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Mythe et fantastique : La Cité sans nom

Un mythe de fondation revu dans une dimension fantastique

Roger BOZZETTO

Cahiers du CERLI N°14, p.87-98, janvier 1987

Note : repris in L'obscur objet d'un savoir fantastique et science-fiction,1992, p.131-138


*

          Les textes de Lovecraft, qu'il a toujours désignés comme « fantastiques », présentent, à mesure que l'œuvre s'élabore, la particularité de se faire écho, pour constituer un univers singulier. De plus ces textes mettent en œuvre des éléments qui apparaissent comme des débris de mythologies diverses, hétéroclites ou inventées, et qui donnent à son œuvre fantastique une coloration différente des fantastiques classiques, en la rapprochant des élaborations mythiques. En outre, on ne l'ignore pas, les récits de Lovecraft, avec leurs entités et leurs rituels ont donné lieu à une sorte de mythologie littéraire seconde. Des auteurs comme Clark Ashton Smith, Robert Bloch, August Derleth, Frank Belnap Long et plus récemment Brian Lumley, ont utilisé pour leurs propres fictions fantastiques cet univers et ces entités. On pourrait donc parler à propos des textes de Lovecraft d'une sorte de « fantastique mythique », bien que l'alliance de ces deux vocables soit curieuse. Comment cette dimension originale s'est-elle construite ?
          Il est possible de se reporter à la genèse de ce noyau mythique avec ce texte, La Cité sans nom 1 qui inaugure une alliance originale entre le domaine mythique et le regard fantastique. Nous pourrons ainsi saisir les rapports que le mythe en se constituant entretient chez lui avec la dimension fantastique, et rendre compte par ce biais de la composante cosmique du fantastique lovecraftien.

          1. La Cité sans nom, ou l'origine du mythe.

          Le texte de La Cité sans nom est en effet séminal, au moins d'un point de vue chronologique. Ce n'est certes ni la première œuvre, ni le premier récit publié de Lovecraft. En 1921, il a déjà fait paraître quelques textes édités dans diverses revues 2 ; des articles de vulgarisation astronomique depuis 1915 ; The Alchimist, qui date de 1908, est publié dans The United Amateur en 1916, il a déjà écrit The Tomb — influencé par Poe — et Dagon (1917), où l'on pourrait trouver des échos d'Arthur Machen. En 1919 il lit Lord Dunsany, et commence The Statement of Randolph Carter à partir d'une imagerie onirique personnelle. C'est aussi à cette époque que l'écrivain entre en correspondance avec Frank Belknap Long. 1921 est une date importante : sa mère meurt, il rencontre celle qui deviendra sa femme, et il écrit La Cité sans nom où l'on peut voir la racine, originale, de son œuvre future. En effet dans ce texte fantastique apparaissent les premiers linéaments de ce qu'on nommera plus tard son univers mythique 3.
          C'est ici, en effet, que pour la première fois, nous trouvons mention d'êtres immortels mais innommables, perçus à travers quelques vers énigmatiques, attribués au poète fou Abdul Alhazred. Ils renvoient à des races et des civilisations pré-humaines aussi oubliées que leurs dieux, leurs rites, et leurs architectures, mais qui n'en demeurent pas moins là. Ils survivent, présents et dangereux, au-delà de la mort mais « pas morts pour toujours ». Ils instituent, par le sacrifice des premiers humains qu'ils auraient rencontrés — ceux de la non moins mythique cité d'Irem — la trace des légendes horribles qui inscrivent la Cité sans nom dans le souvenir diffus et apeuré des hommes, qui s'en tiennent éloignés.

          En somme, la présence de ces êtres pré-humains contribue à poser la Cité oubliée et sans nom, comme le lieu de la genèse d'un mythe. Et ceci selon un axe double : ce mythe de l'insertion de l'Homme dans l'Histoire est le mythe fondateur de l'univers lovecraftien.

