HIER, il falait que le tracé de l'encéphalogramme reste linéaire au moins 24 heures avant que l'on déclare un patient mort.
AUJOURD'HUI, dès que le tracé est plat, on commence à prélever les organes.
DEMAIN...
Critiques
Ce sont des collecteurs d'organes, appartenant au puissant syndicat du Département Central des Collecteurs, ces charcuteurs en combinaison noir et pourpre et coiffés d'un casque intégral, qui se précipitent comme les charognards qu'ils sont sur les lieux d'accidents, pour prélever les organes nécessaires aux greffes généralisées... Un vieux sujet, qui a fait récemment l'objet d'une étincelante nouvelle de Dennis Etchison (La machine exige un sacrifice, dans le recueil Les domaines de la nuit, en Galaxie bis). Ce sujet, Houssin le traite manière best seller, dans un F.N. hors série qui lui permet de franchir très allègrement le cap des 300.000 signes pour en faire le triple, avec un récit découpé de façon plus poussée dans Le sang à la tête, de David Osborn, en « Paniques »), il y a le milliardaire Sirchos, dont la femme Pamela, vedette de l'écran, a le cœur plus que fragile... Et bien d'autres comparses, dont l'apparition en ordre dispersé paraît d'abord être le fait du hasard (ou du remplissage, comme on voudra), mais dont l'existence est en fait liée à un vaste plan international, qui suppose des manipulations en tiroirs... Le total fonctionne à la perfection, Houssin faisant ici la synthèse de ses dons d'auteur de polar et d'auteur de sf (et même de l'auteur récent des GORE : Milan collectionne les exécutions au cutter !).
Certes les personnages sont typés à gros traits, mais ce genre d'ouvrage ne demande pas de la psychologie en finesse (ou alors il faut être le Cousin de L'œuf du diable pour réussir à en glisser entre les lignes), et l'essentiel est que les silhouettes sont suffisamment bien typées pour que, dès qu'elles se sont profilées une fois, on n'ait plus de problèmes de repérage. Et certaines séquences (le meurtre du journaliste dans le métro, l'assaut-tuerie de l'Ambassade soviétique, sans compter toutes les opérations à cœur ouvert, et bien saignantes) s'impriment durablement dans l'œil et dans l'esprit. Avec toutes ces qualités, on n'en regrette que plus un soupçon de racisme anti-Arabes (c'est bien le moment, Houssin !) et une fin un peu trop rapidement bouclée. Mais, à l'heure où le roman de s-f français s'endort dans les enjoliveurs du style, Les Vautours tranche par son réalisme haletant. Un bon film !
Dès les premiers chapitres, les images choc et le style direct ont un effet coup-de-poing. Le parcours du héros parmi les victimes d'un carambolage est une vision profondément marquante. Tel un ange de mort planant sur un champ de bataille, il scrute et désigne : ici un rein à prendre, là un cadavre entier. Avec professionalisme et indifférence, il erre et diagnostique, sauvant parfois une vie avant de passer négligemment au suivant...
Passé ce début très impressionnant, le roman s'oriente vers un thriller nerveux et efficace, mais plus conventionnel. A la lutte traditionnelle entre l'artisan honnête et le puissant consortium, s'ajoute cependant l'astucieuse histoire d'un milliardaire qui se croit suffisamment puissant pour vaincre la mort et sauver son jouet...
On relève quelques inexactitudes, comme par endroits une regrettable confusion entre moelle osseuse et moelle épinière, qu'il est surprenant de ne pas avoir corrigée à l'occasion de cette nouvelle présentation au sein d'une collection ambitieuse. Mais il s'agit de détails mineurs qui n'enlèvent rien à la force de ce roman qui se lit d'une traite grâce à un sens du rythme et un punch évidents.
De plus, Houssin évite adroitement le principal piège qui serait de confondre et de dénoncer dans le même temps traffics et greffes. Son propos n'est pas de militer contre les greffes d'organes, et pour souligner ce point, il nous emmène d'ailleurs dans une balade hospitalière parmi des malades souriants... Non, les greffes sont indiscutablement utiles et nécessaires, mais à quel prix...?
