Un Dieu rebelle, de Peter Fleischmann (texte extrait des Extras de Mézières, 1995)
Octobre 1985
Quelques jours après mon retour de Copenhague, où avait débuté l'enquête pour Lady Polaris, je suis contacté par le metteur en scène allemand Peter Fleischmann pour un grand projet de film de science-fiction européen, l'adaptation du roman des frères Strougatzki : II est difficile d'être un dieu, une grande première cinématographique, une coproduction germano-franco-soviétique !
Le sujet : À l'autre bout de l'univers, dans un vaisseau spatial, des scientifiques terriens découvrent une nouvelle planète similaire à la Terre, mais dont
les habitants vivent à une époque de moyen-âge obscur. Ils sont brutaux, cruels, à peine civilisés, alors que les Terriens savent maintenant parfaitement dominer leurs sentiments pour vivre en paix. Ne voulant pas révéler leur présence, les Terriens envoient des observateurs sur place avec ordre de ne pas intervenir. Mais un des envoyés ne répond plus...
L'occasion est trop tentante ! Lady Polaris va être retardée de quelques mois.
Je rejoins Fleischmann et l'équipe soviétique à Moscou. Nous partons pour des repérages de décors naturels en
Ouzbekistan, au sud de la Mer d'Aral. L'aventure à l'Est ! Puis
retour à Munich où je travaille pendant trois mois sur les esquisses des décors et des costumes.
Mais les difficultés du montage financier de ce film à gros budget ne s'arrangent pas. Le script de J.C. Carrière et mes dessins sont les seules choses qui existent. Tout se bloque. Ma collaboration s'arrête là. En attendant un éventuel redémarrage je retourne à Paris et reprends avec Pierre notre travail pour Lady Polaris.
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Avril 1986
Le Tournage prévu dans les studios Dovjenko de Kiev, où les décors n'ont pas encore été construits, est repoussé. Heureusement parce qu'à 100 km de là, le réacteur nucléaire de Tchernobyl exlose ! J'ai failli être le premier dessinateur de science-fiction réellement radioactif...
Le films sera enfin tourné dans les studios de Yalta en 1989, avec un casting international. L'équipe soviétique en charge des décors et des costumes ne se servira pas beaucoup de mon travail.
J'avais imaginé des costumes barbares et somptueux
pour les principaux rôles, mais à l'écran, la version retenue
sera nettement plus dans la ligne "serpillière et sac à patates".
Question de goût...
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Lorsque Un Dieu rebelle est enfin prêt, beaucoup de choses ont changé en Europe de l'Est. La « pérestroïka » est arrivée et, ce qui devait être un événement culturel européen majeur, passe presque inaperçu en Allemagne et en URSS, en plein chambardements.
Un Dieu rebelle, sujet passionnant mais grand film malade, sortira pendant huit jours à Paris en août 1991 dans l'indifférence générale. Dommage...