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Entretien avec Sire Cédric

Lucie CHENU

nooSFere, novembre 2005

     Sire Cédric, bonjour. Pour commencer, une question de protocole : comment doit-on t'appeler ? Messire ? Majesté ?

     Hahaha. Pour toi, très chère, ce sera Cédric, si cela te convient ?


     Plus sérieusement, d'où vient ce pseudonyme original et intriguant ? Un rapport phonétique avec Circé, comme le suggère Gérald Duchemin, le préfacier de ton recueil Déchirures ?

     À vrai dire, ce nom représente bien des choses à mes yeux, mais Gérald Duchemin, comme souvent, a vu très juste : j'avais l'habitude de signer Sire C. mes premiers textes, et c'est encore de cette manière que bien des gens (en tout cas mes amis) m'appellent. Certes, il s'agit d'un choix à double tranchant de ma part, car un titre au lieu d'un nom de famille déroute fatalement, et peut même être mal interprété par certains petits esprits. Mais, comme je l'ai dit, c'est un nom extrêmement précieux pour moi, le reflet de ma personnalité en quelque sorte. Je suis flatté, et vraiment ravi, que Gérald ait choisi « Circé » comme titre de sa préface, car en toute honnêteté on ne pouvait mieux poser les bases, annoncer la couleur si on peut dire, en ouverture de mon premier livre solo. Ajoutons-y la citation de Dante : « Vexilla Regis Prodeunt Inferni », et le rideau peut se lever... ou se déchirer...


     Parlons de ce recueil, justement, qui vient de paraître aux éditions Nuit d'Avril. Il regroupe quelques textes qui avaient déjà été publiés et étaient devenus introuvables, ainsi que quelques inédits. À l'exception de « Nenia », conte poétique d'une douceur extrême, toutes les nouvelles ont une certaine homogénéité : comment s'est fait le choix des textes ?

     Cela faisait quelques temps que j'avais envie de rassembler des textes de littérature fantastique au sens large, en mettant de côtés certains excès les plus sanglants que j'avais pu commettre par ailleurs (bien que ce que j'écrive y revienne toujours, d'une manière ou d'une autre, nous avons tous nos vieux démons) et l'année dernière les éditions Nuit d'Avril ont manifesté leur intérêt pour le concept. Tout s'est donc mis en place le plus simplement du monde. Nous avons discuté de textes qui pourraient se marier de la façon la plus harmonieuse possible, en écartant certains, en rajoutant d'autres (à l'origine, je ne comptais pas inclure, par exemple, la nouvelle « Hybrides » qui avait déjà été publiée dans l'anthologie Forces Obscures, mais il s'agissait d'une des histoires préférées de Franck, c'est avec elle qu'il m'avait découvert, donc nous l'avons rajoutée et je pense que c'est un choix judicieux pour l'harmonie de l'ensemble). Même « Nenia », que tu évoques, est intimement liée au reste, dans la thématique au moins. Sa principale différence avec les autres textes, c'est surtout d'être située au moyen-âge, et d'être narrée de façon plus poétique... mais ensuite, je ne suis pas certain que ce conte soit plus doux que les autres, il est même le plus triste du recueil selon moi, mais d'une tristesse exaltée, transcendée. Bref, en fin de compte, ce choix de sélection m'a permis de présenter une suite de textes très récents (comme « Sister », qui ouvre le recueil, un récit lorgnant vers le thriller, sur le thème du jumeau maléfique) avec d'autres beaucoup plus anciens (comme « Chérubins », un autre petit thriller très moderne, où le fantastique est essentiellement allusif, bien que toujours présent, car les démons ne sont jamais loin) et au final le livre me semble à la fois très divers et très cohérent dans sa couleur — et débordant d'action de la première à la dernière page !


     Tu es un des représentants de la culture gothique ; or, celle-ci ne se résume pas à la littérature, la musique y a une part importante et tu travailles pour le magazine Elegy. Quels sont tes goûts musicaux ? Toi-même, joues-tu de la musique ?

     J'ai des goûts prononcés pour des choses très diverses, à vrai dire. Mais effectivement, j'aime par-dessus tout la beauté et le macabre, donc forcément des choses très gothiques. Pour le reste, ce n'est certainement pas à moi de me cataloguer, on le fait déjà bien assez pour moi, et de façon toujours... étonnante (rires) Quand à la musique, je suis vocaliste au sein d'un groupe (Grimoria) mais il s'agit d'une formation de metal, c'est-à-dire de rock'n roll avec des grosses guitares et une grrrrosse voix, ce qui n'a *strictement* rien à voir avec le courant gothique. Oh yeahhh.


