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Religion

George W. BARLOW

Le Monde de la Science-fiction. M.A. éditions, 1987

          Dans la science-fiction, rencontre-t-on partout la divinité, comme le suggère Mayo Mohs avec Autres dieux, autres mondes (Présence du Futur, Other Worlds, Other Gods, 1971), ou bien Dieu y brille-t-il par son absence, comme le dit Gérard Klein dans sa préface à... Histoires divines (Livre de Poche, 1983) ? Mais, si l'on remet dans l'ordre le titre du premier recueil, il signifie : autant de planètes, autant de croyances. Et, de fait, les science-fictionnistes, tout en étant — au moins dans les « pulps » du début du siècle — fort discrets sur la religion, ne se sont jamais privés de cette source de pittoresque que sont les cultes idolâtres lointains ou futurs, des rites orgiaques avec sacrifices humains dans La Prêtresse pourpre de la lune folle de Leigh Brackett (in Le Livre de Mars, Club du Livre d'Anticipation, Purple Priestess of the Mad Moon, 1964) à la sanctification de la radioactivité dans L'Empire de l'atome et Le Sorcier de Linn de van Vogt. Source de conflits aussi : entre Harmonistes et Vorsters qui adorent le rayonnement dans la série des « Vorsters » (1965-66) de Robert Silverberg (in Galaxie juill., sept. 66 et janvier, juillet 67), entre Dualistes, disciples de Zoroastre, et Théogalaxie, syncrétisme symbolisé par la Rose à Cinq Pétales, dans L'Echiquier du Temps de Françoise d'Eaubonne (Rayon Fantastique, 1962). G.R.R. Martin imagine même dans Pour la Croix et le Dragon (Univers 1981, The Way of Cross and Dragon, 1979) qu'une société secrète millénaire, les Menteurs, donne à chaque culture la religion dont elle a besoin pour ne pas être confrontée à l'insupportable vérité. L'exploitation des masses crédules avait été montrée dès 1913 par E.R. Burroughs dans Les Dieux de Mars (Lattès, The Gods of Mars). Et quant à la Terre, pour un ordre monastique gardien des connaissances à travers les nouveaux Ages Obscurs dans Un Cantique pour Leibowitz de Walter Miller, combien de théocraties dogmatiques et oppressantes ! Pour en venir à bout, Fritz Leiber admet même le recours au culte de Satan dans A l'aube des Ténèbres. En revanche, chez Heinlein dans Révolte en 2100 (Presses Pocket, Revolt in 2100, 1953) comme chez Jean-Louis Curtis dans Un saint au néon (Folio, 1956), les églises usurpatrices sont abattues par des forces authentiquement religieuses.
          Certes, il y a en SF de personnages sincèrement croyants, depuis l'humble Père Carmody de Farmer dans La Nuit de la Lumière (J'ai Lu, Night of Light, 1966) et dans Prométhée (in Le Livre d'or de P.J. Farmer, Prometheus, 1961) jusqu'au robot parvenu à la sainteté par la raison pure dans A la recherche de St. Aquin d'Anthony Boucher (in Histoires de Robots, The Quest for St Aquin, 1951). La foi sincère n'empêche d'ailleurs pas de mal faire : dans Ta croix dans le désert des cieux (in Le Livre d'or de H. Harrison, The Streets of Ashkelon, 1963), c'est le missionnaire qui est crucifié ; dans Un cas de conscience de James Blish, c'est la planète païenne qui est détruite. Mais en SF c'est plutôt à d'autres dieux que l'on a affaire, soit individuellement comme dans Shambleau et Jirel de Joiry de C. Moore, soit collectivement comme dans Une chanson pour Lya de G.R.R. Martin : faux dieux, certes (s'il en est un vrai), mais authentique expérience de la tentation de se perdre en un être supérieur. Et la tentation inverse — le « Tout homme rêve d'être dieu » de Malraux — et également explorée par la SF : conquête de pouvoirs qui vont jusqu'à la création — voir Le Faiseur d'Univers de Farmer ou L'île des morts de Zelazny. Mais ce dernier montre aussi dans Seigneur de Lumière, que « les dieux sont divinisés par ceux qui les contemplent » — ce qui est vrai au sens littéral pour van Vogt dans Le Livre de Ptath où les souverains tirent leurs pouvoirs surhumains de ce que Bemard Mathon appelle « énergie précatoire » dans l'hilarante nouvelle Locogringo 3e (in Fiction nov. 73) : faute d'en recevoir assez, son Christ est presque aussi pitoyable que celui de Moorcok dans Voici l' Homme.
