Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
Les Guerriers du silence

Pierre BORDAGE

Première parution : Nantes, France : L'Atalante, Bibliothèque de l'évasion, avril 1993
Cycle : Les Guerriers du Silence  vol. 1 


Illustration de Alain ROBERT

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. Bibliothèque de l'évasion
Dépôt légal : avril 1993
Première édition
Roman, 704 pages, catégorie / prix : 149 FF
ISBN : 2-905158-69-7
Genre : Science-Fiction


Autres éditions
   L'ATALANTE, 1994, 1996
   in Les Guerriers du silence - la trilogie, 1997
   L'ATALANTE, 1998
   in Les Guerriers du silence - la trilogie, 2000
   L'ATALANTE, 2002
   in Trilogie des Guerriers du silence, 2014
   in Trilogie des Guerriers du silence, 2017
   in Les Guerriers du silence. L'intégrale, 2020
   in Les Guerriers du silence, FRANCE LOISIRS, 2011
   J'AI LU, 1997, 1998, 1999, 1999, 2002, 2002, 2004, 2005, 2019

Quatrième de couverture
     Quelques cent mondes composent la Confédération de Naflin, parmi lesquels la somptueuse et raffinée Syracusa. Or, dans l'ombre de la famille régnante, les mystérieux Scaythes d'Hyponéros, venus d'un monde lointain, doués d'inquiétants pouvoirs psychiques, trament un gigantesque complot dont l'instauration d'une dictature sur la Confédération ne constitue qu'une étape.
     Qui pourrait donc leur faire obstacle  ? Les moines guerriers de l'Ordre Absourate  ? Ou faudrait-il compter avec cette obscur employé d'une compagnie de voyage qui noie son ennui dans l'alcool sur la planète Deux-Saisons  ? Car sa vie bascule le jour où une belle Syracusaine, traquée, passe la porte de son agence...
     Rares sont les romans français de science-fiction animés d'un véritable souffle épique. Pierre Bordage, dès son coup d'essai, nous livre avec Les Guerriers du silence le premier volet d'un authentique opéra de l'espace.

Critiques
     On sort de la lecture de ce roman avec des sentiments partagés. D'un côté, il y a cette sensation que l'on vient de vivre quelque chose d'incroyable, de passionnant, d'unique ; mais, parallèlement, une impression de déjà vu et de frustration vient assaillir le lecteur.

     L'histoire est celle d'un Empire Galactique corrompu et décadent ; d'une race extra-terrestre mystérieuse dotée de pouvoirs psychiques étonnants et visant à envahir « l'univers recensé » ; d'un minable employé de la CILT – gigantesque entreprise intergalactique de transports par déremats — promu à un avenir surprenant, bien qu'au tracé incertain ; d'une Eglise du Kreuz tyrannique, inquisitrice et sans cesse grandissante ; et de bien d'autres choses encore...

     Vous l'aurez sans nul doute compris, ce roman-fleuve vous renvoie sans cesse des images, des senteurs, des pensées provenant en droite ligne de Dune ou de Hypérion, dont il est le fière et noble descendant. Car si les ressemblances sont nombreuses, le récit parvient toutefois à se démarquer de ses dignes prédécesseurs sur de nombreux points. D'une part, par sa tendance à ne jamais vraiment désigner clairement un « héros » (d'autant que tous les personnages les plus attachants ont la sale manie de se faire trucider en quelques chapitres), mais aussi par une ambiance, une atmosphère bien particulières et propres à cet univers. Sans parler de tous ces nombreux petits détails dont le récit regorge et qui en renforcent l'originalité.

     Les rares défauts du roman deviennent du coup plus visibles et gênants : un peu trop de vulgarité (dans la bouche de certains personnages, cela peut s'avérer assez choquant !) et même de violence gratuites. Dommage aussi que le roman souffre de nombreuses fautes d'orthographes (et alors, messieurs-dames de l'Atalante, on ne relit pas les livres avant de les publier ?)...

