Elle est peut-être « le grand auteur féminin de S-F en France » (Jacques Goimard) ; elle est en tout cas la plus féminine. Qu'elle parle de mutants, de voyages dans le cosmos (A contretemps, Rayon Fanastique, 1963) ou de vampires (La Mante au fil des jours, Marabout, 1977), c'est toujours du coeur humain qu'elle parle. Dans ce dernier roman, pas de canines dégoulinantes de sang, mais les affres d'un jeune homme qui se demande jusqu'à la dernière ligne si la jolie blonde qui lui inspire à la fois attirance et répulsion est un monstre ou si c'est lui qui est fou ; et dans le précédent, pas de planètes pittoresques ni d'astronef futuriste, mais les émois d'une jeune femme à laquelle le paradoxe de Langevin vaut d'avoir pour rivales sa grand-mère et sa fille ! A cet intimisme, Christine Renard a dû de pouvoir fournir à Planète socialiste (anthologie composée par Michel Jeury, Kesselring, 1977) une nouvelle, Château de cubes, dont Pierre Christin nota qu'à part la sienne c'était la seule optimiste : dans une société sans plus de troubles, il restera toujours le trouble amoureux.
Il ne s'agit pourtant pas de littératures « à l'eau de roses » : docteur en psychologie, Christine Renard avait consacré sa thèse aux Phantasmes dans la littérature dite de science-fiction (Paris, 1967), et c'est en toute connaissance de cause que, pour donner libre cours aux siens, elle utilisait ce médium favorable. Notons au moins le thème du double-frère /soeur plus heureux — par exemple Vanne (vana = vide) qui a trop donné à Rivelle (= rivale) dans Au creux des arches (in Utopies 75, Ailleurs et Demain) — lié à celui de l'échec, souvent à un examen simulant la vie, et souvent par excès de charité, notamment dans Entre parenthèses (in Le Temps des cerises, Kesselring, 1980) et L'Exilé (in A la croisée des parallèles, Présence du Futur, 1981).
Cet altruisme allait prendre une coloration parfois plus sociale après le mariage de Christine Renard en 1965 avec Claude Cheinisse, médecin et esprit plus politisé : histoires de médecins, bien sûr, comme La Longue Marche (dans le recueil précédent, où alternent nouvelles d'elle et de lui) mais aussi de sociétés oppressives, telle celle que trouve Solveig sur Centaure IV au lieu de la paisible et joyeuse anarchie qu'elle escomptait, dans Le Temps des cerises. Contre cette violence institutionnalisée, Christine Renard ne trouve pas, même dans sa contribution à Utopies 75, (qui réunit des textes de J.-P. Andrevon, P. Curval, M. Jeury et C. Renard) de solution collective mais individuelle : refuge des maisons-matrices. Ce peut être aussi le repli dans Les Mondes intérieurs — titre d'une nouvelle parue dans Nouvelles Frontières III (Fiction spécial, 1976), très influencée par Michel Jeury, ami du couple — ou l'essor vers des mondes supérieurs, aspiration qui s'exprime dans La Nuit des Lumineux (Nathan, 1980), dernier texte corrigé par Christine Renard avant de quitter ce monde trop dur : son héroïne y entrevoit « un monde à la limite du rêve, tout en demi-teintes » — bonne définition de son oeuvre. Ou, si l'on préfère une comparaison musicale : aux antipodes du coruscant orchestre wagnérien de sa consoeur Nathalie Henneberg, c'est un chant simple et pur et doux-amer de violon ou de flûte.
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