          2. Un point nodal.

          Le point de vue thématique renvoie au fonctionnement de l'onirique dans le texte. Il instaure une équivalence entre les rêves du personnage et l'envoi de songes par un monument la Cité — grâce aux strophes du poète fou vers le voyageur archéologue. Cette rencontre donne consistance à l'événement / lieu du mythe. Il ne s'agit pas d'un simple travail de rêve, celui d'un inconscient personnel sur la scène onirique. Ici, ce sont bien des entités, des « choses », des « aliens » qui possèdent d'étranges pouvoirs de manipulation psychique. La Cité nécropole survit, ainsi qu'il est dit dans d'« étranges éons ». Cette vie installe entre le monde du rêve personnel et le monde de la vie courante, entre l'univers et les mondes intérieurs, des « vases communicants ». Ce sont deux scènes, deux endroits différents mais tout aussi matériels : on peut donc, dans les deux cas, y avoir accès. Le langage qu'on y entend est aussi étranger que les formes qu'on y voit : le poète fou, l'archéologue, et — ajoutons le, l'écrivain — y sont confrontés à des concrétions oniriques, matériau « venu d'ailleurs », devant quoi le poète rêve, que l'archéologue fouille, et à quoi l'écrivain tente de donner une forme, comme il le fera plus tard avec Nyarlathotep, venu du songe lui aussi 4.
          La Cité sans nom est donc à la fois une réalité et une légende ; elle est l'inscription dans l'ici et maintenant, d'une altérité d'en-deçà de l'Histoire. Elle est aussi un moyen de communication avec cet en-deçà puisqu'elle est capable de produire et d'envoyer des rêves. Rêves par quoi le présent peut remonter jusqu'à elle, à l'innommable figure de cet en-deçà : elle est cauchemar de pierre, et mémoire picturale de l'origine des premiers humains. Elle est le lieu où prend corps un mythe fondateur de l'humanité.
          En somme le thème de l'horreur liée au passé mythique est donné comme engendrant le texte, lui-même récit d'une recherche de cette « scène primitive » selon un schéma connu. Le souvenir du manque (on a fui cette cité dans l'épouvante) engendre le souvenir, et donc le texte témoin avec son statut mixte, à la fois mythique et fantastique.
          Ce récit permet, en outre, de cerner l'originalité de Lovecraft dans l'invention fantastique. La plupart des textes fantastiques, en effet, sont construits sur un trouble du regard porté sur un objet du monde empirique, et sur lequel on peut penser que le héros projette son trouble. Un exemple typique en est La Chevelure , de Maupassant, qui pose la vision fantastique comme attachée au sujet, « subjective » si l'on veut.

          Chez Lovecraft, rien de tel. L'objet existe, mais il est « étranger », avec ses multiples propriétés qui agissent en effet « objectivement », sur le héros, provoquant une panique, stimulant une « horreur » que Lovecraft qualifie de cosmique. En somme, un fantastique « objectal ». Cette position de Lovecraft, pour originale qu'elle soit, n'est pas sans précédent. On peut la situer dans le prolongement d'une quête du fantastique en relation avec l'exotisme, aux récits d'exploration et d'aventures liés aux conquêtes géographiques, archéologiques, anthropologiques et paléontologiques qui ont eu lieu au XIXème siècle. Sur le plan littéraire, cela a favorisé l'avènement des thèmes du secrets de Pyramides, des vengeances de momies, de la quête de l'immortalité ou de races « alien » présentes et dangereuses : pensons à Bram Stoker, à Ridder Haggard, ou même à Rosny ainé 5. C'est une thématique qui renvoie à la recherche fascinée que le XIXème siècle engage sur l'ensemble des plans du savoir. Il s'agit de rêver, sur un mode fantasmatique, sur les racines de l'humain, sa spécificité et sa légitimité. Le merveilleux scientifique de Wells et de Rosny, à sa manière, explore des voies parallèles, en rapport aussi avec cette dimension mythique.