     Cela dit, n'oublions pas non plus deux détails en faveur de l'auteur : primo, c'est là son premier roman (du moins chez un gros éditeur), et secundo il s'agit d'une oeuvre française. Pour ces deux raisons, nous nous devons de vivement féliciter M. Bordage ! Il ne parvient certes pas à se hisser tout à fait à la hauteur de ces messieurs Herbert ou Simmons, mais il réussit néanmoins l'exploit de produire là l'un des meilleurs romans de SF français parus depuis... depuis... euh... ma foi, depuis des lustres ! Car il faut bien reconnaître que la France est malheureusement assez pauvre en chefs-d'œuvres SF. Un coup de maître, donc, et un livre à lire absolument.

     A noter que ce roman constitue le premier volet d'une trilogie. La suite de ce space-opéra en cinémascope est contée dans Terra Mater et La Citadelle d'Hyponéros.


Alexandre Stéphane GARCIA (lui écrire) (site web)
Première parution : 8/6/1996 Icarus
Mise en ligne le : 15/10/2012


     La Confédération de Naflin est une immense entité politique englobant des centaines de mondes, aux mœurs et religions variés, et aux modes de gouvernement divers (quoi que généralement autoritaires et aristocratiques), mais qui sont parvenus à s'entendre sur une sorte de « régime minimum », consistant en un conseil des chefs d'Etats principaux et l'adhésion à quelques principes économiques communs — dans l'intérêt bien compris de chacune des parties. La Confédération de Naflin, ce sont aussi des forces militaires : l'interlice, l'armée confédérale, sorte de super-police interplanétaire, et l'Ordre Absourate, constitué de moines-guerriers chargés de protéger l'intégrité de la Confédération. Au sein de celle-ci, Syracusa est une puissante planète qui dicte ses modes vestimentaires à la noblesse de tout l'univers connu, et dont l'un des princes commande l'interlice. Principale étrangeté de l'aristocratie de Syracusa : se sont introduits dans ses rangs les mystérieux Scaythes d'Hyponéros, des non-humains venus d'une planète inconnue, qui ont su se rendre indispensables. Les Scaythes ont d'abord vendu leurs services aux nobles comme espions télépathiques, puis comme gardes du corps empêchant... tout espionnage télépathique ! Dernière étape de leur mainmise sur la société syracusaine, l'un des leurs, Pamynx, a été nommé Grand Connétable, poste-clef du gouvernement. Avec la pleine complicité de l'Église du Kreuz, aux visées expansionnistes et totalitaires, les Scaythes vont commencer à prendre brutalement le contrôle de toute la Confédération.

     Les personnages ? Ils ne sont pas nombreux à parvenir à survivre jusqu'à la fin du volume. La plupart, en fait, meurent à la fin du chapitre où on les a présentés ! Présentons donc ceux que l'on retrouvera vraisemblablement dans le second volume...
  • Tixu Oty était un minable employé de la CILT, cantonné sur une planète-jungle à l'écart de la civilisation, quand il est propulsé dans l'aventure par l'arrivée soudaine d'une sublime jeune fille voulant obtenir un transfert. Malgré les règlements draconiens de la CILT, Tixu lui permet de se transférer sans payer le voyage — et Tixu est bien le dernier à comprendre les raisons de son geste. Sauvé par un sorcier indigène de la jungle, Tixu va se retrouver à cavaler derrière la jeune fille, toujours protégé in extremis des pires dangers, comme si réellement un Destin plus vaste l'attendait.
  • La jeune fille ? Il s'agit d'Aphykit, fille d'un des trois derniers sages qui possédaient le secret de la science mentale inddique.
  • Barrofil le Vingt-quatrième est un abominable vieillard à la silhouette toute en angles et en arêtes, chef suprême de l'Eglise du Kreuz qui écrase l'ex-Confédération sous sa férule cruelle, brûlant lentement sur le supplice de la Croix-de-Feu tout opposant, tout noble récalcitrant, tout prêtre d'une autre religion.
  • Pamynx est le Scaythe désigné pour mener le complot, il sera ensuite remplacé par Harkot, maillon supérieur dans l'évolution de la race Scaythe (d'aspect humanoïde, ils semblent cependant être bien différents en fait de ce que leur aspect laisserait croire — quelques sous-entendus m'ont fait penser à une race de fongus).

