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Existe-t-il une science-fiction pour la jeunesse ? La question est aussi vieille que le genre puisque l'un de ses fondateurs, Jules Verne, était considéré comme un auteur pour enfants... avant d'être « redécouvert » par l'Université. Et, plus généralement, que signifie écrire pour la jeunesse ? Selon Christian Léourier, « cela consiste à se livrer à cet exercice de style plutôt difficile : se priver des conventions du roman et mener le récit de façon à ce qu'il ne suppose connu du lecteur que ce qui a été clairement énoncé, ou qui fait partie de son expérience courante » ( Le Monde de l'Education, décembre 1978). Etre compris, faire preuve de vitalité, accrocher le lecteur : des critères qui sont, aussi, ceux de la littérature populaire. Voilà pourquoi la S-F, littérature populaire par ses origines et son esthétique, a de tout temps séduit les jeunes. Dès lors, il est difficile de parquer ce lectorat en culottes courtes dans des collections réservées, alors qu'en J'ai Lu, Fleuve Noir ou Presses Pocket, ces collections « pour grands », certains livres passionnants et accessibles les attendent (ceux de Simak, Vance et Asimov par exemple). C'est ce qui explique sans doute l'échec des collections de S-F pour la jeunesse : L'âge des étoiles dirigée par Gérard Klein et Karin Brown en 1979, Travelling sur le futur chez Duculot en 81 (deux collections pourtant remarquables)... et le succès de Folio Junior S-F — du moins au départ, car actuellement les jeunes préfèrent ces tristes « livres-dont-vous-êtes-le-héros » — avec son habillage adulte, tout particulièrement les anthologies thématiques composées par Christian Grenier en puisant dans Fiction, Galaxie, Présence du Futur, etc., tout en respectant les interdits traditionnels de la littérature pour la jeunesse (ni sexe, ni violence, ni hermétisme). Il est d'ailleurs intéressant de noter que lors de sa réédition en Folio Junior, Niourk de Stefan Wul (initialement paru au Fleuve Noir en 1957, puis repris par Présence du Futur en 70) a obtenu le diplôme du Meilleur Livre Loisirs Jeunes 1981.
Mais le glissement de lectorat fonctionne aussi dans l'autre sens, témoin les éditions Presses Pocket qui rééditent avec succès certains titres de la collection L'âge des étoiles ( Le sablier vert de Michel Jeury, 1977, La porte des mondes de Silverberg) et les juvenile novels de Robert Heinlein (par exemple Citoyen de la galaxie, L'âge des étoiles / Time for the stars, 1956, L'enfant tombé des étoiles) qui sont autant de variations opiniâtres sur le thème du Brave Périt Tailleur, destinées à donner confiance à l'adolescent qui doit partir de zéro pour devenir un homme. Que le lecteur se rassure, un bon ouvrage « pour » la jeunesse peut être lu avec plaisir par tous les publics !
Apparemment donc, il ne semble exister aucune frontière évidente, naturelle, entre la S-F pour adultes et celle dite pour la jeunesse. Et pourtant, avec ses trois cents titres environ, celle-ci existe et rencontre des problèmes qui lui sont propres. Tout d'abord chez les 4/9 ans, il est difficile de parler de science-fiction pure, tant elle est mélangée au récit fantastique, onirique, au conte de fées, à la fable (citons cependant le délicieux Tombée du ciel d' Henry Winterfeld GP, 1958 -, le carrollien Trois enfants dans les étoiles de Jacqueline et Claude Held — Seghers, 1980 — l'utopique Les aventures de Victor Piquelune de Pierre Pelot — Ed. de l'amitié, 1977 — ou le naïf Il y a deux soleils chez les Tortupatons de Christian Grenier — Magnard, 1977). Ensuite, il faut bien le reconnaître, la S-F est volontiers méprisée, réduite — au sens jivaro du terme — à son arsenal thématique le plus vulgaire (monstres, robots, fusées) et ramenée à un catalogue de gadgets. En prenant ainsi pour fin ce qui n'était qu'un moyen, la S-F pour jeunes se vide de l'essence même de son propos (éloge de la différence, réflexion sur les bouleversements sociaux impulsés par la science) et se cantonne la plupart du temps à célébrer les exploits douteux et insipides des Maîtres de l'Univers et consorts.
Pourtant une S-F pour jeunes de qualité parvient à survivre. Elle apparaît traversée par trois grands courants :
— Les romans d'apprentissage qui se proposent d'aider l'adolescent à franchir certaines étapes de son existence (la série des Mykir de Robert Alexandre chez Epi/Alsatia, celle, excellente, des Jarvis de Christian Léourier chez Hachette, les juvenile novels d'Heinlein, l'initiatique L'enfant contre la nuit de Susan Cooper dans L'âge des étoiles, The dark is rising) . — Les récits à vocation militante, dont la trame romanesque sert de révélateur à la prise de conscience d'un problème socio-politique bien précis (les romans de Michel Grimaud, l'exceptionnel Le réfractaire de Michel Bussac chez Hachette, tous les titres de Travelling sur le futur).
Lecture
— Z comme Zacharie de Robert O'Brien (Livre de Poche Jeunesse, 1974).
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