Philippe Cazamayou, alias
Caza, est né à Paris en 1941. Très tôt attiré par la
bande dessinée, il est également, avec son frère, un grand lecteur de
science-fiction. Sa signature apparaît d'ailleurs dès 1968 dans les
référendums de la revue Galaxie, où il donne son avis sur le
contenu de la revue.
Depuis bientôt
trente ans il partage ses activités entre la bande dessinée,
l'illustration de couvertures et, à l'occasion, le film
d'animation.
Sa carrière professionnelle
commence dans le milieu de la publicité jusqu'à ce qu'il signe, en 1970,
un premier album, Kris Kool, chez Losfeld. Mais c'est l'année
suivante qu'il débute dans la BD en réalisant, à partir du n°602 du
journal Pilote, une série délirante, Quand Les Costumes avaient
des dents (six épisodes de deux ou trois planches), suivie d'une autre
sur scénario de Bazzoli, Princesse
Glucide.
A l'époque,
Caza se sent à l'aise dans les récits courts. Il n'est
pas l'auteur de récits de 44 planches et ne conçoit pas de s'enfermer de
façon durable avec un personnage de série. S'il crée un univers, c'est par
petites touches, les histoires complètes constituant autant d'approches
différentes de celui-ci. L'influence de l'époque est un mélange de pop-art
et d'illustrateurs anglais (Beardsley). Virage
dangereux, en 1972, où l'auteur se met en scène, annonce sa Chronique
de la vie de banlieue, une série fantasmatique sur la ville et ses
zones inquiétantes, qui paraîtra à partir de 1975 et sera repris deux ans
plus tard en album (Scènes de la vie de banlieue, Accroche-toi
au balai, L'hachélème que j'aime). En cela, il est tout à fait
dans l'air du temps ou, du moins, en phase avec l'esprit du journal. Le
fantastique au quotidien, la banlieue, inspirent de nombreuses BD (pour
l'automobile, Les Mange-bitume de Lob et
Bielsa), et il n'est pas le seul à se représenter au
détour d'une case, (Moebius,
Gotlib, ...). L'influence de Gir,
et dans une moindre mesure de Druillet, est patente,
dans le hachurage des ombres, l'audace de certains plans, aux perspectives
inhabituelles.
1972 est aussi l'année où
Caza réalise ses premières illustrations pour les
éditions OPTA. Il apparaîtra sur les couvertures de J'ai Lu à partir de
1974, avec Jirel de Joiry de Catherine
Moore.
Kesselring réalise un
recueil de textes, dessins et photos dans la série "Fume, c'est du..." en
1975, où il livre ses doutes ou ses opinions sur le monde. Il réalise des
couvertures pour le même éditeur, dans la collection S.-F. de
Bernard Blanc, « Ici et maintenant », et
pour lequel il a déjà réalisé des couvertures de son fanzine, Le Citron
hallucinogène.
Après s'être penché
sur ses angoisses urbaines, non sans humour et dans l'ambiance post
soixante-huitarde de l'époque, Caza puise son
inspiration aux sources d'un onirisme plus positif, non dénué de
mysticisme. Les Habitants du crépuscule et Les Remparts de la
nuit rassemblent plusieurs récits nés de rêves, éveillés ou non, qui
ont un mot, une phrase pour catalyseur. Les lectures avouées sont, entre
autres, Wul et Harlan Ellison,
mais aussi les contes, les légendes, les mythes, cette mémoire collective
de l'humanité. Les Oms, personnages aux traits simplifiés, apparaissent
comme des êtres fragiles souvent dépassés par les événements.
Caza dessine superbement des femmes aux formes
généreuses, dont l'attitude est un rien dominatrice. Les hachures cèdent
progressivement la place à la
couleur.
Durant cette décennie,
Caza est présent sur tous les fronts : outre ses
collaborations à différentes revues (Actuel, Fluide Glacial,
La Gueule ouverte) ou fanzines (Falatoff, A
comme...), ses illustrations de romans, il poursuit sa carrière BD
chez Dargaud, mais aussi aux Humanoïdes Associés, qui réalise en 79 un
recueil de ses couvertures.
