Dans la Cité où ils se sont repliés à l'heure des Abominations, les scientifiques presque immortels, derniers dépositaires de la civilisation, s'ennuient tandis qu'à l'extérieur se succèdent les générations de mutants barbares.
Dernière enfant de la Cité, fruit des expériences génétiques de Paul, Élisa apprend à connaître son corps et ses facultés d'autoregénération et reprend à son compte le Projet des généticiens : réensemencer la race humaine, à l'extérieur de la Cité trop dorée et corruptrice et lui transmettre ses nouveaux pouvoirs.
Mais c'est compter sans les données psychologiques individuelles qui font l'originalité de l'homme et qui seules, peuvent mettre en échec le programme le plus habilement informatisé.
Une étonnante saga, riche et dense, peuplée de personnages du futur, mais qui parlent le langage éternel de l'amour et de la douleur.
L'auteur
Née en 1947, Elisabeth Vonarburg est agrégée de lettres modernes. Vivant au Canada depuis 1973, elle enseigne la littérature à l'université du Québec, à Chicoutimi. Lauréate du prix Dagon en 1978, elle assume la direction littéraire de la revue S.-F. Solaris, Le Silence de la Cité est son premier roman publié en France.
Critiques
Traductrice de Varley, de Tanith Lee, animatrice de Requiem, nouvelliste connue et appréciée, dont un recueil vient de paraître (cf. Fiction323), Elisabeth Vonarburg nous propose un premier roman, qu'Elisabeth Gilles a eu le flair de publier. Il s'agit d'une œuvre marquante.
Le plaisir de lecture est assuré d'emblée : l'accrochage est parfait. Un mystère se met en place, à mesure que diverses informations sont fournies à travers des scènes d'action, aboutissant à composer un arrière-fond où des projets se trouvent clarifiés sans qu'on voie qui va les mener à bien. C'est alors que la quête/mission de l'héroïne peut prendre corps. Dans tous les sens du terme.
Ce lien entre la prise en compte des projets et du corps d'Elisa compose le thème central, celui de la métamorphose possible. L'avenir (celui de son corps, celui de la civilisation à (re)naître) sont-ils ou non déterminés (et par qui ?) ou bien un cours différent peut-il être donné, loin de toute nécessaire reproduction (aux deux sens) ? Quelles sont les conditions d'une intervention de la Cité (du savoir antérieur — la Science et sa possible folie) ? Science et folie : cette ambivalence laisse une place à reconnaître aux dispositifs pulsionnels à l'œuvre dans tout projet « altruiste » de type technologique. Science et technique ne sont pas simplement des idéologies, ce sont aussi des délires, que le texte prend en charge, et illustre, par une série de scènes d'action, de séquences dramatiques : lutte contre le Savant/père, contre les mutants, contre son propre désir de domination, etc.
Au-delà des événements qui font de ce texte un roman aventureux, avec un métamorphe pour héros, on trouve toute une série de réflexions nourries de connaissances d'ordre anthropologiques, qui servent de motivation aux actions.
L'originalité de ce roman tient à l'heureuse harmonisation de deux plans de référence, ceux venant de la culture SF (on songe à la thématique des Fondation,à celle des renouveaux multiples) et ceux qui relèvent des exigences de la nouvelles science FICTION. L'harmonisation, qui en même temps est une dynamisation, passe par la construction d'une intériorité complexe, celle du métamorphe. Elle réfracte ou intériorise ces problèmes de type anthropologique. La construction du point de vue de l'héroïne, Elisa, est liée à celle du monde neuf qu'elle imagine. Ses échecs et ceux de ce monde sont liés, comme la frustration qui naît pour elle du type de réussite qu'elle atteint.
Ce n'est pas de la hard-science, malgré les références nombreuses et le côté clinique des descriptions ; ce n'est pas non plus un roman psychologique égaré dans un paysage de SF, malgré l'aspect fantasmatique souligné. Doit-on y voir la naissance d'une « soft science-fiction ? ». Au-delà de toute étiquette : une authentique réussite.