On est dans l'actualité la plus vive : au début de cette dix-huitième aventure de « Valérian, agent spatiotemporel », une explosion ravage l'une des tours de la Défense, à Paris, et, plus précisément, la salle abritant une réunion du conseil d'administration de la société Vivaxis, spécialisée dans les biotechnologies, la génétique, le cellulaire, etc.

          Mais l'humour noir propre aux aventures de Valérian et de Laureline reprend vite le dessus : l'auteur de l'explosion n'est autre que Dieu, physique d'Orson Welles et vocabulaire de titi parisien, bluffé et vexé par le fait que Vivaxis soit sur le point de faire une découverte qui modifierait la nature humaine et la rendrait éternelle. Ce crime de lèse-majesté ne peut pas laisser Dieu — ni son fils, un peu timoré — de marbre. Pas plus que Sat, ange déchu de la cité d'Hypsis, qui ne désire qu'une chose : prendre le contrôle de Vivaxis. Pas plus que Valérian et Laureline. Tout ce beau monde se retrouve donc au Palais des congrès de Paris, où le PDG de Vivaxis — pardon, le « chairman » — tente la transparence auprès des actionnaires, des salariés et de la presse.

          Savoureuse satire de l'ère de la mondialisation, procès tout en humour noir des dérives de la science et de la technologie, notamment en matière de clonage, ce nouveau chapitre des pérégrinations extraterrestres de Valérian est aussi une charge féroce anticapitaliste et une mise en garde contre les businessmen de toutes nationalités susceptibles de sacrifier leur ultime parcelle d'humanité sur l'autel de leur multinationale. Mais ni Christin ni Mézières ne prétendent jouer les Raymond Barre de l'économie politique. Leur leçon, si leçon il y a, est irriguée d'humour, de références à des albums déjà parus des aventures de nos deux jeunes héros, ou encore à des personnages classiques ou à des gags de l'univers de la BD (les deux détectives jumeaux, le sparadrap collé sur le nez du PDG de Vivaxis...).