          3. Mythe et fantastique : deux dimensions conflictuelles ?

          On peut alors se poser la question de rapports entre le discours mythique et le fantastique, en général, puis saisir comment le problème de leur éventuelle hétérogénéité trouve chez Lovecraft une solution esthétiquement convaincante.

          Mythe et fantastique sont en effet hétérogènes.
          Le mythe, expression commune à toutes les cultures humaines, est antérieur au fantastique. Il constitue la trace et la trame de l'Histoire dans les sociétés sans écriture dont il est le monument, et la mémoire traditionnelle. On notera simplement que le mythe est antérieur à toute écriture, alors que le fantastique non seulement y renvoie, mais encore prend naissance dans le cadre d'une littérature constituée et localisée : celle de la fin du XVIIIème siècle en Occident.
          De plus le mythe se pose comme fondateur de sens, il répond à sa manière au « Qui sommes nous, d'où venons nous, où allons nous » qui fera le titre d'un tableau de Gauguin.
          Par contre le fantastique ne fonde rien : il se présente plutôt comme subversif par rapport à ce qui est prétendument fondé. Il montre que toute fondation présentée comme se faisant en Raison n'est qu'une « auto-fondation ». Il attire l'attention sur les fissures et les lacunes, les non-dit du socle prétendument rationnel, il entraîne la raison vers des abîmes, sur le lieu même où elle pensait le mieux être assurée.
          On peut même soutenir que là où le mythe colmate la coupure ou la marque du saut lors du passage entre Nature et Culture, par une mise en image ou en récit qui joue sur les couples de l'animé et de l'inanimé, des rapports d'identité, le fantastique met à nu ce même passage, traque la marque et débride la suture. Il montre qu'il ne s'agissait que d'un « rafistolage », qu'il n'y a aucune « solution de continuité », qu'il s'est produit un saut au-dessus d'un abîme. Celui-ci continue d'exister et d'agir éventuellement, mais de toute manière il demeure, avec ce qu'il implique d'innommable et d'impensable. En somme, le fantastique pointe l'occultation qui a eu lieu lors de la constitution du mythe, en met en scène le travail sous-jacent.
          Là où le mythe rassure, le fantastique inquiète. En d'autre termes le mythe marque le passage du réel au symbolique. Le fantastique met en question non pas la validité de ce passage, mais le prix qu'il a fallu payer, la perte subie, résultat de la symbolisation, par rapport à la richesse infinie du réel, qui demeure, et qu'on a « oubliée ».

          4. Le travail du texte.

          Le texte crée une mise en perspective fantastique, en mettant en scène un mythe. Comment ? En déplaçant les signifiants qui le constituent. Au lieu de montrer le passage mythique habituel de la Nature à la Culture, il fait intervenir une « préhistoire » où s'institue le mythe. Il est ici question d'une race « alien » — saurienne, c'est à dire renvoyant à la fois à L'Egypte historique et aux théories scientifiques de l'évolutionnisme, mythe moderne s'il en est — antérieure à l'Homme, et immortelle ; c'est-à-dire, persévérant dans l'ici et maintenant, et donc susceptible de réapparaître dans notre réalité symbolique, comme le réel et les dieux. En d'autres termes, ici, la coupure mythique n'est pas irréversible : il n'y a plus comme dans le mythe un avant et un après, un progrès, un sens vectorisé du temps qui pose l'humanité comme « au sommet » de l'évolution. Le texte montre une coexistence d'états diffus de la vie — un peu comme dans le cerveau il se trouve une coexistence synergétique de trois strates , dont l'une, archaïque, est le cerveau reptilien. Le fantastique de Lovecraft se situe ici dans une perspective critique des mythes antérieurs. Il débouchera, paradoxalement, sur la création, au niveau de l'imaginaire, d'une « mythologie littéraire ». Elle illustrera, à sa manière, la coexistence de ces divers états ainsi que la « matérialité onirique » des concrétions de ces diverses productions, venues de temps (ou d'éons) différents, mais communicant par le biais du rêve, semblable aux légendes, et qui a la même consistance et la même vérité d'évidence 6.

