Le
politically correct fait des ravages aux Etats-Unis, on le sait. Désormais, il devient très facile au cinéma de reconnaître immédiatement le " méchant ", c’est celui qui fume !
Dans
Ado 1, Connie Willis avait déja dénoncé, avec une férocité toute jubilatoire, ce fascisme culturel mis en place par différents groupes de pression " bien-pensants ", prompts à faire des autodafés avec les oeuvres qui ne leur convenaient pas (à peu de choses près,
toute la littérature !).
Dans
Remake, la chasse aux sorcières concerne l’alcool et le tabac à Hollywood. Non pas dans le réel, mais sur l’écran, hypocrisie oblige. Ainsi, le narrateur, Tom, toujours entre deux cuites et deux shoots, est chargé de " nettoyer " les classiques du cinéma de toutes les substances qui provoquent une dépendance. Sacré boulot : essayez d’empêcher Bogart de lever le coude dans
Casablanca ! Même Dumbo se soûle et Pinochio fume des cigares !
Mais c’est possible. Tout est posible dans le nouveau Hollywood. Si vous avez le scaner, les crayons, la mémoire suffisante, le terminal de fibre optique pour le diffuser et les copyrights - surtout les copyrights - vous pouvez faire danser Marylin Monroe, vêtue de la robe rouge de Pretty Woman, avec Tom Cruise. Car dans le nouveau Hollywood, on ne tourne plus de films, on fait des remakes infographiques, " des zéros et des uns mis bout à bout, des acteurs virtuels et des programmes de montage ".
Or, voilà que dans la vie de Tom déboule la mignonne Alis, Alis qui rêve naïvement de danser " pour de vrai " dans une " vraie " comédie musicale. Désespérée par le cynisme de Tom, elle disparaît ... pour réapparaître plusieurs mois plus tard dans la scène du bal campagnard des
Sept femmes de Barberousse de Stanley Donen, qu’il est en train de " nettoyer " ! A-t-elle réussi à remonter le temps pour pouvoir jouer dans une authentique comédie musicale ? A-t-elle succombé aux sirènes de l’infographie ? Tom est-il encore plus bourré que d’habitude ?
Avant tout,
Remake est un hommage ébloui au 7ème Art. Certes, on peut reprocher à Connie Willis d’avoir abusé des références, car il faut être un sacré cinéphile pour pleinement apprécier tous les clins d’oeil. Mais c’est aussi un très fin roman de science-fiction, au rythme vif propre à l’auteur, qui dénonce les dérives de notre société préférant l’ersatz, le clinquant et l’artificiel à la créativité et au travail. Au " tout est possible infographique ", la petite Alis répond en prenant pour exemple son idole Fred Astaire : " Quand il danse, c’est pas uniquement qu’il donne l’impression que c’est si simple ... C’est comme si pour tout ça, tout ses pas, ses répétitions, la musique, il n’était besoin que d’entraînement. Et ce qu’il fait, c’est tellement vrai ".
Comme Connie Willis, un des plus grands auteurs de SF actuels, insuffisamment reconnue en
France 2.
Notes :
1. Dans le recueil
Aux confins de l’étrange (J’Ai Lu)
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2. Lire l’article de Tom Clegg concernant le versant humoristique de son oeuvre dans le hors-série SF et Humour d’Ozone.
[Retour]Denis GUIOT
Première parution : 1/12/1997 dans Galaxies 7
Mise en ligne le : 1/2/2001