Auteur d'une bonne cinquantaine de volumes, respecté comme scientifique et toujours populaire comme romancier, c'est le grand classique de la SF : son oeuvre a la tranquille grandeur des mers du sud par beau temps. Mais si on regarde sous la surface bleue – comme aime à le faire cet amateur de plongée sous-marine installé pour cela à Ceylan – , quelle diversité ! Quoi de commun entre un exposé des techniques à venir comme Profil du futur (Retz, Profiles of the Future, 1962) et des extrapolations canularesques comme les Tales from the White Hart (1957, inédits en France mais représentés notamment dans Le Livre d'Or d' Arthur Clarke, Presses Pocket 1981, composé par G. Barlow) ; entre des anticipations à court terme solidement documentées mais à l'intrigue peu hardie et aux personnages plutôt conventionnels comme Prélude à l'Espace (Fleuve Noir Anticipation, Prélude to Space, 1951) et une gigantesque envolée, de la Terre au fond de l'espace et des origines de l'humanité à son devenir ultime, comme 2001, l'odyssée de l'espace (J'ai Lu, 2001 : A Space Odyssey, 1968) ? Il ne suffit pas de dire que tout ce qui s'y libère de la pesanteur rationnelle y est de Kubrick car, même si le livre est moins obscur que le film, minutieuse vraisemblance et perspectives vertigineuses coexistent chez Clarke presque depuis le début : dès 1954, il publiait Les Enfants d'Icare (J'ai Lu, Childhood's End) où il imagine comment l'humanité pourra s'épanouir après son enfance (où nous sommes !), mais aussi, Lumière cendrée (Superlights, Earthlight) où la vie future sur la Lune est peinte avec réalisme ; dès 1956, La Cité et les Astres (Présence du Futur, The City and the Stars) où les hommes ont conquis l'immortalité, et l'année suivante Les Prairies bleues (Superlights, The Deep Range) où ils se contentent des fonds marins ; et parfois les deux tendances coexistent dans la même oeuvre, comme Rendez-vous avec Rama (J'ai Lu, Rendez-vous with Rama, 1973) où l'exploration d'un gigantesque vaisseau venu d'ailleurs ne donne lieu à aucun romantique affrontement, mais conduit à d'immenses interrogations sur la place de l'homme dans l'univers. Pour les résoudre, Clarke refuse la solution de facilité d'une religion : il est l'auteur de la plus anti-chrétienne peut-être des nouvelles de S-F, L'Etoile (The Star, 1955, in le recueil L'Etoile, J'ai Lu, 1979). Mais avec sa rigueur scientifique coexiste une aspiration à un au-delà qui reste toujours à sonder : tension créatrice dont on peut voir un symbole dans « l'ascenseur de l'espace » des Fontaines du Paradis (J'ai Lu, The Fountains of paradise, 1979) auquel un solide ancrage à terre est nécessaire pour s'élancer vers le ciel.
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Lecture :
– Le Vent qui vient du soleil (Presses Pocket, The Windfrom the Sun, 1972).
– Terre, planète impériale (J'ai Lu, Imperial Earth, 1975).
– Chants de la Terre lointaine (Albin Michel, The Songs of distant Earth, 1986).
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