Lucius SHEPARD Titre original : Dog-Eared Paperback of My Life, 2009 Première parution : Other Earths, anthologie composée par Nick Gevers & Jay Lake. DAW Books (DAW Collectors n° 1472), avril 2009 Traduction de Jean-Daniel BRÈQUE Illustration de Aurélien POLICE
BÉLIAL'
(Saint-Mammès, France), coll. Une Heure-Lumière n° 32 Date de parution : 10 juin 2021 Dépôt légal : juin 2021, Achevé d'imprimer : juin 2021 Première édition Novella, 144 pages, catégorie / prix : 9,90 € ISBN : 978-2-84344-978-9 Format : 12,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Dépôt légal à parution. Ce livre porte par erreur un achevé d'imprimer en août 2021 (impossible pour un livre paru le 10 juin 2021).
AUTEUR à SUCCÈS, Thomas Cradle se découvre par hasard un homonyme romancier dont il ne savait rien. Intrigué, il se procure l’unique ouvrage de ce dernier, et réalise bientôt qu’au-delà de leur patronyme, les deux hommes partagent une date de naissance identique, sont nés dans la même ville et ont fréquenté la même université... La lecture de l’ouvrage achève de convaincre Cradle du caractère fascinant de sa découverte, les points communs sont trop nombreux, trop évidents : il lui faut partir sur les traces de cet autre Cradle. Et pour ce faire, une seule destination : le Mékong et ses méandres, entre Laos et Viêt Nam — comme un écho aux motifs d’un narrateur bien plus toxique qu’il n’y paraît... Jusqu’au cœur des ténèbres, en somme, jusqu’à déchirer le voile d’une réalité impensable.
« Un récit d’une extrême richesse. Brutal et virtuose. »
THOMAS DAY
Un auteur à succès découvre un jour qu'un parfait homonyme a publié un livre sombre et dérangeant, un livre qu'il aurait pu lui-même écrire s'il n'avait pas renoncé à ses ambitions littéraires au profit d'une popularité facile. La forêt de thé relate un voyage sur le Mekong jusqu'au lieu mystérieux qui lui donne son titre. Intrigué par ce double qui semble être l'incarnation de ses plus noirs penchants, le narrateur décide de refaire ce voyage à l'identique.
Le périple, sur lequel plane l'ombre de Au coeur des ténèbres de Conrad et de son avatar cinématographique Apocalypse now, se double d'un voyage intérieur au cours duquel le narrateur s'enfonce de plus en plus dans la noirceur : égoïsme, drogue, cynisme, débauche, dégoût de lui-même et du monde dans lequel il évolue... jusqu'à la destination finale où s'entrecroisent des univers parallèles.
Si le thème de l'écrivain confronté aux manifestations d'un double en apparence plus sombre que lui n'est pas nouveau, Lucius Shepard s'en empare avec brio : il transforme une classique histoire de Doppelgänger en une réflexion sur les infinis bifurcations que peut prendre une vie, à l'image des ramifications du lit du Mékong dans son delta. Le style est envoûtant et la noirceur croît page après page. Il y a bien des scènes à l'humour grinçant : l'auteur brocarde avec jubilation les backpackers occidentaux qui sillonnent les pays pauvres, en Asie ou ailleurs, en se prenant pour la réincarnation de Nicolas Bouvier quand ils ne font que suivre les recommandations du Lonely Planet ; il n'est pas plus tendre avec le milieu de l'édition, des lecteurs et des écrivains, jusqu'à ces scènes narcissiques qui ouvrent et closent le roman : le narrateur commence son récit en regardant sur Amazon la popularité de ses livres, et le termine en contemplant les multiples variations de lui-même, toutes plus pathétiques les unes que les autres.
La tonalité générale est cependant très sombre. Au fur et à mesure que le bateau descend le fleuve, le monde vire au sordide ; la drogue et le sexe, amusants et excitants au début, deviennent d'amers palliatifs à un mal-être sans remède ; le narrateur dévoile de plus en plus sa bassesse, sa mesquinerie et sa vacuité au fil des pages. Fascinant autoportrait en noir, le livre instaure un malaise par cette mise à nu de l'âme humaine dans ce qu'elle a de moins reluisant. Le livre écorné de ma vie est un texte plein de ténèbres et dérangeant, à la séduction vénéneuse.