Voici environ cinq siècles qu'a débuté la terraformation de la planète Mars, à l'aide d'une sorte de lichen... et de blattes ! Le cafard était en effet l'ouvrier idéal pour ce travail : exceptionnellement résistant, il peut se nourrir du lichen avant que son cadavre serve de terreau en retour. De plus, sa couleur noire lui fait absorber la lumière, ce qui permet d'augmenter progressivement la température de Mars et ainsi de former une atmosphère... En 2599, il ne reste plus à l'humanité qu'à prendre possession de cette planète toute neuve, après bien sûr une rapide désinsectisation... Simple formalité en apparence, mais la première équipe envoyée en vue de ce nettoyage est tombée sur un os : en s'adaptant aux conditions de vie martiennes, les cafards ont muté pour former une race humanoïde primitive, elle-même très « coriace ». L'humanité récolte ainsi ce qu'elle a semé : une inattendue guerre des mondes...
Passons sur la faible vraisemblance de mutations aussi majeures en seulement cinq cents ans : l'idée que la terraformation puisse favoriser l'émergence d'un redoutable concurrent dans notre propre système solaire est suffisamment astucieuse pour que l'on accepte quelques raccourcis. 1 On peut aussi s'étonner que le deuxième équipage international — celui dont nous allons suivre l'aventure dans ce premier tome — soit envoyé pour combattre quasiment au corps à corps. On comprendra vite qu'il ne s'agit pas encore d'une véritable mission d'éradication et que cette nouvelle expédition sert surtout de terrain d'expérimentations pour les autorités terrestres. En effet, l'homme continue à jouer avec le feu : non content d'avoir involontairement créé des hommes-cafards, voilà qu'il teste diverses manipulations génétiques en dotant chaque membre de l'équipe de super-pouvoirs tous issus d'insectes différents. Ainsi, tout en suivant des duels inédits entre divers hommes-insectes, le lecteur pourra s'instruire en découvrant les caractéristiques du coléoptère bombardier, de la fourmi balle de fusil ou du criquet pèlerin, entre autres bizarreries du monde animal.
Très précis, le graphisme permet d'assurer une bonne dynamique mais surtout de bien caractériser les personnages (et insectes), très typés comme le veut ce genre de huis-clos spatial. Les décors sont plus pauvres, ce qui surprend peu sur une planète déserte. Le problème principal était de rendre crédible cette race d'hommes-cafards et sur ce point la réussite est totale : ces grands humanoïdes massifs, aux faciès figés et aux regards insondables, impressionnent durablement. Ils gardent une sorte de mystère, voire de noblesse, qui contraste avec l'agitation brouillonne de nos congénères.
Au final, le récit de science-fiction horrifique qui en résulte est à la fois malin et distrayant, tout en faisant la part belle à l'action. A noter que ce premier tome peut se lire indépendamment, comme l'histoire d'un premier contact malheureux. La suite se situera vingt ans plus tard, avec un nouvel équipage et sans doute de nouvelles surprises.
Notes : 1. Passons aussi sur la question idiote qui termine la quatrième de couverture : qui a jamais prétendu que la théorie de l'évolution s'appliquait seulement à l'homme ?
Pascal Patoz nooSFere 24/02/2013
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