          5. Le texte comme mixte ?

          Le récit est construit de façon circulaire. Il prend naissance dans un désert peuplé de souvenirs, de rêves et de légendes, avec une référence à l'Egypte « la Grande Pyramide », et se termine sur la vision de « la statue de Memnon au bord du Nil ». Entre temps le héros n'aura pas voyagé dans l'espace, il n'aura pas été en Egypte. Mais il se sera trouvé dans « un désert d'Arabie » devant une cité sans nom, maudite, antérieure à la création de Memphis et de Babylone. Par son intermédiaire, il se sera trouvé en relation avec le passé innommable qui a vu se constituer l'humanité, il aura entrevu le lieu et le moment, assisté à la naissance du mythe fondateur de l'humanité, à savoir le sacrifice 7.
          Le récit est constitué d'un certain nombre de séquences, qui présentent une avancée du héros vers la scène inconcevable : avancée au sens propre du terme, car il progresse. Ce faisant, il dégage des formes du sable qui les enfouit, trouve des passages et après une traversée des reliques mortuaires, aux formes innommables, il entend, avant de les voir, les monstres qui nous ont précédé sur cette Terre 8.

          On peut retrouver les étapes de cette progression :
  • Avant même d'arriver en vue de la Cité, le conditionnement du héros par les légendes est à mettre en parallèle avec le conditionnement du lecteur à qui on les rapporte. Le rappel de son aura sacrale, qui éloigne les plus sauvages et les plus aguerris, ne rebute pas l'archéologue. La peur qui émane du lieu insensé est à la fois inscrite dans les légendes et dans le sentiment éprouvé par le héros. Ces légendes renvoient à une époque antérieure à l'Histoire connue, le lien qu'elles entretiennent avec l'impensable est marqué par la musique des vers de l'Arabe fou, transmis au héros pendant un rêve.
  • Devant la Cité, la suggestivité des lieux est obtenue par des moyens classiques des effets ambigus liés à la Lune, le vent, la nuit, l'attente et la peur.
  • La surface de la Cité. Le héros ressent un malaise devant cette architecture insensée. Le difficile relevé des murailles nourrit des allusions à des cités effectivement redécouvertes en Egypte ou ailleurs, mais aussi à de mystérieuses cités non encore répertoriées, proches des légendes, comme « Sarnath la maudite » ou « Ib antérieure même à l'existence de l'homme ». Leurs formes en sont inhumaines, et laissent pressentir un au-delà. Les entrées sont très basses, et suggèrent des postures ou plutôt des êtres qui n'ont que peu de rapports avec la forme humaine. En même temps, on rencontre des objets qui renvoient à des rites. Le héros se trouve alors devant un temple, qui sert d'entrée vers un en-dessous.
  • Le premier niveau souterrain. On y pénètre par une sorte de fissure aboutissant à un lieu de culte. Après une descente interminable, dans une sorte de couloir/escalier, le héros est conduit à une salle funéraire, où se trouvent les momies des anciens habitants : « Des corps momifiés de créatures dépassant en grotesque les rêves les plus désordonnés de l'homme et dont la tête a une forme qui violait tous les principes biologiques connus » (p.174).
  • Nous sommes ici dans le royaume des Ombres, propre aux descentes aux enfers mythiques. Le narrateur porte sur ces objets un regard affolé. Il en résulte un trouble : ces objets sont à la fois présents et ininscriptibles dans un champ conceptuel car « rien ne peut s'y comparer ».
  • Par là, on commence à entrer dans la dimension fantastique. D'autant que le regard du narrateur parcourt les murs et leurs fresques, et que l'on reconstitue l'histoire de ces créatures, analogue à l'histoire humaine avec ses guerres et ses meurtres. Nous les suivons depuis leur advenue (occultée) jusqu'à leur décadence et leur enfouissement sous le sol de la Cité, où ils semblent disparaître.
  • La porte. Une porte immense se dresse, qui semble posée là non pour empêcher le voyageur d'entrer, mais plutôt quelque chose de sortir d'un étage inférieur. On y rencontre pour la première fois l'image d'un humain « à l'aspect primitif, mis en pièce par les habitants ». Image qui rappelle l'aura de peur qui entoure la Cité et tisse des légendes répulsives autour de son existence. On se trouve là devant une sorte sacrifice, élément d'un mythe instaurateur de l'humanité. En même temps que se voit rappelée l'impossibilité de la coexistence avec les habitants de la Cité sans nom 9.
  • Le niveau abyssal. Au-delà de la porte, et malgré le temps écoulé, un grondement persiste, un grouillement se devine, un désordre, une « folie » qui renvoie au début du texte et aux vers de l'Arabe fou. La porte enfin se clôt, le héros s'échappe.
  • Retour devant la Cité. Le récit se clôt, lui aussi. Il ne demeure que le texte construit avec les rêves et les visions du narrateur, qu'il emporte avec lui et qui le poursuivent, le hantent, depuis qu'il a été puiser à cette source. Au delà du temps, dans ce qui ne meurt jamais.
          6. Une solution esthétique ?

