Alain le Bussy (avec un "l" minuscule, s'il vous
plait, et il ne s'agit pas d'un pseudonyme) est né à Liège le 18 mars
1947.
Publié depuis peu de temps
seulement (1992), cet auteur prolifique fait pourtant partie depuis
longtemps du paysage de la S.-F.
francophone.
En temps que lecteur, son
intérêt pour la science-fiction s'éveille, en même temps que son
adolescence, avec La Guerre des Triffides de John
Wyndham, publié en feuilleton dans l'hebdomadaire belge
Moustique. Comme tout amoureux de la science-fiction, il conserve
pour sa première lecture S.-F. une affection particulière. Suivront une
série de livres qu'un de ses amis recevait en service de presse :
Le Gambit des étoiles de Gérard Klein, Le
Monde des non-A de van Vogt, Les Négriers du
Cosmos de Brunner. A peu près à la même époque
(vers 60), il fait la découverte du cinéma de S.-F., avec Le Jour où la
Terre s'arrêta retransmis à la télévision. Il est désormais
ferré.
Dès 1960, il participe à la
publication d'un journal au collège jésuite où il a commencé ses études
secondaires : Conjuncte ! (Ensemble !, en
latin). Il y publiera son premier article sur la S.-F., en 1961. Cette
expérience de l'édition sera la première, mais loin d'être la
dernière !
Quelques années plus tard
(en 67), c'est pour la Maison des Jeunes d'Esneux qu'il édite un journal
(L'Echelle). Il y publie sa première nouvelle. Cette nouvelle qui
ne porte alors pas de titre aura une destinée amusante, puisqu'elle sera
reprise en 1990 dans la revue québécoise Imagine, sous le titre
Un Don inné, et qu'elle lui rapportera ses premiers droits
d'auteurs - vingt-trois ans
après !
Entré à l'université, où il
poursuit des études en sciences politiques et sociales, il se lance en
parallèle dans l'écriture : des nouvelles dont certaines paraîtront
dans le bulletin interfacultaire de l'Université de Liège, et son premier
essai de roman.
Premier contact avec le
monde du fandom, il participe à la convention de Heidelberg en 1970. Et au
retour de celle-ci, lance son fanzine devenu fameux dans le milieu :
Xuense sous-titré The Magazine of le Bussy &
Science-Fiction. Pour l'anecdote, Xuense est l'anagramme de
Esneux, la ville où vit Alain le Bussy. Tous ceux qui
le fréquentent savent cette longue habitude qu'il a de former la plupart
des noms dans ses textes à partir d'anagrammes de noms de lieux proches de
chez lui, d'amis ou encore d'acteurs bien connus du milieu de la S.-F. On
en a encore un exemple avec les héros de son dernier roman paru à ce jour,
Le Mendiant de Karnathok. Si vous connaissez quelque peu le nom
d'auteurs francophones, jouez au petit jeu du clin d'oeil le
bussien !
Dans les années qui
suivent, il poursuit la publication de Xuense, écrit des nouvelles
pour des fanzines et un nouveau roman Quête impériale (1972), qui
ne sera édité qu'en 1993. Comme il lit couramment l'anglais, il effectue
également des traductions de nouvelles d'auteurs anglo-saxons pour des
fanzines. Traductions qu'il retrouvera parfois plus tard dans des
publications
professionnelles.
Xuense en est à
son numéro 16, et le suivant est presque bouclé, quand il participe à
l'organisation de la convention francophone de Liège, en juillet 1976.
Cette organisation va le laisser à ce point saturé de science-fiction que
pendant sept ans il coupe tous les ponts avec la S.-F., ne sortant même
pas le numéro de son fanzine qui est pourtant presque prêt. Il cesse
d'écrire, à l'exception notoire d'un roman écrit comme un pari en 1981
(Les Oeufs de Deraag) qui deviendra Deraag lors de sa
parution en 1993. Et d'une nouvelle, sortie dans le numéro de Noël 83 du
journal d'entreprise de la société où il
travaille.
Cette nouvelle, il l'insère
dans le numéro 17 de Xuense qui renaît de ses cendres en ce début
1984 où le Bussy se remet à l'écriture. Pendant ces
années 80, il va écrire les trois premiers tomes du Cycle de Yorg,
ainsi que Garmalia et Chatinika. A chaque fois ses textes
sont refusés.
