Site clair (Changer
 
    Fonds documentaire     Connexion adhérent
 

La faim des vampires et la quête du sang

Jacques SIRGENT

Ténébra n°1, avril 2010

          L'Histoire serait la science qui étudie les événements et faits du passé. L'Histoire officielle est sans doute celle qui ne choisit que d'étudier certains événements et d'en occulter d'autres, plus gênants et qui donnent une triste image de notre humanité. Il en est qui le pensent et osent l'écrire, des hommes de terrain qui connaissent bien leurs congénères, leur manière de fonctionner et l'histoire du genre humain dans sa façon de penser. Michel Cépède, un temps Président du Conseil de l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture des Nations Unies (PAO), Hugues Gounelle de Pontanel, ancien Président de l'Académie Nationale de Médecine et Marcel Autret, un temps Directeur de la Division de Nutrition de l'Organisation pour l'alimentation et l'Agriculture des Nations Unies (PAO), ont écrit dans leur ouvrage collectif, intitulé très sobrement « La Faim » : « ... Nous aussi devrions savoir ce qui s'est passé en Europe au cours de la seconde guerre mondiale, mais l'humanité refoule dans sa mémoire la plus obscure ces drames quotidiens et ceux mêmes qui y participèrent, voire en furent les victimes, s'efforcent, s'ils en sont réchappes, de ne raconter à leurs enfants et de ne se raconter à eux-mêmes que ce qui est digne de l'être... »

 

          Etonnons nous après cela d'entendre répondre : « Hitler, connais pas » ... « La faim, connais pas ». Et les vampires dans tout cela ? S'ils n'étaient qu'une diversion, un très subtil moyen de détourner notre attention de l'essentiel et non une faim en soi ? Prentice a bien écrit que l'Histoire, avec un grand H pour cacher la vérité est, principalement une histoire de la recherche de la nourriture. C'est peut être là qu'interviennent les vampires. Car s'ils sont apparus, si je puis dire, à l'aube de la nuit des temps, peut-être parce que les vivants avaient tellement de mal à le rester et que leur préoccupation première, leur plus grande nécessité, en un mot comme en sang, leur obsession primordiale était simplement de trouver de quoi boire et manger. On se dit, et on n'a pas tort, tellement cela peut paraître évident qu'après l'âge d'or de la mythologie grecque et l'avènement de l'âge de fer, où les hommes durent travailler et batailler dur pour survivre et se nourrir, il ne devait pas être si difficile de trouver de quoi s'alimenter... On se répète, surtout pour se rassurer, que nos ancêtres tellement lointains n'étaient après tout, pas si nombreux et qu'il suffisait presque de se baisser pour récolter les fruits de la nature, immobiles, et manger la chair des animaux, qui eux devaient bouger ! Mais il ne devait pas être si simple de les attraper et l'homme devra attendre très longtemps avant de savoir mettre au point des pièges et fabriquer des armes pour chasser.

 

          Il y a avait plusieurs types de faims car nos ancêtres néanderthaliens ne connaissaient rien à la diététique et ignoraient comment composer un menu équilibré indispensable à la survie d'un individu en bonne santé. Ils durent commencer très tôt à boire du sang puisqu'ils savaient instinctivement, d'expérience, que ce liquide leur était vital à plus d'un titre. Ils avaient besoin du liquide rouge pour survivre et se désaltérer tout simplement pour vivre et l'eau potable fut un problème majeur depuis la préhistoire jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle en Europe et dans le reste du monde. Il est pour ainsi dire impossible de boire de l'eau « pure » si elle n'est pas décontaminée. Il est vrai que les nitrates et l'arsenic, chers à nos agriculteurs, n'avalent pas encore droit de cité dans les fleuves et rivières de l'antiquité.

 

          Maïs des textes médiévaux montrent clairement que l'approvisionnement en eau potable virait partout en Europe, à l'obsession. Et encore maintenant la diphtérie, le choléra et l'hépatite tuent encore par milliers au Tadjikistan, en Albanie et même en Lettonie où les habitants boivent une eau très peu filtrée. Pendant longtemps l'alcool, sous forme de vin, de bière, d'hydromel et d'alcools de fruits, et ce, jusque dans les monastères et les couvents, était la boisson la plus sûre pour rester en vie et en absence de ces liquides forts, on se rabattait sur le sang qui n'était pas toujours d'origine animale. On raconte que les burgondes assiégés, buvaient le sang de leurs compagnons massacrés. Pourquoi auraient-ils été les seuls à se nourrir de la sorte ? Est-ce pour cela que Dieu avait prévenu Noé dans le chapitre 9 de la Genèse : « Tout ce qui se meut et vit et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. Seulement vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c'est à dire le sang. Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. J'en demanderai compte à tous les animaux et à l'homme, aux hommes d'entre eux, je demanderai compte de l'âme de l'homme. »

 

          Le sang versé et la valeur du sang viraient tellement à l'obsession que ce n'est pas tant le meurtre qui était répréhensible que de verser le sang au point que certains peuples des Balkans étranglaient leurs victimes pour ne pas entrer en contact directement avec leur sang et ainsi être damnés. Il y a très longtemps, avant l'antiquité, les vivants attachaient leurs morts avant de les enterrer. Ils avaient sans doute peur que leurs parents, leurs amis reviennent leur reprendre ce qu'ils avaient si chèrement acquis, leur sang. Très tôt dans l'histoire, les habitants buvaient ce liquide vital, non seulement pour se désaltérer mais pour absorber l'âme et la force de la personne décédée. Dans les arènes romaines les patriciens se faisaient apporter des bols de sang des gladiateurs massacrés. Alexandre le grand buvait du sang de bœuf pour acquérir sa force. Et tous les philtres d'amour de l'antiquité ou du moyen-âge, étaient fabriqués à base de sang menstruel pour augmenter la vitalité qui rime avec virilité...

