A regarder une bibliographie de Van Vogt, on a l'impression qu'il a beaucoup écrit — ce qui est vrai — et ceci, à l'exception de Slan paru en 1946 (A la poursuite des Slans, J'ai Lu), après 1950 — ce qui est faux. En fait, c'est la décennie précédente qui a été la plus féconde ; ensuite, pendant une bonne douzaine d'années, il a cessé de créer du nouveau, se contentant de faire des « fix-ups » (= rafistolages !) de nouvelles parues dans Astounding et Unknown entre 1939 et 1950 pour les assembler en romans (d'où la double datation adoptée ci-dessous). C'est au milieu des années 60 seulement qu'il s'est remis à écrire des oeuvres nouvelles, parfois plus claires mais dans l'ensemble moins riches.
Les vieux lecteurs de Fiction se souviennent de la véhémente critique faite par Damon Knight à Van Vogt, le « gâcheur cosmique » (traduit dans Fiction de mai 1962) et de la réponse de Jacques Goimard, « l'Oeuvre exemplaire d'A.E. Van Vogt » (dans les 3 numéros suivants). Mais Van Vogt s'était justifié lui-même dans « Complication in the SF story » (1947) quant à la méthode — idées multiples jetées dans le même creuset — et, quant à la théorie, dans le corps même du Monde des A (J'ai Lu, World of A, 1945, 1948, rév. 1970) et des Joueurs du A (J'ai Lu, The Players of A, 1948, 1956) — défense et illustration d'une logique non-aristotélicienne puisée dans la sémantique générale de Korzybski (Science and Sanity, 1933).
Celle-ci n'est qu'une des doctrines dont Van Vogt nourrit ses premières oeuvres : darwinisme et « nexialisme » (coordination de divers champs de connaissances) dans La Faune de l'espace (J'ai Lu, The Voyage of the Space Beagle, 1939-43, 1950), théorie psychologique de la vision de Bates dans A l'assaut de l'invisible (Presses Pocket, Siege of the Unseen, 1948, 1959), dianétique de Ron Hubbard. A cette dernière, première mouture de la « Scientologie », Van Vogt prétend devoir la guérison et la survie jusqu'en 1975 de sa femme, Edna Mayne Hull ; mais, dirigeant avec elle le centre de dianétique de Los Angeles de 1953 à 1961, il a connu la période de stérilité littéraire mentionnée plus haut.
Van Vogt avait en effet soif de croyance : ayant perdu la foi chrétienne tout jeune en voyant la force triompher du bon droit, il n'en gardait pas moins un esprit profondément religieux. Dans ses titres, le leitmotiv est « éternité » ; et, s'il explique la religion par la peur dans Le Livre de Ptah (J'ai Lu, The Book of Ptah, 1943, 1947) ou par le narcissisme dans The Cataaaaa (1947, Supra Cattus in Après l'éternité, Marabout), s'il démasque la déification des forces mentales dans Le Livre de Ptah ou naturelles dans L'Empire de l'atome (J'ai Lu, Empire of the Atom, 1946-47, 1956) et Le Sorcier de Linn (J'ai Lu, The Wizard of Linn, 1950, 1962), ses récits abondent néanmoins en figures divines. C'est d'ailleurs un autre défaut souligné par Damon Knight que ce culte du surhomme. Mais, si Van Vogt pense en effet avec Toynbee qu'à crise exceptionnelle ne peut répondre qu'un sauveur exceptionnel, il a toujours cherché — et cru peut-être à tort trouver — des méthodes permettant de dégager du fatras psychique qui l'étouffe le surhomme en chacun de nous ; à la limite, l'imitation du héros du Monde des A Gosseyn (« go sane » = « va sain ») n'est ni plus ni moins impossible que l'imitation du Christ.
*
Lecture :
— Les armureries d'Isher (J'ai Lu, The weapon shops of Isher, 1941-42, 1951).
— Les fabricants d'armes (J'ai Lu, The weapon makers, 1943, 1952).
— Destination univers (J'ai Lu, Destination Universe, 1952).
— Le Livre d'Or d' A.E. Van Vogt, composé par Patrice Duvic (Presses Pocket, 1980).
|