Dans un monde médiéval-fantastique, Arkane est une ville organisée en niveaux/étages, séparés par d’efficaces labyrinthes. Tout en haut, vivent les sept familles régnantes. Ce monde domine farouchement la région des alentours (paysans et pêcheurs en situation de servage).
L’histoire mêle surtout deux destins.
Tout d’abord celui d’Oziel. Cette jeune femme de la famille du Drac voit ses proches massacrés dès les premières pages. Élevée comme une noble guerrière, son désir de vengeance la pousse à aller chercher l’appui de son frère, exilé dans les bas-fonds. Confrontée durant son périple à la terrifiante secte de la Désolation, Oziel comprend qu’une force maléfique se réveille pour venir tout détruire indistinctement.
De son côté, Renn, un apprenti enchanteur de pierre, vit dans un massif montagneux désolé. Il rencontre Orik, un guerrier étranger qui fuit une terrifiante armée. Le but du guerrier est de prévenir Arkane de cette invasion, mais aussi de protéger Renn dont il se révèle qu’il pourrait jouer un rôle déterminant dans cette guerre.
Troisième destin que l’on suit en mineur : celui de Noy, jeune homme de la famille du Corridan amoureux d’Oziel, qui cherche à la retrouver.
Commencer un récit par une héroïne confrontée à la destruction de tout ce qui lui est cher et dans la position de devoir fuir et se cacher est un procédé classique. Mais terriblement efficace : le lecteur est immédiatement pris dans l’histoire ! Et la suite confirme bien ce début enlevé. Pierre Bordage nous propose un roman bien écrit (c’est normal de sa part) et très bien rythmé.
La technique du feuilleton (un chapitre consacré tour à tour à l’un des trois destins se terminant sur un moment plein de suspense) marche à merveille et maintient le lecteur en haleine, sans le faire attendre trop longtemps.
Outre le suspense, cette alternance de l’avancée des trois destins nous permet de varier les plaisirs. On plonge dans l’atmosphère d’une ville mêlant les fastes et le sordide en suivant Oziel. On voyage au grand air (un voyage pas très reposant, il est vrai...) en accompagnant Renn et Orik. Enfin, le destin de Noy est l’occasion de compléter l’information du lecteur (et on n’est vraiment pas déçu des péripéties qui arrivent à ce pauvre jeune homme...) quant aux intrigues en cours entre les familles régnantes.
Tout cela est servi par un Pierre Bordage qui déploie tout son art pour décrire un monde grouillant de personnages tour à tour inquiétants, pittoresques ou attachants : un enchantement pour les péripéties, viles ou héroïques, qui se succèdent d’un bon pas, un ravissement pour le vocabulaire et le style.
À recommander chaleureusement donc.