Christian Grenier, auteur jeunesse
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Ses méthodes d’écriture
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     La phase la plus importante est la plus longue est celle pendant laquelle je n'écris pas !
     L'idée surgit, revient, se développe de jour en jour ; peu à peu, le décor s'installe, les personnages prennent corps, tissent des liens entre eux. J'imagine des rebondissements, des péripéties... Tout cela prend beaucoup de temps : des mois, parfois des années comme pour L'ordinatueur, Assassins.net ou même pour un texte aussi bref que Parfaite Petite Poupée : j'ai peaufiné cette idée pendant vingt ans avant de rédiger un récit de... dix pages !
     Un jour enfin, le récit me semble au point dans ma tête : il forme un tout cohérent, son thème me semble original et ses personnages vraisemblables, il contient, au second degré, un certain nombre de réflexions susceptibles de faire rebondir l'imaginaire du lecteur. Et puis j'ai envie de passer à la phase de l'écriture pour que le livre existe vraiment, car aussi longtemps qu'une histoire ne vit que dans la tête de quelqu'un, personne d'autre ne peut la partager !



     Très peu ou pas du tout. Il arrive même que ma femme ignore totalement le sujet du roman que je suis en train d'écrire. Elle a très mal vécu les sept mois d'écriture de La Fille de 3ème B et du Pianiste sans visage ( voir, à ces titres, la rubrique “ pour en savoir plus ” ) car elle avait hâte de connaître le sujet du roman qui m'avait occupé si longtemps. Elle a été stupéfaite de constater qu'il n'y avait pas un récit, mais deux.
     Parfois, quand j'interviens dans une classe où elle m'a accompagné, et qu'un élève me demande de quoi parle mon prochain roman, je lui demande de sortir ! Récemment, j'ai ainsi évoqué le sujet de mon prochain roman La Fille de Pleine Lune, dont Annette ne savait rien.
     Ainsi, certains lecteurs en savent plus sur mon prochain livre que ma propre épouse ! Si je lui parlais de ce que j'écris ou de mes projets, elle n'aurait plus l'œil d'un lecteur tout neuf quand je lui livrerais le manuscrit.
     Pendant deux ans, je lui ai dit que mon prochain roman, un polar, s'appellerait L'OrdinaTueur. Et elle avait hâte que je l'écrive car elle jugeait ce titre original et avait peur qu'un autre auteur ne le découvre et ne l'utilise avant moi !



     Si vous avez lu les réponses aux questions qui précèdent, vous avez déjà compris que je n'improvise pas : quand je commence à rédiger, tout est déjà en place ! Il est rare que mes personnages m'échappent, ou que je me laisse entraîner dans le fil de l'action ailleurs que là où je m'étais promis d'aller. Si je m'y risquais, cela risquerait de perturber l'ensemble d'un édifice dont le plan me semblait cohérent et dont les pièces étaient bien assemblées.
     Evidemment, cela me réserve peu de surprises... mais je juge qu'ajuster mes idées avec des mots est déjà une tâche lourde, difficile, écrasante. S'il me fallait en plus imaginer les phases de l'action au fur et à mesure !
     Mais cette question est pertinente car certains de mes camarades procèdent tout autrement. Un titre, une ambiance, une situation leur suffisent parfois pour démarrer l'écriture. Ce qu'ils aiment justement, c'est improviser, se laisser porter par le fil d'une histoire qu'ils construisent au fur et à mesure. Jeanne Benameur m'a même avoué qu'il lui était arrivé de tuer un personnage important parce qu'elle en ressentait la nécessité... alors qu'elle ne l'avait jamais envisagé en commençant son histoire.
     J'utilise aujourd'hui d'instinct cette technique d'écriture particulière pour deux raisons :
     1/ Autrefois, il m'est arrivé à plusieurs reprises de partir trop vite, d'improviser... et de rester bloqué au bout d'une semaine, de manquer d'idées ou — pire — d'enthousiasme. Baliser soigneusement le chemin à parcourir me permet d'éviter cet écueil. Et puis je me raconte des histoires dans ma tête depuis si longtemps !
     2/ Les romans que j'écris ont souvent relevé de la SF ou du policier, deux genres qui supportent mal l'improvisation, le premier parce qu'il s'agit de conjuguer toutes les conséquences d'une hypothèse de départ ( voir « Ses choix littéraires » ), le second parce que je me vois mal me demander au bout de deux cents pages qui est le meurtrier, et quels sont les mobiles de son crime ! Il est évident qu'avant d'écrire la première ligne d'un roman comme Arrêtez la musique, je connais le coupable, ses motivations, ses complices !


     Non. Je ne me mets pas en danger !
     Quand je m'installe pour écrire, ce n'est jamais en me demandant de quoi je vais parler, ni ce que je vais écrire puisque je maîtrise le récit. Hélas, l'histoire n'existe pas mot à mot, il faut la formuler, la rédiger — au sens propre du terme. C'est d'ailleurs la phase la plus délicate, la plus passionnante. D'un coup, dès la première phrase se posent des problèmes majeurs auxquels je n'avais d'ailleurs pas toujours pensé : faut-il écrire cette histoire au présent ou au passé ? Quelle sera “ la place du narrateur ” ? Faut-il dire “ je ” ou “ il ” ( ou “ elle ” ) ? Quel sera le ton de ce récit : familier, intimiste, ironique, grandiloquent, froid et détaché ? Le plus souvent, un écrivain n'est pas maître de son style mais il peut orienter la tonalité d'une histoire. Si vous lisez le début du Cœur en abîme, de La Fille de 3ème B ou du Soleil va mourir, vous constaterez que dès les premières phrases, le ton de ces romans est très différent.
     Et quand on a commencé à rédiger d'une certaine façon, il est difficile ( voire dangereux ) de modifier le ton au cours d'un récit.
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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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