Né en 1952 à Bologne, Valerio Evangelisti y étudie les sciences politiques et commence sa carrière en publiant plusieurs ouvrages sur les mouvements révolutionnaires de gauche et d'extrême-gauche à travers le monde. Jusqu'en 1996, il dirigera la revue Progetto Memoria, consacrée aux analyses de conflits sociaux.
Mais à titre personnel, il est depuis longtemps grand amateur de littérature policière et d'aventure, grand consommateur de films d'horreur, grand lecteur de Lovecraft à qui il consacre plusieurs articles — disponibles sur nooSFere en traduction française. C'est donc tout naturellement que son imagination créatrice l'entraîne vers d'autres territoires plus ouverts à la spéculation, et il caresse le secret espoir de se reconvertir dans la littérature dite populaire.
A la fin des années quatre-vingt, au détour de lectures historiques, il fait la rencontre d'un bien singulier personnage : l'aragonais Nicolas Eymerich, un authentique inquisiteur dominicain du XIVe siècle, fameux en son temps pour son zèle à extirper l'hérésie où qu'elle fleurisse, et auteur d'un manuel de l'inquisiteur fort prisé de ses pairs. Fasciné par la figure de ce « méchant » si ambigu, Valerio Evangelisti s'en empare pour la placer au centre d'un premier roman d'épouvante (à la manière du Moine de Lewis), resté à ce jour inédit, car trop inabouti d'après l'auteur lui-même.
Mais très vite, le projet évolue pour prendre la forme « fusionnelle » qui le caractérise actuellement : au fantastique et à l'aventure historique érudite viennent s'associer des éléments science-fictifs et d'autres empruntés à l'histoire contemporaine, voire à l'actualité la plus brûlante. C'est le début d'une saga qui compte à ce jour six volumes.
Dans ces romans inclassables, les récits parallèles alternent, se juxtaposent, se croisent, se font écho ; le passé, le présent et l'avenir interagissent mystérieusement ; les énigmes du passé trouvent leur explication dans les recherches du présent et dans les anticipations les plus audacieuses ; les découvertes scientifiques modernes se révèlent avoir des ancêtres méconnus dans l'empirisme, l'alchimie et la magie. En même temps, s'affirme une vision originale des rouages de l'histoire : le monde se lit comme un puzzle où le hasard et la nécessité sont rois, où le rationnel et le magique se répondent en un dialogue incessant. Evangelisti nous inquiète en déplaçant, voire en falsifiant à plaisir les repères. Il fait un pied-de-nez narquois au sens commun, tout en nous entraînant vers l'extra-ordinaire avec une implacable rigueur.
Dans ces conditions, on comprend aisément que le succès ne lui soit pas venu tout de suite. Ce n'est qu'en 1994 que le premier tome de la série, Nicolas Eymerich, inquisiteur, se verra publié et récompensé en Italie par le prix Urania. Le succès commercial immédiat de ce roman d'un genre neuf incitera l'éditeur à poursuivre la diffusion de la série. L'engouement du public sera tel que la notoriété de l'auteur débordera le cadre italien pour atteindre d'abord la France, où il a reçu en 1998 le Grand Prix de l'Imaginaire et le prix Tour Eiffel, puis l'Allemagne et l'Espagne. Ajoutons qu'un film tiré de la série est en cours de préparation, et qu'un drame musical — Tanit, composé par le musicien Fabrizio Festa sur livret d'Evangelisti et de Marcello Fois, tiré du roman Le Mystère de l'inquisiteur Eymerich — vient d'être représenté en Italie et va faire le tour de l'Europe.
Valerio Evangelisti poursuit actuellement son projet avec Le Roman de Nostradamus, une trilogie à dominante historique, mais non dénuée de perspectives science-fictives. En parallèle, il a déjà publié de nombreuses nouvelles, dont certaines sont traduites en français (Metallica, Sepultura, Kappa, Paradice).
S'il est d'abord le chef de file de la nouvelle science-fiction italienne, Valerio Evangelisti est aussi par sa personnalité et son charisme l'un des leaders incontestés de la SF européenne. Face à l'essoufflement littéraire américain, il prône un renouveau de l'Europe fondé sur sa culture propre, mais aussi sur une prise de conscience des enjeux du monde actuel. Pour lui, la SF ne se survivra que si elle se révèle capable d'évolution. Dans un article publié dans le Monde diplomatique du mois d'août 2000, La SF en prise avec le monde réel, il écrivait : « On a l'impression que le fantastique, et tout particulièrement la science-fiction, est le seul moyen du point de vue littéraire de décrire de façon adéquate le monde actuel. Parce que c'est un monde où l'imaginaire a pris une importance exceptionnelle ».
Il faudra aussi qu'elle se renouvelle littérairement en abolissant les cloisonnements traditionnels pour instaurer la fusion des genres, appelant à elle le roman noir, pour sa tendance psychosociologique, le fantastique et ses riches trames dramatiques, l'Histoire, forte de l'ampleur de ses fresques.
Tel est le combat dont l'œuvre déjà conséquente de Valerio Evangelisti constitue à la fois la défense et l'illustration.
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