     Musique connue... C'est celle de tout bon space opera qui se respecte, tous les ingrédients favoris du genre sont là, on pense pêle-mêle à Jack Williamson, Edmund Hamilton, Frank Herbert, Jack Vance. Ou si vous préférez des références cinématographiques, on lorgnerait du côté de Star Wars et du Prisonnier de Zenda... Noblesses décadentes, intrigues de cour, ordres religieux aussi rivaux que mystérieux, moyen de transport instantané (ici les « transferts cellulaires » — ni plus ni moins que les bons vieux transporteurs de Star Trek, gérés par la CILT, sorte de RATP galactique), palais grandioses et tarabiscotés, cités baroques et colorées, jungles impénétrables, prêtres vicieux, méchants ninjas (les mercenaires de Pritiv), surabondance de personnages et d'intrigues secondaires...

     Autant le dire tout de suite : mes sentiments vis-à-vis de ce roman sont mitigés. Je l'ai lu d'une seule traite, sans le moindre ennui, et fréquemment avec plaisir. Il s'agit pourtant de rien moins que 702 pages, et encore n'est-ce qu'un premier volume, l'auteur nous laisse en plan alors qu'absolument rien n'est encore résolu, au contraire, tout vient à peine de se mettre en place. Tenir le lecteur en haleine sur une telle longueur n'est pas une mince affaire, et Bordage y parvient sans se forcer ! Compliments, donc, pour la force du souffle. Pierre Bordage sait ce qu'épique veut dire, et manipule avec dextérité tous les archétypes du genre qu'il a choisi. Mais c'est peut-être bien là que se logent mes réticences : ce ne sont justement que ça. Des archétypes. Si Bordage excelle dans les portraits vite brossés, dans l'évocation d'une foultitude de personnages, ceux-ci ne vivent que le temps d'un chapitre ce qui est insuffisant pour que le lecteur s'attache à eux. Même Tixu n'a guère d'épaisseur, simple fétu de paille ballotté par les événements et un Destin mystique qu'on ne fait encore qu'entrevoir. Quant à Aphykit, on ne la voit guère, et quand on la voit c'est malade dans un lit, ou fermée au monde extérieur... La donzelle ne devient intéressante qu'à la toute fin du roman.

     Restons pour l'instant dans les compliments : il est appréciable de lire un space opera où l'auteur songe à donner des couleurs locales, non seulement à ses diverses planètes, mais aussi à des régions différentes desdites planètes — bien trop souvent le space op se contente de faire de chaque planète une masse uniforme, voir même donne à tout l'univers peuplé une esthétique identique. Bordage y a songé et donne régulièrement des notes précises sur tel ou tel détail d'architecture, vêture ou mobilier de telle ou telle région. La richesse des descriptions et de l'imaginaire font également partie des charmes du genre — c'était par exemple l'une des forces du Phœnix Legacy de M.K. Wren (superbe trilogie publiée aux USA au début des années 80, souvent rééditée mais néanmoins trop peu connue : même l'Encyclopedia of SF de Nicholls trouve moyen de l'oublier !).
     Il faudrait que Pierre Stolze lise ce roman, il se délecterait assurément, tant chacune des formules de ses « recettes pour allonger la sauce science-fictive » est ici appliquée à la lettre ! J'ai déjà parlé de l'amoncellement époustouflant de personnages que l'auteur tue presqu'aussitôt (il ne fait particulièrement pas bon être un beau jeune ado — remarquons au passage un net « homo-érotisme », ce qui n'est évidemment pas pour me déplaire — ni un vieux sage décrépit, c'est fou ce qu'il en meurt dans Les guerriers du silence !), on peut encore ajouter bien d'autres choses aux défauts irritants de ce roman. Les textes ouvrant chaque chapitre (poèmes, légendes, rapports oraux, extraits d'encyclopédie ou de Chartes...). Quelques redondances assez ridicules (à chaque fois que Tixu a peur son « rectum se contracte », par exemple... Et Pierre Bordage a visiblement un faible pour les rouquins, son roman n'en manque pas !). Des néologismes mal fichus du genre de la pire SF à la Jimmy Guieu (ondemort, brûlentrailles, ovalibus, personnair, robomate). Des noms de personnages pas non toujours très heureux. Un style qui ne coule pas harmonieusement mais qui est heurté, maladroit, parsemé de petites fautes (par exemple ces brusques passages au présent pour certains flashs-back, une horreur !).