          On a remarqué que le côté mythique résidait en particulier dans le matériau utilisé : descente aux enfers, rencontre des morts et des ancêtres fondateurs, origine sacrificielle de l'humain, légendes qui s'y réfèrent, aspect sacré. Il est, de plus, troublant en raison de la place qu'il semble donner de l'homme dans l'Histoire, et donc dans l'Univers.
          Par contre, à la différence du mythe, le texte n'est pas assertif, il ne donne aucune vérité quant au sens de la vie ici-bas. De plus, le narrateur revient de la Cité poursuivi par une peur hideuse, il ne rapporte que des rêves et des cauchemars. Le texte ne se propose donc pas comme rencontre d'une vérité fondatrice : c'est une simple expérience, et on peut se poser la question de sa validité. Quoique le texte ne mette jamais la parole du héros en doute, les circonstances de son arrivée, les rêves, les visions, la chaleur, la fatigue jouent leur rôle d'opérateurs de confusion caractéristique des textes fantastiques. Quant à l'écriture, allusive, émotionnelle, dénégative, c'est celle même qui préside à l'élaboration de la dimension fantastique.

          Lovecraft nous propose donc dans La Cité sans nom, une thématique mythique prise dans le registre d'un regard fantastique. Le résultat, du point de vue du fantastique, est de donner une dimension cosmique à la peur devant des entités. Du point de vue mythique il s'agit d'une transgression. Le texte, par une sorte de coup de force narratif, déplace la coupure habituelle entre Nature et culture, la remplaçant par une opposition inconcevable entre l'humain et « l'alien » dans le cadre d'une concaténation de deux cultures. Le lien entre elles étant assuré par le sacrifice humain et la légende maudite — deux composantes mythiques. De plus, à la différence des mythes classiques, le texte laisse planer la peur d'un retour de l'occulté, lié à la présence d'un inconcevable cosmique. Cette présence contribue à l'élaboration du grand secret qui constitue le centre de la mythologie née de l'ensemble des textes fantastiques de Lovecraft et qui trouve son origine dans ce texte 10.

Notes :

