Cyrano ! Après que j'ai vu deux cents fois la pièce d'Edmond Rostand, je mourais d'envie de connaître la maison natale de ce héros national. J'en ai parcouru, des kilomètres, j'en ai traversé, des bourgades, avant de parvenir dans cette sous-préfecture du Sud-Ouest qui compte, au dernier recensement, vingt-sept mille huit cent quatre-vingt-six âmes et près de huit cents commerces. Aussitôt arrivé, j'avisai sur le port un quidam qui bayait aux corneilles face à une gabarre amarrée au bord de la Dordogne. C'était un touriste anglais. Il m'accompagna à l'Hôtel de ville, où les réponses restèrent ambiguës.
— Renseignez-vous dans les églises, nous dit-on, car Cyrano a dû passer sur les fonts baptismaux. Et ne vous fiez pas à tous les on-dit.
En bon néophyte, j'obéis. Devenu mon acolyte, l'Anglais ne me quittait pas. Hélas, nos va-et-vient furent sans résultat. Enfin, le soir, nous découvrîmes une statue sur une place. En nous voyant, elle caressa son appendice brisé et nous héla en ces termes :
— Moi qui fus un bretteur entêté, un athée militant et le coreligionnaire de Molière, je suis né et mort à Paris ! Si je suis aujourd'hui l'emblème, le héros et le héraut de cette cité, ce n'est pas parce que j'y suis né, mais parce qu'elle m'a adopté.
Sur ces mots convaincants, la statue se figea, nous laissant comme deux ronds de flan, c'est-à-dire cois.
Christian Grenier
janvier 2004
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