     Je parlais des archétypes du space opera qu'utilise Bordage. Soyons juste : ce ne sont pas les seuls ! Époque post-moderne oblige ( ?), la thématique qui sous-tend Les guerriers du silence appartient plutôt au domaine New Age. Grand Destin supérieur guidé par les Dieux, forces telluriques, guerriers zen, sorciers indiens, puissances du mental, tout l'attirail baba-transcendental d'un Jodorowski vient affleurer la surface d'une œuvre apparemment très classique. Je ne saurais dire que c'est pour le mieux.

     Suis-je trop critique ? Il est certain que j'ai pris, sans le vouloir, trop de recul en lisant Les guerriers du silence, ce qui explique que j'ai « buté » sur tous les points soulignés ci-dessus, là où un lecteur plus « naïf » n'aurait certainement vu qu'aventure rapide, exotisme coloré et lecture compulsive (pour utiliser un abominable anglicisme). Il est bien possible que j'ai trop demandé de ce qui reste, cependant, une excellente œuvre de distraction. Reste que je ne saurai décerner aux Guerriers du silence une mention « bien » ou « pas bien » — les choses sont plus complexes que ça. C'est assurément une œuvre d'une ampleur rarement vue dans la SF Française, c'est un premier roman époustouflant de maîtrise (malgré les travers soulignés — et je me suis laissé dire que Bordage faisait beaucoup moins bien dans sa série Rohel), c'est une lecture attrayante et accrocheuse. C'est aussi un bouquin boursouflé, un ramassis de clichés tirés de la SF anglo-saxonnes (sans l'excuse du second degré d'un Banks ou d'un Greenland, sans l'impeccable maestria d'une M.K. Wren ou d'un Dan Simmons). Disons simplement : j'attends la suite !

André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/12/1993 Yellow Submarine 106
Mise en ligne le : 3/3/2004

Prix obtenus
Grand Prix de l'Imaginaire, Roman, 1994
Julia Verlanger, [sans catégorie], 1994


Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Denis Guiot, Stéphane Nicot & Alain Laurie : Dictionnaire de la science-fiction (liste parue en 1998)  pour la série : Les Guerriers du Silence

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Les guerriers du silence - Point rouge , 2005 (BD - Tome 1)
Les guerriers du silence - Le Marchandhomme , 2006 (BD - Tome 2)
Les guerriers du silence - Le fou des montagnes , 2007 (BD - Tome 3)
Les guerriers du silence - Le tombeau absourate , 2008 (BD - Tome 4)

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 80176 livres, 93837 photos de couvertures, 76218 quatrièmes.
9265 critiques, 43496 intervenant·e·s, 1671 photographies, 3786 adaptations.
 
Vie privée et cookies/RGPD
A propos de l'association. Nous contacter.
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes.
Trouver une librairie !
© nooSFere, 1999-2023. Tous droits réservés.