     Elegy, la traduction, l'anthologie (Emblèmes Polar aux éditions de l'Oxymore) et l'écriture, ça fait beaucoup ! Comment arrives-tu à trouver le temps pour tout ça ? Dirais-tu que ces différentes activités se concurrencent ou bien qu'elles se complètent ?

     Je dirai surtout que j'ai beaucoup de chance, car je suis très mal organisé. Je fais juste ce qui me plait, souvent dans l'ordre qu'il me plait — ce qui peut varier d'un jour à l'autre — et au final j'arrive (à peu près) à retomber sur mes pieds à la fin. Merci à l'étoile qui veille sur moi (sourire).


     Ton écriture a énormément évolué en quelques années. As-tu fait un travail particulier sur la forme, sur le style, ou est-ce venu « naturellement » ?

     J'en ai justement discuté, il y a peu, avec un journaliste qui trouvait mes histoires trop simples, et qui me conseillait d'apprendre davantage de techniques de narration, de structure, enfin ce genre de choses. Et c'est exactement ce que je vais faire désormais. Jusqu'à présent, j'avoue m'être toujours contenté de suivre mon feeling — et les petites voix dans ma tête ! Si j'ai évolué comme tu le dis, je l'espère (rires) tout comme j'espère évoluer un peu chaque jour, à tous les niveaux de ma personne et de ce que je fais, de ce que j'entreprends et de ce que je vis, sinon quel intérêt aurait cette existence, hein ?


     Quels sont les écrivains ou les livres que tu lis ou qui t'ont marqué ?

     Ah, la liste est longue, forcément... mais disons que l'auteur qui m'a le plus fondamentalement traumatisé, et que je continue de vénérer sans mélange, est sans aucun conteste Clive Barker. C'est un génie absolu, qui a écrit les livres les plus marquants de ces cinquante dernières années. Chaque simple chose qu'il écrit dépasse instantanément le cadre du récit, et touche à la texture de l'univers, c'est absolument vertigineux. Sans prétendre espérer jamais arriver à la cheville d'un tel créateur, je me rends compte qu'il m'a influencé dans mon écriture, et même plus largement dans la conception et la compréhension de ma vie. D'ailleurs ces jours-ci je dévore, au goutte à goutte, son dernier roman, Coldheart Canyon... une nouvelle, énorme claque...


     Plus généralement, qu'est-ce qui t'inspire ? Es-tu un rat des villes ou des champs ?

     Hmm... là, je ne suis pas bien certain de comprendre la question ? En ce qui concerne mon lieu d'habitation, je viens tout juste de retrouver Toulouse, la ville rose, que j'aime beaucoup, et dernièrement j'ai surtout passé mes nuits à sortir et à « orgir », comme dirait Tristan, le narrateur de ma nouvelle « Blood-Road » ^^ Cela me redonne le plein de fabuleuse énergie pour dévorer la vie d'une part, et ensuite pour créer de jolies choses. Oiseau de nuit des villes donc, en tout cas pour l'instant. Sinon, souvent loup solitaire. Il n'est pas impossible que, cet hiver, j'aie envie de m'envoler passer un mois en Guadeloupe. Envie de boire du rhum, de faire la sieste dans des jacuzzis et de manger des fruits frais, bref de découvrir d'autres choses que je n'ai encore jamais essayées. La vie est trop courte pour ne pas en profiter à son maximum !


     Quels sont tes projets maintenant ? Et... question classique, comptes-tu t'attaquer à la forme romanesque ?

     Eh bien je suis fier de t'annoncer que, suite à Déchirures, mon premier roman sortira en 2006 aux éditons Nuit d'Avril. Il s'intitule Angemort, et on y retrouvera les démons aux cheveux blancs que l'on a aperçus danser entre les pages du recueil. On en reparle quand il sort ok ? Et d'ici là, Lucie, je te souhaite plein de bonnes choses, ce fut un réel plaisir de répondre à tes questions. Joyeux Halloween !

     Sire C. le 31 octobre 2005
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Biographies, catégorie Interviews
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