 

          Des études américaines assez poussées prouvent que s'il se nourrissait exclusivement de sang, l'homme vivrait en moyenne vingt ans de plus puisqu'il est un fait reconnu que l'on perd 20% de longévité pour cause de mauvaises habitudes alimentaires ; le sang contient des vitamines et des protéines pures, sans radicaux libres ni cholestérol. En somme, boire de l'eau peu filtrée ou mal se nourrir vous fait lentement mourir tandis que boire du sang vous fait vivre plus longtemps. La légende du vampire serait basée en grande partie sur une triste réalité. Il n'est pas anodin que la Genèse parle de « manger » le sang et non de le boire, manière de reconnaître implicitement ou peut-être même inconsciemment que le sang est un aliment complet qui se suffit à lui-même. Il est un autre fait reconnu que les vampires craignent l'eau... mais pas plus que les humains qui attrapaient les mêmes maladies en buvant l'eau contaminée ou simplement en essayant de se laver. Le vampire, créature surnaturelle ?

 

          Prenons le moyen-âge qui fut bien pire que moyen dans bien des domaines. Le mouvement des Cathares, dont le massacre final resta longtemps dans l'ombre des hautes cathédrales gothiques, a pour origine la révolte d'un homme, Pierre, riche commerçant de Lyon qui, un soir de 1173, bouleversé par le chant d'un ménestrel racontant la vie de saint Alexis qui dénonçait la famine régnant dans le bon royaume de France, décida de vendre tous ses biens afin de les distribuer aux pauvres pour qu'ils puissent manger un peu à leur faim. Quand le pape Clément VI fut accueilli en Avignon, le dîner seul coûta plusieurs dizaines de milliers de florins alors que bon nombre de paysans de la région subissaient une redoutable famine.

 

          Quand on parle de famine, la légende du vampire n'est jamais loin. Il est étonnant que ce soit pendant les siècles où les disettes faisaient rage, que l'on ose écrire que les vampires disparaissaient totalement de l'imaginaire des honnêtes gens. Le vampire, non pas créé par l'église, mais pérennisé par elle et qui n'avait jamais réussi à le détruire dans le cœur des paysans, fut donc transformé par ladite Eglise en un monstre qui terrorisait les populations alors que, peut-être, il était, non pas le problème, mais plus simplement la solution ! Le vampire cherche et réussit à se nourrir et à survivre et même à se loger, trois préoccupations qui étaient des obsessions chez la grande majorité des gens. Le vampire ne pénètre chez sa future victime que si elle y est invitée. Des sagas nordiques permettent de le vérifier. Il n'y a pas de quoi avoir peur surtout si l'invité, avant de partir, vous offre, en échange d'un peu de sang, l'immortalité...

 

          Le vampire ne se nourrit que de sang comme les âmes damnées des enfers mésopotamiens et gréco-romains tandis que bon nombre de nos ancêtres furent obligés de se rabattre sur la chair humaine dans la deuxième partie du XIIIème siècle. Qui alors est le plus horrible, le buveur de sang ou nos lointains cousins ? Et s'il n'y avait que la nourriture terrestre, ne parle-t-on pas aussi de « soif de tendresse » et les revenants des pays nordiques ne réclamaient-ils pas à leur épouse en plus de leur sang, quelques étreintes nocturnes ?

 

          Saint Jérôme l'a bien écrit : « J'aimerais que tout homme, incapable de dormir seul la nuit (j'ajoute : « même dans son cercueil »), prît une épouse. » Et si la consommation de sang entre époux (pas forcément consentants) était une manière, non seulement de se nourrir, mais de pérenniser, après la mort, l'acte d'amour qui souvent, du vivant des mariés, était scellé par le sang ? D'après Septime Sévère, la partie du corps de l'homme, située en dessous de la ceinture, était l'œuvre du démon. Il ne restait alors au mort vivant que sa bouche pour apaiser sa fringale et satisfaire son besoin d'amour... Le vampire qui n'a sans doute jamais existé sur le plan physique correspond aux peurs qu'éprouvaient nos ancêtres face à la disette et à la solitude, terreurs qui étaient par contre bien réelles. Alors le buveur de sang était-il un monstre que l'on fuyait ou bien un semblable, un frère qui peut-être vous protégeait ?

 

Cet article est référencé sur le site dans les sections suivantes :
Thèmes, catégorie Vampires
retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87330 livres, 112283 photos de couvertures, 83765 quatrièmes.
10831 critiques, 47176 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3916 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD