DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 413 Dépôt légal : janvier 1986 Première édition Roman, 192 pages, catégorie / prix : 6 ISBN : 2-207-30413-2 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Des sorciers mécontents (on les fusillait !) ont condamné la terre russe à mourir sous les lianes d'une selve infranchissable. Petrograd, capitale de la grande tourmente, a tout de même échappé au désastre. Mais il est évident que la mémoire de la révolution a été gangrenée par les fièvres malignes de la tropicalité. Au milieu des marécages, des sortilèges, des attentats anarchistes, les tchékistes (glorieux mais désabusés) ont fort à faire pour maintenir l'ordre. Les singes ne leur simplifient pas la tâche, ni les oppositionnels, qui prétendent avoir construit une terre promise derrière la gare de Finlande...
Un roman de magie-fiction : réponse inédite à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'avenir radieux sans jamais oser le demander.
L'auteur
Antoine Volodine a pour véritable pseudonyme Volup Golpiez.
Il a déjà publié dans Présence du Futur
Biographie comparée de Jorian Murgrave.
Critiques
Le second roman d'Antoine Volodine se situe dans la droite ligne du premier, Biographie comparée de Jorian Murgrave : ici encore nous baignons dans une Russie soviétisée complètement fantasmée. Mais elle n'est pas cette fois en proie à un extra-terrestre coriace, elle a tout bonnement sombrée dans la moiteur tropicaliste : « ... les mages sur le point d'être fusillés aux carrefours s'étaient donnés le mot pour laisser derrière eux un souvenir impérissable, l'enfer tropical sans clairières, où désormais allait balbutier le monde, dans une grande hébétude de pollen et de fièvre. » (p. 30). On pourrait bien sûr placer ce roman dans le rayon « univers parallèle » — à ceci près que la description socio-scientifique n'intéresse pas du tout l'auteur. On ne sait d'où vient (de quand vient) cet URSS tangent où la police est toujours la Tchéka tsariste, où une « gare de Finlande » évoque un ancien point de friction, et où des bisbilles avec des chameliers dans un désert en évoquent un autre, plus récent...
L'existence de ces mages et sorcières ayant transformé l'Empire du froid en un Empire de la moiteur (outre le symbolisme que cela implique) n'est pas d'avantage précisée — à moins de supposer que la magie ne vienne directement d'un ouvrage des frères Strougatski. En fait, l'impression la plus nette est que Volodine s'est servi d'un roman de Ballard (Le monde englouti) pour régler de façon cryptée ses comptes avec la patrie du marxisme. Il en résulte un récit au premier plan curieux, intriguant, mais où le lecteur moyen (j'en suis un) a constamment l'impression que quelque chose lui échappe, en particulier les véritables intentions de l'auteur. Mais peut-être celui-ci n'a-t-il voulu, tout en se servant de ses fantasmes favoris, que faire un exercice de style ? En ce cas celui-ci est parfaitement réussi car son style, justement, est juteux et imagé à souhait. Et il n'y manque pas l'humour : « Bon sang mais c'est bien sûr, souffla la tortue d'un voix rauque... » (p. 10). Il est simplement dommage que le récit piétine, et c'est bien le moins, dans ce que l'auteur appelle la « selve », et que les intrigues tchékistes ne soulèvent guère l'intérêt. Mais Volodine possède à la fois un univers et les outils pour le dessiner : depuis Brussolo, c'est le second auteur français de premier plan découvert par Elisabeth Gille.