          La SF parle parfois des oeuvres du Bon Dieu : la Terre, Mars et Vénus sont traitées comme telles par C. S. Lewis dans sa célèbre trilogie où, parmi leurs anges tutélaires, le nôtre a failli à sa tâche, d'où tous nos ennuis. Mais l'esprit SF serait plutôt au contraire de faire de ces « eldies », comme de tous les dieux et démons, des êtres étrangers à notre planète, voire à notre univers, mais nullement transcendants : c'est notamment la démarche de Lovecraft, de Nathalie Henneberg dans Les Anges de la Colère (Masque) et, pour le serpent tentateur, d'Asimov dans Hôtesse (in Quand les ténèbres viendront, Présence du Futur, Hostess, 1951). D'ailleurs, s'il y a un Créateur, il est aussi le Destructeur : que vaut la « bonne nouvelle de Noël  », dit Clarke, si pour nous l'annoncer les habitants d'un autre système ont été calcinés par L'Etoile (dans Histoires divines, entre autres, The Star, 1955). Dieu, oui, mais pas bon, renchérit Lester del Rey dans Car je suis un peuple jaloux (même recueil, For I am a Jealous People, 1954) — où il abandonne l'humanité pour un autre peuple élu — et Stapledon dans Créateur d'étoiles — où il y a un face-à-face direct avec Lui (est-ce encore de la SF ?). Dieu, oui, mais pas tout puissant, ajoute James Blish dans Le Lendemain du Jugement Dernier, apocalypse nouvelle où c'est Satan qui triomphe. Ni bon ni puissant, Dieu n'est plus Dieu : c'est donc seulement si Dieu n'existe pas que la SF peut le contrer. Et, s'il existe, elle ne peut le rencontrer : la théologie ne peut aboutir qu'au mystère, et la SF a pour postulat implicite mais fondamental qu'il n'y a pas de mystère. Son domaine, c'est tout ce qui est possible : or un Dieu à la fois infiniment bon et infiniment juste est une impossibilité logique, et un Dieu à la fois bon et tout puissant est impossible à concilier avec notre expérience des réalités. En son rejet de la religion, la SF est caractéristique du siècle ; mais, comme la soif d'un au-delà de l'homme fait partie de la réalité humaine, elle tend à substituer à la révélation une explication gnostique du monde — une « vérité avant-dernière » à la vérité ultime imposée par le ou le(s) vicaire(s) de Dieu : voir notamment L'Homme à rebours de Curval, Les Yeux géants de Jeury et la « Trilogie divine » de Ph. K. Dick. Mais, bien sûr, il y a aussi les illuminés comme Joseph Smith qui s'est cru prophète avec son Livre de Mormon (1828) qui n'est que de la mauvaise science-fiction, et les cyniques comme L. Ron Hubard qui, passé de la SF à la Scientologie, s'est fait passer pour un pape, dont le pouvoir est expliqué par Norman Spinrad dans Les Miroirs de l'esprit... Qui n'est pas de la science-fiction, hélas  !

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          Lecture :
          — En terre étrangère de R. Heiniein.
          — Le Messie de Dune de F. Herbert.
          — Et l'homme créa un dieu de F. Herbert (Titres SF, The God Makers, 1972).
          — Le Crépuscule de Briareus de Richard Cowper (Présence du Futur, The Twilight of Briareus, 1974).
          — Un Martien nommé Jésus de P.J. Farmer (Titres SF, Jesus on Mars, 1979).
          — L'Incident Jésus de F. Herbert et B. Ransom
          — Le Chien de Guerre, de M. Moorcock (Seghers, The War Hound and the World's Pain, 1981).
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