes contemporains sur la question et montrer que la SF prend position dans le débat public.

    Egan remet aussi au goût du jour un classique de l’éthique : le dilemme du tramway. Il se formule ainsi : si un tramway n’a que deux choix, continuer sur sa voie et écraser dix hommes, ou dévier pour aller sur une autre voie où ne se trouve qu’un seul homme, que doit faire le conducteur ? Expérience de pensée qui est motif à discussions sans fin (et qui revient en force avec les choix que devront faire les voitures autonomes), le dilemme a une solution utilitariste simple : mieux vaut tuer un que dix. Il se raffine à l’infini si on suppose des individus de valeurs différentes, la première des questions étant celle de la possibilité d’une évaluation éthique de la valeur individuelle, et met en évidence les apories d’une pensée utilitariste pure. C’est à ce dilemme qu’est confrontée Anna, responsable du port de Cérès, en raison du chantage exercé par les Vestiens. S’y mêle l’incertitude sur la réalité de la menace et les propres sentiments d’Anna à l’endroit des réfugiés vestians. Nul n’aimerait être à sa place ; il faudra pourtant décider…

    Ce texte riche est, comme toujours chez le brillant Greg Egan, une vraie nourriture pour l’esprit. On pourra néanmoins regretter que les personnages n’aient pas plus de temps pour prendre chair, en dépit de tentatives méritoires de l’auteur pour aller dans ce sens. Il y manque quelques pages.

Éric JENTILE
Première parution : 1/4/2017 dans Bifrost 86
Mise en ligne le : 11/12/2022

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