C'est en hommage à Hugo Gernsback que les prix décernés par les fans, lors des conventions mondiales (ou worldcons) ont été appelés Hugo. Mais qui est Hugo Gernsback ? Un grand écrivain du genre ? Absolument pas. Son roman Ralph 124 C 4l + (Satellite — ibid, 1911) est d'une grande médiocrité ; sous-titré « une chronique de l'an 2660 », il n'est qu'un catalogue émerveillé des inventions à venir. Certes, il a créé le mot « science-fiction » (1929), précédé en 1926 d'un « scientifiction ». Mais le mot n'est pas la chose. En fait, l'importance historique de Gernsback réside dans son activité d'éditeur. En lançant en avril 1926 la première revue de science-fiction Amazing Stories, il cristallise en un genre séparé tous ces récits où se mêlaient visions prophétiques de l'avenir et extrapolations scientifiques. Mais aveuglé par son enthousiasme pour Poe, Verne et Wells, Gernsbarck n'a-t-il pas enfermé la SF balbutiante dans le redoutable ghetto de la paralittérature ? En faisant précéder le mot fiction d'un encombrant « science », n'a-t-il pas créé un contresens majeur source de tous les malentendus encore aujourd'hui (surtout aujourd'hui) et fourvoyé la malheureuse SF dans une impasse, celle de l'anticipation scientifique mâtinée de futurologie ? Que serait devenue la SF si Gernsback n'avait pas émigré aux Etats-Unis en 1904 ? Voilà un excellent sujet de réflexion pour les amateurs d'uchronies !
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