Les choses les plus banales qui vous entourent vous paraîtraient impossibles si vous les voyiez pour la première fois. Combien vous semblerait étrange ce mélange d'hydrogène et d'oxygène que nous appelons eau, si vous n'aviez jamais vu de liquide. Que penseriez-vous d'un poisson rouge dans un bocal si vous n'aviez jamais vu ni verre ni poisson ? Supposez que vous débarquez sur une planète où vous vous trouvez face à face avec un homme ignorant la nécessité de se vêtir. Un homme dont la peau ridiculement rose serait dépourvue de fourrure ou de plumes. Vous crieriez au fou ! Cela bousculerait vos notions du possible... Imaginez l'impact de ces lieux communs sur un enfant de dix ans. Je ne me rappelle ni le titre du livre, ni le nom de l'auteur ni même l'histoire. Et pourtant ce jour-là j'eus l'impression de faire une immense découverte, de poser le doigt sur une question fondamentale que ni la lecture de la Comtesse de Ségur ou de Treize à la douzaine n'avait jamais soulevée. Je venais de lire mon premier roman de science-fiction et plus précisément de space-opera. Et il me donna un tel choc que j'en notais des passages sur un carnet. Grâce à un mauvais bouquin d'aventure, je réalisai soudain, non seulement l'immensité de l'univers mais aussi sa diversité. Je venais de prendre conscience que tout ce que je savais du monde qui m'entourait pouvait être remis en question, que toute vérité était relative et que le monde que j'avais sous les yeux n'était pas le bout du monde mais une infime partie de l'univers. Une vingtaine d'années se sont écoulées depuis cette première rencontre avec le space-opera. J'ai eu l'occasion d'explorer toutes les formes de science-fiction et de découvrir, en particulier avec la spéculative-fiction, à vocation sociologique, une littérature intelligente et mûre, de plus en plus appréciée par un public exigeant. Les nouveaux lecteurs, plus intellectuels, affichent un mépris profond pour le space-opera en perte de vitesse. Car, littérature populaire, ils lui reprochent de privilégier l'action et non le style et de regorger de grands sentiments ou de personnages stéréotypés. Il faut reconnaître que la plus grande partie des romans publiés leur donne raison. Malheureusement, ce mépris pour le genre dans son entier englobe des textes merveilleux dans lesquels l'amour, la haine, le bon et le méchant ne sont que des ingrédients, indispensable à toute littérature populaire. Mais ces épices ne doivent pas pour autant cacher les thèmes et les idées qui donnent sa véritable dimension au space-opera. Ses écrivains explorent les frontières de la connaissance, ils s'interrogent sur le devenir de l'humanité, et sur sa finalité, ils spéculent sur la grande énigme de l'univers, le mystère de l'écoulement du temps, ils rêvent les inconnues que contient le cosmos et auxquelles l'homme pourrait un jour se trouver confronté s'il prenait la route des étoiles. En rassemblant les textes de mon premier recueil, Les Pièges de l'espace, je désirais montrer que le space-opera, ce genre tant décrié, cette sorte de western galactique, ne se résumait pas à des batailles d'astronefs ni à des explorations de planètes vierges mais qu'il pouvait être un réservoir d'idées stimulantes et audacieuses. Il m'avait semblé que les pièges qui attendent les astronautes aux quatre coins de la galaxie constitueraient un appât, à condition d'évincer le monstre habituel ou le petit martien vert, et de poser des trappes plus subtiles, reposant sur les spéculations sociologiques, politiques, culturelles. Ce recueil vous entraînera encore plus loin dans les champs infinis de l'imaginaire. Les futurs de l'homme sont multiples. Trois écrivains de science-fiction vous offrent, par-delà l'espace et le temps, trois formes de civilisations futures, trois visions du devenir de l'humanité, trois aboutissements de l'homme, trois philosophies différentes. Théodore Sturgeon, l'un des écrivains les plus célèbres de la science-fiction envisage le devenir de l'espèce humaine avec le mysticisme et la philosophie humaniste qui le caractérise. Rob Holdstock, jeune écrivain anglais, profite de ce futur inaccessible pour dépeindre une civilisation où l'homme a complètement maîtrisé son environnement, son corps, son esprit, et se livre à la création artistique. Thomas N. Scortia, un scientifique, spécule sur un futur technologique où l'homme largue ses amarres et abandonne peu à peu son sens de l'humanité, hypnotisé par l'appel de l'espace. Les champs de l'Infini sont innombrables et laissent le champ libre aux spéculations les plus folles.
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