C'est grâce au cinéma américain que Pierre Boulle doit sa notoriété : Le pont de la rivière Kwaï et La planète des singes, c'est lui. Mais quand on voit l'usage qu'a fait Hollywood de ce dernier titre (si le film de Franklin Schaffner, tourné en 1967, était honorable, que dire de ses séquelles et surtout de la série TV !), on comprend que l'auteur récuse l'appellation contrôlée de SF et parle, à propos de son oeuvre, de contes philosophiques. C'est aussi l'avis de Jacques Goimard et Claude Aziza qui, dans leur Encyclopédie de poche, écrivent à propos de La planète des singes (Presses Pocket, 1963) : « Il s'agit, comme dans les Lettres persanes de Montesquieu, par exemple, de montrer notre société à travers un regard neuf, radicalement étranger. Là un Persan, ici des singes ».
Avec un sens de l'humour et de la provocation très voltairiens, Boulle adore renverser les situations, afin de démontrer la relativité du Bien et du Mal. Ainsi la fabuleuse centrale solaire Hélios, mise en route par le premier président écologiste français, provoque les pires catastrophes (Miroitements, Flammarion, 1982), tandis que cette créature infernale qu'est le pétrolier hyper-géant à propulsion nucléaire Leviathan se retrouve détenteur de vertus surprenantes (Le bon Leviathan, PP, 1978) ! Mais le propos est nettement plus grave dans L'énergie du désespoir (Julliard, 1981). Tout comme Einstein avait démontré l'équivalence énergie-matière, le professeur Trouvère entend transformer l'énergie psychique d'adolescents perturbés en proie aux affres de la puberté (l'effet poltergeist) en bons kilowatts. Mais Trouvère n'est pas un savant fou : il n'est que la métaphore de notre société profondément immorale et prête à tout — même à torturer ses pauvres enfant — pour satisfaire ses besoins énergétiques.
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Lecture :
— Contes de l'absurde (1953) et E=mc2 (1957) en Presses Pocket.
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