Fin 1977, près d'une quarantaine de collections se disputaient les faveurs de l'amateur de science-fiction ! Le crash était inévitable : il eut lieu, sanglant. Depuis quelque temps, le marché apparaît comme globalement stable (un sondage Sofres — Nouvel Observateur effectué en décembre 1986, donne le même pourcentage de lecteurs de science-fiction qu'en 1981, 12%), mais l'optimisme ne semble pas de mise et il est difficile de savoir si le paysage éditorial ne va pas être modifié d'ici peu par des glissements de lectorat. Quoi qu'il en soit, on recense en mars 1987, quatorze collections. Lancée en 1985, l'ambitieuse collection « Fictions » des éditions La Découverte, bien que très soutenue par la critique spécialisée, a du mal à réussir son pari, tandis que du côté des « poches », S-F ( Presses Pocket) accentue sa progression (mais attention à l'arrivée du Livre de Poche !).
« Pour une littérature populaire, largement ouverte et accessible à tous » (P. Siry). Depuis quelques années, les grands noms de la S-F française ( Brussolo, Walther, Jeury) côtoient les auteurs-maison ( Morris, Mazarin, Stork, etc.). Un énorme succès, amplement mérité : la série de G.-J. Arnaud, La compagnie des glaces (qui vient de passer le cap des 30 volumes !). Bien sûr, avec sa production torrentueuse — exclusivement des auteurs français, mis à part les Perry Rhodan de Scheer et Darlton, et assimilés — le Fleuve charrie aussi pas mal d'épaves et il est nécessaire de trier.
Créé en 1965 par Alain Dorémieux et Jacques Sadoul, dirigé depuis 1980 par Daniel Walther, le CLA joue la carte de l'ouvrage de luxe pour bibliophiles (tirages limités et numérotés). Actuellement, le CLA tente courageusement de balayer toutes les tendances de la S-F, avec une nette priorité aux auteurs féminins ( Carolyn Cherryh, Tanith Lee, etc.). Mais Dieu que c'est cher : 215 francs le bouquin !
« Des thèmes socio-politiques, une préférence pour l'humour et 1a satire, un mot d'ordre : l'action ! » (Andrevon). Née en octobre 1985, elle a déjà obtenu le prix Apollo pour La musique du sang ( Greg Bear) et lancé avec succès le « cyberpunk » William Gibson (Neuromancien). Avec sa recherche de nouveaux auteurs et de nouveaux thèmes, sa volonté d'éclairer le monde contemporain par la S-F, Fictions est actuellement la collection qui monte. A ne pas quitter du regard !
• Galaxie-bis (12 titres/an — Née en 1965 — Dir : D. Walther — 29 /59 F — Ed. Opta).
Très éclectique, « de la hard science aux textes modernistes, en passant par l'heroic fantasy, le fantastique contemporain et le space-opera » (D. Walther). Plus des rééditions du CLA (dont la saga machiste de Gor de John Norman) et même d'anciens Galaxie-bis (la série des Dorsaï de Gordon Dickson).
Créée par Jacques Sadoul en 1970, elle a puissamment contribué à imposer la S-F en mettant à la portée de tous, à l'intérieur d'une collection de littérature générale on ne peut plus populaire, les grands classiques de l'Age d'Or : les plus qu'humain ( Sturgeon), Le monde des A ( Van Vogt), Demain les chiens ( Simak), etc. Toujours dirigée par Sadoul, elle alterne actuellement avec bonheur les rééditions et les inédits (parfois d'auteurs méconnus comme Tim Powers, une révélation), tout en réservant une place aux auteurs français ( Pierre Stolze, Christian Léourier), sans oublier l'anthologie annuelle Univers, branchée moderne. Bref, de la S-F de qualité, qui vit et bouge pleinement, et sait prendre des risques.
Après le semi-échec de la collection dirigée par Michel Demuth (1974/1981) Gérard Klein vient de reprendre le flambeau. Au menu bien sûr, des rééditions. Premier titre, sorti en février 1987 : Le vagabond, qui avait inauguré Ailleurs et Demain.
Comme l'écrit D. Riche dans le n°10 de L'Actualité Rhône Alpes du Livre : « La formule est simple, mais géniale : il s'agit d'anthologies comportant chacune une sélection représentative d un auteur ou d'un thème (voire de la production d'un pays), une préface confiée à un spécialiste et une bibliographie exhaustive ». Dire que la collection est indispensable pour l'amateur serait un euphémisme.
La grande dame de la science-fiction. Dirigée par Robert Kanters jusqu'en 1976, puis par Elisabeth Gille pendant dix ans, elle vient d'être reprise par Jacques Chambon. Son catalogue est des plus prestigieux : Bradbury, la trilogie Fondation, Lovecraft, pour la période Kanters, Kate Wilhelm, Varley, Brussolo sous Elisabeth Gille etc. Certainement la collection la plus littéraire, celle qui vise à abolir les frontières entre la S-F et le mainstream.
• S-F (25 titres/an env. — Née en 1977 — Dir : J. Goimard — Presses Pocket).
« C'est une collection de poche dont les lecteurs sont pour la plupart des 15-25 ans. C'est dire qu'ils changent à un rythme d'au munis 80 % tous les 5 ans (et probablement plus). Dans ces conditions, il est normal que la collection offre les classiques du genre. Mais j'essaye de faire évoluer la liste canonique des classiques » (J. Goimard). Essentiellement des rééditions donc, mais aussi quelques inédits des auteurs vedettes de la collection. Au catalogue Vance, Van Vogt, L'Histoire du futur, Dune, Le Cycle des Epées de Leiber, Jeury, Pelot, Le Guin, etc. Avec prudence, Goimard a bâti une collection de grande qualité, solide comme le roc.
• Sans oublier au Livre de Poche, la Grande Anthologie de la Science-Fiction qui, en 36 volumes thématiques composés par Gérard Klein, Jacques Goimard et Demètre Ioakimidis de 1974 à 1985, propose un vertigineux panorama de nouvelles sur les robots, les extraterrestres, les voyages dans le temps, etc., le tout préfacé et commenté, évidemment. Incontournable : c'est par là que toute titillation à la S-F doit commencer.
• Et puis il y a les collections défuntes, que l'on trouve encore chez les bouquinistes : le mythique Rayon Fantastique (1951/1964), les fameuses anthologies Casterman, Autres temps, autres mondes dirigées par Dorémieux (1963/1983), l'intellectuelle Dimensions (chez Calmann-Levy, dirigée par Robert Louit (1973/1984 avec, entre autres, Ballard, Watson, Priest, un trio britannique de choc !), etc.
• Il existe aussi des collections — mais le mot est-il encore juste ? consacrées à un seul personnage (par ex. Blade de Jeffrey Lord chez Plon) ou à un seul auteur (les Jimmy Guieu chez Plon). En général, elles sont sans intérêt. Une exception cependant, la série de L'Aventurier des étoiles de E.C. Tubb (Plon) qui est de l'excellent space-opera, naguère paru en Galaxie-bis ou au Masque S-F.
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