Je fais partie d’une génération qui a grandi en lisant la BD franco-belge, amateur farouche de la ligne claire et des grands dessinateurs américains d’avant-guerre. Le manga ne fait donc pas vraiment partie de ce que je suis capable d’apprécier pleinement, mes goûts n’ont pas été éduqués en la matière et j’ai parfois du mal à lire de droite à gauche... Mais là, et cela va être une grande première, j’ai découvert et été enthousiasmé par un manga ! Il s’agit de « Thermae Romae », de Mari Yamazaki (4 volumes déjà sortis chez Casterman), un manga SF d’une finesse de dessin et de scénario absolument remarquable. L’action se passe dans la Rome de l’empereur Hadrien, à la fin des années 120 de notre ère : Lucius Quintus Modestus est un architecte spécialisé dans la construction de thermes, dont la carrière ne décolle pas car il n’a guère d’idées. Et voilà que, suite à un accident, il glisse, s’assomme et tombe à l’eau. Il se réveille dans le Japon contemporain, dans un établissement de bains ! Nous savons tous que la culture des bains est une institution dans ce pays. Mari Yamazaki, qui est une grande connaisseuse des raffinements de cette culture, les fait donc découvrir à Lucius qui met à profit ses découvertes pour les rapporter à Rome (retour de la même manière : chute dans l’eau et hop, c’est fait !) où il les adapte car c’est un homme très intelligent. Cela donne un résultat extraordinaire, par exemple lorsqu’il crée à Rome un parc d’attractions aquatiques avec toboggan etc.. ! ! ! Au fur et à mesure que sa renommée croît et que le nombre de ses voyages au pays des « visages plats » se multiplie ( en même temps que ses accidents), son rôle va devenir de plus en plus important, au point qu’il va devenir le confident et l’ingénieur attitré de l’empereur, introduisant à Rome nombre d’innovations tout en contribuant à la stabilité de l’empire et du pouvoir de l’empereur. Le dessin de Mari Yamazaki est très beau, plus sophistiqué que dans le manga habituel, ce qui contribue à son attrait. C’est à la fois l’occasion de lire une histoire de SF très originale et de découvrir tout un monde, celui des thermes romains et japonais, que la plupart d’entre nous ignore totalement, le tout raconté avec une subtilité et un humour rares. Les intrigues sont toujours prenantes et l’on se passionne vite pour les aventures de Lucius dans les deux empires, où il va aussi découvrir la délicatesse et la beauté de présentation de la nourriture nipponne. Le tome 4 se termine sur un suspense éprouvant : Lucius, qui a trouvé une jeune et jolie geisha qui, de surcroît, parle le latin car passionnée de culture romaine antique, se retrouve bloqué à notre époque, alors que le successeur d’Hadrien vient de mourir et qu’il doit être aux côtés de celui-ci. Les dieux lui permettront-ils de rentrer ? Vivement le tome 5 !
Jean-Luc Rivera ActuSF 01/10/2012 Mise en ligne le 27/01/2013
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