1. Lovecraft ( HP) La cité sans nom in Je suis d'ailleurs. Denoël.1954.
2. Les références aux lettres de Lovecraft, ainsi que quelques informations factuelles, sont puisées dans De Turris (Gianfranco) et Fusco (Sebastiano) : Lovecraft ; Il Castoro N° 156 ; décembre 1979, Florence.
3. Et déjà ses techniques de citation, références à des œuvres occultes ou inventées (op cit. p.172) « cauchemars apocryphes de Damascius » et « infâmes vers délirants tirés des »images du monde« de Gauthier de Metz ». Cependant, malgré les citations poétiques d'Abdul Alhazred qui en sont tirées, le Nécronomicon n'apparaîtra sous son nom qu'en 1923, dans The Festival. Borges, par ailleurs admirateur de Lovecraft lui a inspiré un hommage direct, dans le Livre de Sable. Et peut être un hommage crypté, avec La Cité des immortels, qui par endroits renvoie à La Cité Sans Nom.
4. Dans une lettre à Frank Belknap Long, Lovecraft écrit, à propos de La Cité sans nom « La base en est un rêve, provoqué sans doute par ma rêverie contemplative sur une phrase de Dunsany »the unreverberate blakness of abyss« . Quant au personnage d'Abdul Alhazared, il est imaginaire, c'est un de mes pseudonymes de quand j'avais 5 ans et que j'étais fou des Mille et une Nuits. Les vers sont de moi, je les ai écrits exprès pour cette nouvelle ».( 26 Janvier 1921)
5. Pour Bram Stoker, on songe évidemment à Dracula. Pour Rosny ainé aux Xipehuz, ou au Trésor dans la Neige. Mais alors que les auteurs précédents ont tendance à placer l'exotique du côté du merveilleux, Lovecraft le saisit dans la dimension du fantastique cosmique.
6. Lettre de Lovecraft au directeur de Weird Tales « Tous mes récits sont basés sur la prémisse fondamentale que les lois et les émotions humaines communes n'ont aucune validité, aucun sens, par rapport au cosmos dans sa complexité ». 5 juillet 1927. « Je sais que mes plus fortes expériences émotives se rapportent à la fascination des espaces insondables...la lutte de l'ego pour transcender l'ordonnancement connu et établi du temps, de l'espace, de la matière...des lois naturelles. Mes expériences les plus vivifiantes sont constituées par l'effort de recapturer des fragments de souvenirs fugitifs, souvent sous forme de paysages et d'architectures étrangères. Un tel fragment d'image se révèle habituellement de manière subite après une chaîne d'associations subconscientes... et me remplit à la fois de stupeur et d'une sensation de mémoire archaïque ». Lettre à Clark Ashton Smith du 17 octobre 1930 .
7. Freud (Sigmund) Totem et Tabou. (1913) Petite Bibliothèque Payot .
8. On résistera à la tentation de mettre en relation cette descente vers les reliques du passé qui nous a engendrés et la mort de la mère, qui date de la même année.
9. Comment ne pas penser, devant ces « aliens », aux Xipéhuz de Rosny ainé ? Ce qui demeure en commun, c'est l'impossibilité de la coexistence. Ce qui différencie les deux textes c'est que les Xipehuz sont des envahisseurs, alors que les habitants sont ici antérieurs aux humains. Comme les Indiens d'Amérique par rapport aux Européens. Le texte de Rosny peut se nuancer de mélancolie : le combat a eu lieu dans le même temps, et à armes égales. Pour Lovecraft, l'antérieur demeure monstrueux. Dans de nombreux textes fantastiques nord américains, chez Hawthorne par exemple, la figure de l'altérité monstrueuse est souvent celle de l'Indien.
10. Pensons, dans une perspective différente, au « passage de témoin » entre les hommes et les ferromagnétaux qui se fait par le sacrifice de Targ, le dernier des Hommes, dans La Mort de la Terre de Rosny ainé. Il offre son sang afin de sceller une alliance dont il est le seul à pouvoir dire qu'elle ait un sens, mais qui, par là-même, échappe au non-sens absolu. Pour Lovecraft, il en va autrement « notre race humaine n'est qu'un incident trivial dans l'histoire de la création : l'humanité est peut être une erreur, une excroissance anormale, une maladie du système de la Nature ». (Lettre de 1916)&9;Où Rosny établit du symbolique, Lovecraft le refuse. Son héros demeure dans la peur horrible d'une révélation qu'il ne peut assumer qu'à la condition d'en être rongé. « C'est pourquoi aucun visage que le mien ne porte les stigmates d'une peur aussi hideuse ». (p.167)

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