Il achève en 1991, Deltas qu'il
envoie à Gérard Klein chez Laffont. Celui-ci le refuse
tout en envoyant une lettre d'encouragement conseillant à le
Bussy de présenter le manuscrit chez J'ai Lu ou au Fleuve Noir.
Ainsi fait-il. Et c'est le déclic. En mars 92, le mois de tous les
bonheurs, le Bussy reçoit à la fois le Prix
Septième Continent de la revue Imagine pour la nouvelle
Les Lois du hasard 1 et l'annonce que
Deltas est accepté au Fleuve Noir. Quel beau cadeau
d'anniversaire !
Le bonheur se poursuit l'année suivante,
puisque Deltas reçoit le prix Rosny 93 lors de la convention
d'Orléans. Détail croustillant : à son retour de la convention,
Alain le Bussy trouve le refus de Deltas
signifié par J'ai Lu.
Depuis,
Alain le Bussy n'arrête plus de publier et d'écrire.
Il est aussi devenu un acteur important du petit monde de la
science-fiction francophone, participant notamment à toutes les
conventions depuis Redu en 1992.
Vingt
ans d'attente avant d'être édité pour la première fois. Sacré parcours,
surtout quand on constate que plusieurs livres refusés en leur temps ont
maintenant été acceptés. On pourrait se dire que cette reconnaissance
tardive n'est due qu'au prix accordé à Deltas. Mais il faut plutôt
en chercher l'origine dans le changement de l'équipe éditoriale du Fleuve.
Le temps était enfin venu pour des histoires
atypiques.
Le style d'Alain le
Bussy n'a rien d'extraordinaire en soi. Ce n'est pas un
ciseleur de mots, et on sent que son écriture coule de source, sans grande
fioriture. Mais c'est une source limpide. Par contre, c'est un véritable
conteur qui, lorsqu'il a ferré son lecteur, ne le lâche plus.
Et ses héros sont atypiques. Ballotté
par les événement plutôt qu'acteur, le héros chez le
Bussy semble n'être qu'un fantoche sans grande consistance.
Rien de bien extraordinaire là dedans me direz vous. Peut-être, mais ce
qui l'est plus, c'est que lorsque finalement il en vient à sortir de sa
chrysalide, et à révéler ses qualités au moment de dénouer l'écheveau de
l'intrigue, ce n'est pas en de sombres batailles qu'il le
fera.
Est-ce une influence de son métier
(le Bussy travaille à la Direction des Ressources
Humaines) ou simplement un effet de sa nature positive et
optimiste ?, le Bussy s'écarte des tics du Space
Opera et de la Science Fantasy, - genres auxquels ses romans se rattachent
pourtant. Ses dénouements n'ont rien à voir avec les batailles rangées,
révolutions et autres coups de mains qui ponctuent tant de romans de S.-F.
Ses héros ne sont pas des êtres providentiels, même si leurs alliés et
leurs adversaires les perçoivent très vite comme des êtres clefs. Non, ce
sont en fait des "dénoueurs". Et leurs armes ne sont pas l'épée et le
pistolaser, mais la négociation et la conciliation.
C'est par cette tendance à déminer
l'affrontement au profit de la compréhension (Équilibre), ou de
l'évolution spirituelle (Le Mendiant de Karnathok) que l'oeuvre
d'Alain le Bussy se singularise. Et même si dans
Deraag la tentative d'accord entre peuples antagonistes échoue par
le manque d'évolution de certains, l'échec n'est pas absolu. Le titre même
de Équilibre est symptomatique de la quête que l'on trouve dans les
romans de le Bussy. Et c'est en cela qu'ils sont
précieux dans le monde de la S.-F. trop souvent marqué par le pessimisme
simpliste et l'affrontement brutal.
Pour
Lodève le fécond Maître d'Esneux, comme on l'appelle familièrement dans le
milieu de la science-fiction francophone, amènera certainement dans ses
bagages plusieurs autres romans, dont Le Maître d'Iquand (parution
en mai).
Notes :
1. Et non pas pour la nouvelle
Le Jour des gens méchants, présentée au concours de la même
année et avait également terminé bien placée.
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