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« En pratiquant de l'inceste entre imaginaire et logique » : c'est en ces termes que dans sa fameuse anthologie consacrée à la jeune science-fiction française Futurs au présent (Présence du Futur, 1978), Philippe Curval présentait Serge Brussolo (dont la nouvelle Funnyway obtenait, l'année suivante, le Grand Prix de la SF française). Grâce à une écriture gorgée d'images perverses et pratiquée comme un rituel d'envoûtement, Brussolo sculpte de livre en livre des cauchemars logiques à la beauté convulsive. Dans Les lutteurs immobiles (Fleuve Noir Anticipation, 1983), la Société Protectrice des Objets (SPO) punit les vandales et les gaspilleurs en les « couplant » avec des objets : ainsi, si vous êtes le frère siamois d'une tasse de thé, la moindre fêlure de la porcelaine se transformera sur vous en une fracture. Connaissez-vous les Tatouages Mobiles ? Celui-ci par exemple : « Un poisson habite la surface de votre joue, explore le coin de vos lèvres, escalade votre menton pour plonger ensuite le long du cou en droite ligne vers votre décolleté, dans la vallée séparant vos seins ». Mais, attention, lorsque le Tatouage s'immobilise c'est qu'il s'apprête à vous tuer ! (Les semeurs d'abîmes, Fleuve Noir Anticipation, 1983). Etrange principe que celui de la « permutation moléculaire » qui permet d'inverser la matière des objets : visitez donc le musée de Trajets et itinéraires de l'oubli (nouvelle incluse dans le recueil Aussi lourd que le vent, Présence du Futur, 1981) où des tanks de porcelaine voisinent avec des matraques en coton et des pantoufles en ciment, mais évitez le bagne-nurserie de Portrait du diable en chapeau melon (Présence du Futur, 1982) avec ses nounous mécaniques de six mètres de haut et ses bacs à sable qui dévorent les enfants désobéissants.
Hantise de l'engloutissement, élaboration d'une biologie fantasmatique, flirt bachelardien avec les quatre éléments, influence du polar dans la structure en forme de quête du récit, angoisse gnostique devant le fait absurde d'exister dans ce monde et dans ce corps, telles sont les clés de l'oeuvre brussolienne, une oeuvre qui, depuis Funnyway, a raflé tous les prix existant en science-fiction mais provoque aussi quelques grincements de dents (jalousie ?). On reproche à l'auteur d'écrire des patchworks de nouvelles plutôt que des romans et, depuis son départ de l'intellectuelle collection Présence du Futur pour le populaire Fleuve Noir, de brader son talent. Avec superbe, Brussolo répond à ses détracteurs dans le n° 16 du fanzine Sfère : « Aujourd'hui seule m'importe une force brute qui coule et ravage en se moquant des constructions savantes et des minauderies stylistiques. je tire à la chevrotine sur des fantômes qui se font de plus en plus précis, je fais plus de détails ! Seul m'importe qu'on me fournisse des armes pour soutenir le siège ».
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Lecture :
— Vue en coupe d'une ville malade (Présence du futur, 1980)
— Sommeil de sang (Présence du futur, 1982)
— Carnaval de fer (Présence du futur, 1983)
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