Son passage à
Métal Hurlant, à partir de 1976, lui donne d'ailleurs l'occasion de
dessiner de grandes visions fantasmagoriques, où l'ampleur des décors
laisse rêveur. Ses premières pages sont en noir et blanc et révèlent sa
maîtrise graphique dans le pointillisme. L'univers, très érotique, décline
des thèmes philosophico-mystiques autour de la naissance et du mystère des
origines : l'œuf, la femme-mère, la genèse de l'univers se combinent
dans une même cosmogonie (Sanguine, Hydrogénèse in Arkhé).
Les différentes créatures mythologiques ou fantastiques issues du limon ou
des éléments primordiaux se retrouvent bien évidemment dans son
œuvre : l'axolotl, le scorpion zodiacal, la salamandre, la
mandragore...
Le même thème est à
l'origine d'Arkhé, aux accents bibliques, suivi de Chimères
et Lailah. Chez le Caza des années 80,
hachurage et pointillisme ont disparu au profit d'un traitement de la
couleur directe très abouti. L'homme est toujours considéré à l'échelle de
l'univers, sa grandeur se mesure à l'aune des étoiles mais il n'est ni
insignifiant ni dérisoire pour autant ; il peut influer sur son
destin pour peu qu'il se souvienne de sa place et de ses origines.
Mémoires des écumes est justement le titre d'un album réalisé avec
Lejalé, coscénariste et photographe des clichés
retravaillés par Caza. Ici aussi, l'histoire part du vide de la nuit des
temps pour aboutir à la naissance du premier homme, Simon Nandertal.
L'histoire de l'humanité est retracée de façon allégorique jusqu'à sa
disparition, jusqu'à ce que les vagues en effacent les dernières
traces.
On trouve, dans l'oeuvre de
Caza, la démesure et la puissance d'une symphonie
wagnérienne. Ce n'est sans doute pas un hasard si Mémoires des
écumes est également un spectacle crée et monté à Rennes en 1984, sur
une partition de Henri Thorgue, ni s'il participa à la création des décors
et des costumes d'une comédie onirique, Mangeront-ils ?,
adaptée d'un autre génie de la démesure, Victor
Hugo.
Ses images prennent vie d'une autre
manière lors de sa collaboration avec René
Laloux : deux premiers courts métrages d'animation sont
réalisés, La Prisonnière et Comment Wang-Fo fut sauvé,
inspiré d'un conte chinois, avant le long dessin animé qu'est
Gandahar, adapté du roman de Jean-Pierre
Andrevon.
La mythologie reste
une importante source d'inspiration puisqu'il compose une série en six
volumes consacrée au Monde d'Arkadi, basé sur le mythe d'Orphée.
C'est le retour à une bande dessinée plus classique, sans couleurs
directes. Les images ne sont plus muettes ni imposantes de majesté mais
s'inscrivent à nouveau dans une narration dialoguée. Le trait est plus
nerveux, plus cassant mais d'une grande lisibilité. Parallèlement,
Caza dessine sur scénario de
Lemordan, une série de quatre albums, aux éditions
Soleil.
Aujourd'hui, il publie chez
Delcourt. Après la réédition de L'âge d'ombre (comprenant notamment
Arkhé), paraîtra prochainement Nocturnes, un album
indépendant d'Arkadi mais qui a la même univers pour
cadre.
Caza ne manque
pas non plus de projets : il travaille sur un projet de dessin animé
de science-fiction, Skän, guerrier du soleil, adapté d'un roman de
Brussolo, A l'image du dragon, qui sera réalisé
par Philippe Leclerc, un assistant de
Laloux.
Par ailleurs,
Caza ne se contente plus d'illustrer les romans
publiés chez J'ai lu : suite aux amitiés nouées dans le fandom, il
signe désormais des couvertures chez Denoël, Encrage, Orion, Fleuve Noir,
l'Atalante ou pour des revues comme Galaxies,
Bifrost...
Pour la convention, Caza réalisera une exposition sur le thème de l'Autre.
Qu'il en soit ici sincèrement remercié.
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