L'auteur le reconnaît volontiers, il n'est qu'un dilettante pour qui la SF n'est qu'un violon d'Ingres. Après une douzaine de nouvelles, pourtant remarquées, parues au tout début des années 40, il devient scénariste de bandes dessinées (Superman, Captain Marvel) et de radio. Mais en 1953, sous la pression amicale du rédacteur en chef de Galaxy Horace Gold, éclate la bombe L'homme démoli (Présence du Futur, The demolished man) : comment, dans cette société du XXIVème siècle où les détectives sont télépathes, un homme peut commettre un meurtre. Avec une virtuosité stupéfiante, Bester conjugue le policier, l'analyse psychanalytique et la thématique SF traditionnelle tout en innovant sur le plan de la forme (par exemple en utilisant une disposition calligrammatique des mots). Subjugués, les fans lui décerneront le premier prix Hugo. Terminus les étoiles (Présence du Futur, The stars my destination, 1956), histoire d'une vengeance digne du Comte de Monte-Cristo à travers l'espace et le temps à coups de téléportation, est un autre exemple de SF brillante et sophistiquée.
Et puis, pendant 19 ans, plus rien en ce qui concerne la science-fiction, hormis quelque rares nouvelles et une rubrique critique dans The magazine of fantasy and science-fiction. Bester est pris dans l'engrenage doré du succès : scénariste TV connu, producteur, rédacteur en chef du magazine Holiday. Le retour à la SF avec Les clowns de l'eden — ou les clones de l'ADN ! — J'ai Lu, The computer connection, 1975) pour intéressant qu'il soit ne convaincra pas entièrement. Maîtresse jalouse, la science-fiction s'est vengée de celui qui aurait pu lui faire découvrir de nouveaux rivages mais a préféré succomber aux sirènes lascives du show-biz.
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Lecture :
— Le Livre d'Or d'Alfred Bester, présenté par Jacques Chambon (Presses Pocket, 1986)
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