Manifestement, la réédition était pleinement justifiée car le thème central des Vautours est toujours au coeur de l'actualité et des interrogations. Quatorze ans après sa première édition, ce roman n'a pas pris une ride et n'a rien perdu de son efficacité !
Les vautours, tel est le surnom donné aux collecteurs, ces équipes spécialisées qui se précipitent sur les lieux des accidents afin de récupérer au plus vite les organes réutilisables des victimes. Une profession où brille David Tolland qui travaille en indépendant avec son ami Roussel, en essayant de survivre face à l’envahissante DCC, une puissante corporation aux méthodes suspectes qui est en train d’imposer peu à peu son monopole. Drôle de métier que celui de collecteur, où l’on gagne sa vie grâce à la mort d’autrui. Un métier où l’éthique est importante, du moins pour les indépendants comme David Tolland. Mais la puissante DCC utilise des méthodes brutales et ses meilleurs hommes n’hésitent pas le cas échéant à achever une victime récalcitrante.
Les Vautours s’attaque à un sujet difficile, celui du trafic d’organes. Le récit s’apparente à un thriller où s’affrontent de nombreux personnages, entre lesquels les échanges sont presque toujours des rapports de force.
Comme l’implique son sujet extrême, c’est un roman parfois très violent, qui décrit le travail des chirurgiens comme une guerre contre la mort. Mais lorsque la richesse permet de sauver une vie en en prenant une autre en toute impunité, il y a un problème… Les Vautours est écrit dans un style “ coup de poing ”, maintenant une tension qui ne se relâche jamais, tant pour ses personnages que pour le lecteur, qui tourne les pages sans pouvoir s’arrêter et va de surprise en surprise, hypnotisé par cette histoire stupéfiante aux images fortes. C’est un roman puissant, de la catégorie de ceux qui laissent un souvenir durable au lecteur. A lire sans modération !
Comme nombre d'écrivains de SF de sa génération, Houssin a souvent recours à l'actualité pour extrapoler à partir des problématiques contemporaines. Le débat, voire la polémique rampante, sur les dons d'organes — alimenté par des interrogations persistantes sur les trafics d'organes en Amérique latine au profit de riches privilégiés — a inspiré un best-seller à l'américaine, dur, violent, haletant, à un auteur qui ne manque pas de réussites à son actif. Lors de sa première parution, aux éditions Fleuve Noir, ce roman — qui annonçait déjà un grand retour au récit que bien peu défendaient encore à l'époque — avait obtenu le Grand Prix de la Science-Fiction française 1986.
Les Vautours, ce sont les membres des équipes spécialisées qui sillonnent les voies rapides, toutes sirènes hurlantes dans leurs camions réfrigérés, à la moindre annonce d'un accident spectaculaire et, si possible, bien pourvu en victimes ! David Toland, le héros, travaille en indépendant et refuse de s'intégrer au Département central des collecteurs, trust tout-puissant de la profession : il a même à l'occasion des scrupules qu'il dissimule derrière un cynisme de façade savamment entretenu. Mais le DCC et ses grands patrons sont-ils aussi délicats ? Attendent-ils toujours la mort du donneur quand il y a urgence ? S'efforcent-ils vraiment de venir en aide à l'accidenté agonisant ? Or, justement, la femme d'un PDG. a besoin d'un cœur d'urgence...
À la différence de la série contestée du Doberman, où la violence gratuite — c'est-à-dire sans signification, nécessité ou même sens — se donne libre cours, Les Vautours parle d'éthique sans jamais pour autant tomber dans le didactisme. Le roman annonçait avec dix ans d'avance la mode — point déshonorante ! — du polar SF. Si le scénario ne payait pas aussi bien (Houssin vient d'être chargé de l'adaptation des Racines du mal de Maurice Dantec), l'auteur des Vautours serait sans doute devenu l'un des chefs de file de la SF française.